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La France, le front républicain et l'Europe
by david pestieau Tuesday April 23, 2002 at 08:59 PM
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Le soi-disant front républicain contre le FN, comme en Belgique le cordon sanitaire contre le Vlaams Blok, masque mal les convergences sur le fond des programmes entre partis fascistes et bourgeois traditionnels. Y-a-t-il vraiment des différences fondamentales entre Chirac et Le Pen?

La France, le front républicain et l'Europe

Super menteur Chirac et super fasciste Le Pen
Le soi-disant front républicain contre le FN, comme en Belgique le cordon sanitaire contre le Vlaams Blok, masque mal les convergences sur le fond des programmes entre partis fascistes et bourgeois traditionnels.
Y-a-t-il vraiment des différences fondamentales entre Chirac et Le Pen?

David Pestieau

Tous les partis traditionnels, des faux communistes à la droite ultra-libérale, appellent à voter Chirac au nom du grand front républicain contre Le Pen. Une escroquerie.

Dans l'émission humoristique des Guignols, sur Canal+, Chirac, brocardé, est déguisé en Super-Man, sauf que le M signifie «Menteur». Car depuis des années, Chirac navigue sous les casseroles des affaires de corruption gigantesques: pots-de-vin accordés à des sociétés privées pour des marchés publics, voyages de luxe payés par le contribuable, financement privé de son parti Les détournements se chiffrent en centaines de millions d'euros.1

Pressions et menaces de morts contre tous ceux qui veulent dévoiler les scandales sont proférées par son entourage. Chirac symbolise le politicien bourgeois d'aujour-d'hui: menteur, corrompu et corrupteur, travaillant main dans la main avec les grandes multinationales. Et surtout exécuteur des plans anti-sociaux et militaires.

On ne pourra pas arracher les travailleurs au fascisme en soutenant à nouveau les représentants des partis capitalistes traditionnels comme Chirac. Seul un programme qui dénonce les véritables ennemis, les multinationales et les Etats impérialistes, peut offrir une réelle alternative.


La différence:
dans quel programme?

Le soi-disant front républicain, comme en Belgique avec le cordon sanitaire, masque mal les convergences sur le fond des programmes entre les partis fascistes et bourgeois traditionnels. La lecture du programme Le Pen offre un air connu: baisse des charges patronales, privatisations, militarisation, attaque contre les droits démocratiques. Comme tous les partis fascistes, le Front National signifie «plus de la même chose, mais encore plus dur».

Le fasciste autrichien Haider avait déjà déclaré: «Si vous comparez notre programme à celui du gouvernement de Tony Blair, vous découvrirez beaucoup de ressemblances».2 Et le fasciste flamand Dewinter ajoutait en écho: «Jusqu'avant la chute du mur de Berlin, il y avait encore une polarisation entre capitalisme et communisme. Depuis, chacun est quasiment d'accord sur l'économie de marché. Les uns sont plus libéraux, les autres plus sociaux-démocrates, mais des différences fondamentales n'existent plus.»3

Quelle différence fondamentale y-a-t-il entre un Le Pen qui se dit «socialement à gauche, économiquement à droite», un Jospin qui privatisait plus vite que son ombre sous couvert d'Europe sociale et un Chirac qui dénonçait «la fracture sociale» en 1995 avant d'imposer le plan Juppé?

Aujourd'hui, le parti fasciste sert avant tout à accélérer la fascisation de l'ensemble de la classe politique. Y compris dans sa lutte contre les révolutionnaires. Le Pen a été à l'avant-garde de la lutte contre le communisme et a caractérisé comme un des trois points de bilan du premier tour la défaite historique du parti communiste. Il demande ouvertement dans sa revue l'interdiction du parti communiste et de tous les groupes communistes4.

L'origine de la montée
du FN: chercher au PS

Le Front National a trouvé son essor grâce au soutien des partis bourgeois qui le dénoncent aujourd'hui comme un concurrent électoral, davantage que pour de réels différends idéologiques.

«Nous avons mis en avant le Front National pour diviser la droite. C'était pour les socialistes une chance historique»5, racontait un des prédécesseurs de Jospin, le Premier ministre socialiste Bérégovoy, peu avant son suicide suite aux affaires de corruption mouillant le Parti Socialiste français début des années 90.

Mitterrand avait donné l'ordre aux médias français de donner la parole à Le Pen en 1983 alors qu'il n'obtenait que 0,2%. Cinq ans plus tard, il frôlait déjà les 15%. Aujourd'hui, pour employer une image forte, le Front National a échappé à son créateur. Le Pen a déclaré dimanche soir que Chirac serait dorénavant obligé de le rencontrer de manière ouverte. Un livre récent révèle que dès 1988, Chirac avait rencontré Jean-Marie Le Pen entre les deux tours des présidentielles.6

Mais Le Pen serait anti-européen? Non, Le Pen critique l'Europe actuelle car elle est trop sous tutelle américaine et allemande. Il veut redonner la place de leadership de la France dans le monde. Or, avec des intensités différentes, tous les grands candidats ont défendu cette place d'avant-garde pour la France. Derrière le modèle républicain pour Chirac et Chevènement, le drapeau de l'Europe sociale pour Jospin et Hue ou le sursaut national pour Le Pen.

Pour le Front National, «la France a perdu sous la 4ème République (dans les années 50, ndlr) son rang de grande puissance»7. Et il précise: «Nous nous battons pour que la France continue à exister dans une Europe des patries reposant sur des coopérations choisies».8

Mais cette Europe des patries sous domination française, anti-américaine ne pourra se faire économiquement et militairement qu'avec l'Allemagne et d'autres puissances européennes: ce n'est donc qu'une nouvelle version du projet impérialiste européen. Et si Le Pen participe au pouvoir, il suivra l'exemple autrichien de Haider: l'Europe, toujours plus d'Europe. Antisociale, antidémocratique et guerrière.

1 Hebdo, RTBF-TV, 19 avril 2002 ·2 The Guardian, 8 février 2000 · 3 Humo, 5 janvier 1995, p21 ·4 Interview avec Jean-Luc Sallé, Coordination communiste, 21 avril 2002 · 5 Cité dans Solidaire, n° 18, 3 mai 1995 · 6 Le Soir du 22 avril 2002 · 7 Politique étrangère, Le Front national, un programme pour gouverner, site Front National, p1 · 8 Europe, souveraineté, Le Front national, un programme pour gouverner, site Front national, p2.