Soyons réalistes, exigeons la rationalité libératrice ! by un commando « Critique immuable » Saturday April 20, 2002 at 10:45 PM |
Oyez ! Oyez ! Voici un texte écrit par un combattant d'élite mobilisé pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : www.critiqueimmuable.org. Le texte qui suit contient une critique de la « Lettre d'Amérique » des 60 talibans américains qui ont tenté de justifier l'injustiable.
Soyons réalistes, exigeons la rationalité libératrice plutôt que l'abstraction de la « raison morale universelle » !
Selon les auteurs de la « Lettre d'Amérique », les « approches intellectuelles et morales de la guerre » se divisent en quatre écoles de pensée :
À première vue, il y a une maladresse majeure dans cette catégorisation. La première catégorie semble être de nature différente des trois autres. En effet, dans l'usage courant, le « réaliste » est celui auquel on concède un jugement pragmatique sur la réalité pour établir ce qui est et ce qui est à faire. De manière générale, on concède alors que son action et son jugement ne sont pas orientés par une croyance, mais par des thèses toujours disputables concernant le fondement du réel. Donc le réalisme visé par nos « intellectuels américains », qui est celui qui caractérise une partie des sciences humaines, est en fait d'abord une orientation de l'esprit dans l'analyse des faits historiques, sociaux etc... Supposons que l'on veuille étudier des conflits passés qui ne nous ont jamais touchés personnellement : par exemple la guerre Iran-Irak ou les guerres napoléoniennes. On peut se demander quelle « approche intellectuelle ou morale » nous pouvons avoir face à ces guerres. Il me semble que nous ne pouvons guère approcher ces conflits autrement qu'avec l'approche dite « réaliste ». On se demandera alors : quels individus ou groupes ont profité de ces guerres ; qu'est-ce qu'elles ont changé ; les gens impliqués dans ces guerres avaient-ils le choix d'agir autrement ?
Les autres catégories proposées (guerre sainte, pacifisme, guerre juste) ne s'appliquent pas directement à celui qui veut étudier ces guerres. Elles peuvent certes lui servir à comprendre ce qui a motivé les acteurs de ces guerres et comment leurs acteurs ont été manipulés en fonction de l'aveuglement induit par leurs croyances. Cela dit, si nous décidions d'étudier ces guerres à partir d'une conviction ou d'une croyance sur ce qu'est l'essence de la guerre nous risquerions de passer à côté de l'écheveau complexe de causes et motivations qui les ont engendrées, les ont fait perdurer et les ont éteintes. On aurait aimé que les « penseurs américains de la guerre juste » sachent différencier une orientation de la pensée servant à analyser les conflits (ledit réalisme) et les trois autres catégories qui représentent des façons de se positionner face à un conflit à partir de croyances univoques d'ordre moral ou culturel.
Ces « grands intellectuels Américains » sont-ils si maladroits qu'ils se mettent à faire de telles erreurs de raisonnement dans un texte qu'ils veulent disséminer dans le monde entier ? Donnons-leur un peu de crédit... ils sont plus habiles que cela.
Revoyons la définition qu'ils nous proposent du réalisme : à l'instar des autres catégories, le réalisme est, d'après nos « intellectuels », une « croyance ». Plus loin dans le texte, l'approche réaliste est balayée du revers de la main par les auteurs au moyen de cette seule phrase : « La déconsidération de la morale face à la guerre est en soi une position morale : celui qui rejette la raison accepte la dérégulation des relations internationales et capitule devant le cynisme. » Ce qu'il faut retenir c'est que le réalisme constituerait une position morale, c'est-à-dire une croyance, au même titre que les trois autres croyances par rapport à la guerre. Rappelons que pour nous, si un élément de croyance contribue au « réalisme », c'est une croyance d'ordre général sur la possibilité de s'interroger sur les causes et motivations des faits et des actes. Cette croyance est à vrai dire plutôt un principe qui reste ouvert à tout débat sur les causes et motivations. En d'autres mots, le réalisme n'a rien à faire valoir de très précis comme conviction sur l'essence de la guerre, encore moins sur sa valeur. Parce que le réalisme n'a rien à dire sur la valeur de la guerre, nos intellectuels se croient légitimés de parler d'un « rejet de la raison », raison que ceux-ci rétrécissent à leur idée de ce qu'est la « raison morale universelle ». Les voilà donc en train de passer outre la rationalité qui meut le savoir réaliste lui-même, en plus de faire peu de cas de la diversité des expressions socio-politiques de l'exigence de la raison morale universelle dans l'histoire moderne - peut-être nos intellectuels conservateurs des valeurs traditionnelles seront-ils étonnés, mais l'exigence morale universelle a aussi mû l'idéologie anarchiste.
Quoi qu'il en soit, le but de la manoeuvre des auteurs de la « Lettre d'Amérique » est tout simplement de discréditer la réflexion géopolitique qui pourrait mettre à nu des rapports de force motivés par des intérêts matériels. En effet, en amalgamant l'analyse des pouvoirs et des intérêts en présence dans un conflit à un affect nihiliste qui se satisfait de son cynisme, les auteurs ont beau jeu d'y voir quelque chose d'immoral. L'entourloupette catégorielle que les auteurs nous proposent veut stupidement nous forcer à choisir. Dans la nouvelle « guerre » au terrorisme, il faudrait se positionner du « bon » côté « de la ligne de démarcation entre le bien et le mal qui est tracée dans notre coeur ». Ceux qui auront choisi « le mal » seront les ennemis à détruire par les partisans de la « guerre juste » car « face au mal, la meilleure riposte consiste à y mettre fin ». Le choix étant fait, il est impossible de prendre un recul pour voir si notre petite conviction personnelle ne pourrait pas jouir d'un éclairage plus global... non, ce serait céder à la croyance en la réflexion et l'analyse. Il ne reste plus de place dans cette guerre juste pour parler d'oléoducs, d'armement de Ben Laden par la CIA et de prisonniers de guerre sans statut et autres détails de ce genre. Non, toute cette histoire se joue dans nos coeurs et dans nos consciences.
Quel délire !... Mais subsiste tout de même une forme de réalisme chez nos psychotiques de la raison morale universelle : on notera l'ironie du fait que les « partisans de la guerre juste » se démarquent de leurs alliés les pacifistes, les autres « bons » dans cette histoire, par un petit quelque chose de réaliste, auratisé par une référence à Saint-Augustin, qui dit que c'est bien beau le respect de l'autre et tutti quanti mais qu'il ne faut tout de même pas se faire manger la laine sur le dos - au fait, les anarchistes disent la même chose.
Soyons encore plus réalistes : dans une guerre, il y aura toujours des propagandistes pour manipuler les personnes bonnes et justes afin de protéger les intérêts des puissants. Quelquefois même, ces propagandistes se déguisent en intellectuels afin de terrasser la raison elle-même. Heureusement, la spontanéité de la raison est libératrice de telles prétentions délirantes.
Pour lire des critiques franchement insolentes de la « Lettre d'Amérique » - mais toujours aussi rationnelles - , rendez-vous au « hache-viande » de l'opération « Critique immuable ».
Il s'agissait de la misson 45 contre l'opération américaine « liberté immuable ».
Ce texte a été écrit par un auteur qui tient à rester anonyme et qui ne doit pas être confondu avec Mario Roy. Il oeuvre pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : http://www.critiqueimmuable.org.