arch/ive/ief (2000 - 2005)

Numerus Clausus en kiné: la roulette russe?
by Marc Franckh Sunday June 02, 2002 at 11:58 PM
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Mal informés et convaincus que les autorités académiques les défendent au mieux, les étudiants subissent la fatalité de leur sort. Car c'est probablement au sort que seront tirés les accès à la profession de kiné. Les (trop) nombreuses associations d'étudiants tentent de défendre les futurs diplômés pour qui les examens ne sont plus la seule menace.

Après avoir oublié les belles paroles sur les fruits de la croissance, il est de nouveau question de récession et de mesures d'austérité. Vu que la Belgique dispose d'un des meilleurs systèmes de santé du monde, c'est dans ce secteur que des économies seront réalisées. Pour faire passer la pilule aux chambres syndicales, les Ministres de la Santé ont cédé à leur plus ancienne revendication (elle remonte au XIXème siècle): instaurer une limitation d'accès aux professions de la santé. Les chambres syndicales pensent en effet que si le gâteau diminue, il suffit de réduire le nombre de convives. Après l'instauration du Numerus Clausus en Médecine et en Dentisterie, c'est au tour des Kinés de payer le prix de la politique d'austérité du gouvernement fédéral. En se basant sur l'étude "pseudo-scientifique" du Dr. Dercq et le dogme qui veut que l'augmentation du nombre de professionnels de santé grève le budget de l'INAMI, la Commission de Planification a fixé les quotas: Chaque année à partir de 2005, 270 diplômés auront accès à la profession de kiné en Flandre pour 180 en Communauté Française.

Ces quotas, dans l'esprit de leurs auteurs, auraient dû être transposés en limitations d'accès aux études et les 180 visas auraient dû être répartis entre les 8 hautes écoles et les 3 universités. C'était sans compter sur l'opposition de la Ministre Dupuis (PS) et du Parlement de la Communauté Française qui, en novembre 2000, vota à l'unanimité contre toute limitation d'accès aux études. En effet, la supposée pléthore dans une profession ne peut justifier l'instauration d'un Numerus Clausus car ce sont surtout les jeunes sans diplôme et sans profession qui font pléthore et non les universitaires même s'ils sont médecins ou kinés.

De plus, les mesures anti-pléthore préparent la pénurie comme le montrent les études du Pr. Deliège (UCL) et l'exemple français où des examens d'entrée et les Numerus Clausus ont entraîné des pénuries d'infirmières, de médecins, de kinés et de vétés. La France se trouve obligée d'engager des professionnels étrangers et les étudiants français sont forcés d'aller à l'étranger pour y étudier. Certaines écoles belges comptent plus de 80% d'étudiants Français en Kinésithérapie et l'instauration d'un Numerus Clausus menace l'existence même de ces écoles. Tous les étudiants, Belges et Français, sont en compétition pour les visas d'accès à la profession et ce, même s'ils désirent travailler en France ou dans tout autre pays de l'Union Européenne.

Comme le Numerus Clausus n'a pas été instauré dans les écoles de kinésithérapie, le gouvernement fédéral attribuera les visa d'accès à la profession à la fin des 4 ans d'études. Deux hypothèses existent: Soit l'instauration d'un examen, soit un loto avec tirage au sort. Les diplômés qui n'auraient pas gagné l'accès à la profession (et les autres) seraient invités à se reconvertir en infirmières.

Le côté surréaliste de ce projet a longtemps laissé les étudiants incrédules mais les récentes déclarations du Ministre Vandenbroucke ne laisse planer aucun doute: Les étudiants, les professionnels de la santé et leurs patients sont dans le collimateur. Après la taxe de 10% sur les produits vendus en pharmacie et la diminution du remboursement de nombreux médicaments, le Ministre veut poursuivre en réduisant de 60 à 18 le nombre de séances de kiné remboursées par l'INAMI (par pathologie et par an). Ce samedi 2 mars, le Ministre Vandenbroucke expliquait sur la chaîne de télévision Ketnet: "Les Belges étudient longtemps, prennent leur pension tôt et vivent longtemps: ils ne doivent donc pas espérer bénéficier de trop belles pensions". Les retraités seraient-ils eux aussi menacés? A moins que l'on réduise l'espérance de vie? A Suivre ...

(Cet article a été publié dans l'édition de mars 2002 du P'tit Torê, le journal de la Fédé à l'Université de Liège.)