arch/ive/ief (2000 - 2005)

Paraguay: Une bataille frontale
by Adolfo Giménez* Monday July 01, 2002 at 10:01 AM
Bruxelles, Belgique

Au Paraguay, une des plus grandes mobilisations populaires depuis la fin de la dictature d'Alfredo Stroessner en 1989, s'est engagée contre la politique néolibérale du gouvernement de González Macchi. Les manifestants réclamaient le rejet par le parlement de la loi dite "1615" de privatisation.

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Face à la profonde crise économique que vit le Paraguay et au discrédit du très usé gouvernement de González Macchi, le mécontentement populaire a explosé, dirigé par le mouvement paysan.

Alors que s'achevait la troisième semaine de mobilisation contre la politique néolibérale d'un gouvernement corrompu et incapable, des milliers de paysans sont arrivés à la capitale en réclamant le rejet par le parlement de la loi dite "1615" de privatisation, déjà à moitié repoussée par les députés.

Après dix jours de blocages des principales routes du pays, un accord a été trouvé avec le gouvernement sur cinq des six revendications portées par le Congrès démocratique du peuple (CDP), à la pointe de la mobilisation. Mais le rejet définitif de la loi de privatisation est encore à gagner, ainsi que la libération de manifestants.

Le Congrès démocratique du peuple (CDP) est composé des deux plus grands collectifs d'organisations paysannes du pays, apparus à la suite de la quasi disparition des centrales syndicales corrompues. Ils ont pu faire l'unité sur la base du rejet de la loi antiterroriste, du projet de réforme de la banque publique, de la privatisation des routes, de l'application de la TVA sur les produits de la pêche, de la loi de privatisation et de la lutte contre la corruption et l'impunité.

Cette explosion était prévisible depuis des mois déjà : l'Etat est en effet rentré en crise profonde, manquant de ressources pour payer ses dépenses. Il est confronté aux graves conséquences de la crise en Argentine qui a réduit de 80 % ses échanges commerciaux avec le Paraguay dont les exportations en général ont diminué de 50 %. Il faut ajouter à cela le fort impact de la montée du dollar et la hausse du prix des combustibles.

Les représentants du gouvernement à la table des négociations ont accepté toutes les revendications du CDP à l'exception de ce qui concernait les privatisations.
Avec cet accord, la CDP a décidé de lever les blocages de routes, mais de maintenir la mobilisation jusqu'à ce que le Sénat approuve le rejet de la loi 1615.

Il est important de rappeler que la vente des entreprises publiques a déjà été bien avancée les années passées, sur la base du modèle argentin. Après l'entreprise nationale de téléphone seront ensuite visés la santé, l'eau, l'électricité, la sécurité sociale, le courrier, les routes, les douanes...

Grève générale

La perte de légitimité des dirigeants, l'approfondissement de la crise économique à un niveau jamais atteint (un tiers de la population active au chômage total ou partiel, 25 % de la population paysanne en état d'extrême pauvreté), la pression des Etats-Unis et du FMI pour l'application des plans d'ajustement et de privatisations, l'absolue incapacité et l'immoralité du gouvernement de González Macchi posent directement le problème de la prise du pouvoir d'Etat.

La mobilisation a atteint un premier échelon en obtenant l'unité de forces populaires en une lutte démocratique et une auto-organisation spontanée des masses, qui va en s'élargissant. C'est aujourd'hui une grève générale qui se prépare, sur la base des organisations participant au CDP.

Devant cette situation, certaines parties de la bourgeoisie au pouvoir discutent ouvertement d'un changement de gouvernement pour lequel elles cherchent le soutien de l'armée, qui s'était déjà préparée à réagir pour soutenir la police en cas de "débordement" des manifestations de protestation. Tout semble indiquer qu'une bataille frontale va avoir lieu entre un vaste mouvement d'organisations populaires, démocratiques de gauche et un gouvernement affaibli, une classe dominante désorganisée dont les partis politiques ne voient pour l'instant aucune issue politique. Ils ne dorment plus beaucoup, face à la révolte argentine et un possible triomphe de Lula au Brésil. L'échec du Mercosur, les offensives contre la zone de libre-échanges des Amériques et le plan Colombie ouvrent la porte à une lutte prolongée du mouvement populaire.

*Adolfo Giménez est journaliste et dirigeant de Convergencia popular socialista (CPS).