arch/ive/ief (2000 - 2005)

La télévision a accru sa couverture de la violence durant la campagne
by le monde(posted by guido) Monday May 27, 2002 at 05:01 PM

Y a-t-il eu une augmentation, dans les médias, du nombre de sujets consacrés à l'insécurité depuis le début de l'année jusqu'au "choc électoral" du 21 avril ? Y a-t-il eu une accélération dans les semaines qui ont précédé le premier tour de l'élection présidentielle ? Sur quelle réalité reposent les accusations du député (PS) de l'Essonne, Julien Dray, à l'encontre de TF1, à laquelle il reproche "une part particulière de responsabilité" (Le Monde du 11 mai) dans l'exacerbation du sentiment d'insécurité ?

Premier enseignement : depuis le 7 janvier et jusqu'au second tour de l'élection présidentielle, il y a eu 18 766 sujets consacrés dans les journaux télévisés - qui représentent 6 % du temps global d'antenne de toutes les chaînes - aux crimes, jets de pierre, vols de voiture, braquages, interventions de la police nationale et de la gendarmerie, instructions judiciaires relevant du droit pénal... Soit une moyenne de 987 sujets par semaine. Une croissance de 126 %, tous médias confondus, a été observée entre février et mars. Du 1er janvier au 5 mai, l'insécurité a été médiatisée deux fois plus que l'emploi, huit fois plus que le chômage. D'après les estimations du ministère de l'intérieur, aucune augmentation sensible des crimes et délits n'a pourtant été constatée sur la période. Au premier trimestre, les services ont plutôt constaté un ralentissement par rapport à la même période en 2001.

Dans les médias, le volume des sujets consacrés à la violence connaît, lui, une première hausse brutale la semaine du 4 février. Il y a la bousculade meurtrière lors d'une soirée étudiante à Brest (Finistère), le père qui avoue à Strasbourg (Bas-Rhin) avoir tué et brûlé sa femme et ses deux enfants. La progression est ensuite constante du 4 mars jusqu'au 7 avril. Les Français sont informés pas à pas de l'affaire Patrick Dils, du "meurtre" du père de famille d'Evreux (Eure) par les "racketteurs" de son fils, de la grenade contre le commissariat de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), de l'attaque du supermarché de Nantes (Loire-Atlantique), pour ne citer que les sujets les plus emblématiques. La tuerie de Nanterre (Val-de-Marne) restera à l'antenne, le plus souvent en début de journal, pendant presque dix jours.

Cette longue série de petits et grands crimes diminue ensuite en volume pendant une grosse semaine avant de rebondir, la veille du premier tour, avec l'agression de "papy Voise" le 20 avril à Orléans (Loiret).

Ce jour-là, TF1 annonce à 6 h 45 qu'une personne âgée a été "rouée de coups suite à une agression à Orléans". L'information est ensuite reprise 19 fois dans la journée du 20 avril par LCI, qui consacre un total d'une demi-heure (24 min 48) à Paul Voise, "un retraité du quartier de l'Argonne à Orléans" battu par "deux voyous". A la radio, Europe 2 fait une mention de 18 secondes le matin, RTL lui consacre 1 min 11 dans son journal de 8 h 30. Europe 1 revient deux fois sur le sujet. Sur France 2, Béatrice Schönberg ouvre son 13 heures avec la déclaration de la victime. France 3 accorde deux minutes à ce fait divers dans son édition nationale de 19 h30. TF1, qui n'a pas mentionné l'information à 13 heures, donne un long reportage en début de journal en montrant le visagé tuméfié du septuagénaire, mais aussi le "comité de soutien qui vient de se créer". Le Figaro et Le Parisien lui consacrent aussi des articles, La Croix et Libération mentionnent l'agression sous forme de "brève".

En termes d'impact ou de pression médiatique, il existe d'importantes distinctions entre les familles de médias : la télévision a contribué à environ 60 % de la présence médiatique de l'insécurité sur cette période, la presse écrite à environ 25 % (presse quotidienne nationale 9,86 %, presse quotidienne régionale, 7,63 % et magazines d'actualité 7,21 %) et la radio à 12 %. "La répartition ne se fait pas équitablement entre les différents médias dans le traitement de l'insécurité depuis mars 2001", affirme, sans plus de détail, Nicolas Laugier, le directeur du pôle information de TNS Media Intelligence.