Venezuela: Une gifle populaire à l'Empire by RISBAL Saturday April 20, 2002 at 02:25 PM |
fleveque@brutele.be Bruxelles, Belgique |
Article traitant des événements de ces derniers jours au Venezuela à la suite du coup d'Etat contre le président Hugo Chavez et de la réponse populaire qui le réinstalla deux jours après au pouvoir.
Venezuela:
une gifle populaire à l'Empire On
en revenait pas encore, on était sous le choc de l'événement.
On se remémorait les visages d'Allende (Chili, 1973) et d'Arbenz
(Guatemala, 1954) et leur fin tragique. Comment le régime bolivarien
avait-il pu être renversé si facilement? Mais surtout où
étaient les gens, ces gueux, ces masses populaires qui soutenaient,
semble-t-il, la Révolution bolivarienne et son leader ? zumbi,
20 avril 2002. Les
médias internationaux répétaient de manière
disciplinée les infos qui lui venaient du " Bloc de la presse
" vénézuélien : Chavez aurait fait tirer sur
la foule, il aurait démissionné mais on n'en voyait pourtant
pas d'images ; Cet "autoritaire collectiviste", selon la RTBF,
aurait été victime d'une rébellion populaire, mais
c'était le chef des patrons qui se retrouvait au pouvoir anéantissant
la réforme agraire impulsée par le pouvoir bolivarien; les
médias parlaient d'un nouveau gouvernement de transition vers la
démocratie alors que celui-ci supprimait toutes les institutions
démocratiques; la Maison Blanche, et l'Etat espagnol (président
de l'Union Européenne) accusait Chavez d'être responsable
de cette situation alors que c'était lui qui était emprisonné. L'information
arrivait, ou plutôt la désinformation, ce mur de désinformation
qui commença à se fissurer le samedi grâce à
une télévision colombienne et, aussi surprenant que cela
puisse paraître, à CNN espagnol. Les premiers messages électroniques
apparurent pour annoncer l'arrivée imminente de milliers et milliers
de gens, paysans, travailleurs, chômeurs, tous partisans de Chavez
et descendant des quartiers populaires. Il ne fallut que quelques heures
pour que cette révolte populaire historique accompagnée
par le soulèvement d'une bonne partie de l'armée ne viennent
à bout des "golpistas", que soit rétablie la "normalité"
institutionnelle et que soit remise sur les rails la Révolution
bolivarienne
Que
l'on aime ou pas le personnage et son côté messianique, sa
chute était une énorme gifle impériale à la
lutte populaire en Amérique latine. Rappelons qu'il y a quelques
semaines, G. Tenet, directeur de la CIA, avait, devant une commission
sénatoriale, qualifié le Venezuela, tout comme l'Argentine
et la Colombie, de pays "volatiles". Le coup d'Etat, c'était
une épine en moins dans le pied de l'Empire. C'était aussi
la fin du pétrole à des prix préférentiels
pour la Cuba sous blocus. C'était la fin du refus vénézuélien
de collaborer aux actions du Plan Colombie. C'était la fin d'une
politique vénézuélienne visant à construire
une OPEP forte, indépendante pour stabiliser les prix du brut.
C'était la fin d'un espoir de voir se concrétiser une alliance
entre le régime bolivarien et le Brésil dans le cas d'une
victoire du PT aux prochaines élections présidentielles.
C'était le renforcement de la domination impériale pour
imposer la "zone de libre-échange des Amériques",
ce projet néo-colonial pour l'hémisphère dont Bush
se voit déjà vice-roi. Ce
coup d'Etat, que ce soit pour la population vénézuélienne
ou en terme géopolitique, était une catastrophe, une tragédie
que l'on pouvait pourtant prévoir. Le caractère "non-aligné"
de la politique étrangère vénézuélienne
avait de nombreuses fois irrité Washington. Le régime bolivarien
s'était permis - oh grand dieu! - de rompre la coopération
militaire avec les Etats-Unis, le ministre de la défense vénézuélien
qualifiant la présence d'une mission militaire permanente étasunienne
sur son territoire d' "anachronisme hérité de la
guerre froide". Chavez avait eu l'audace - un véritable
crime en ces temps de croisade anti-terroriste - de dire que l'on ne combat
pas le terrorisme par le terrorisme, faisant ainsi référence
à la guerre en Afghanistan. Il s'était permis aussi d'aller
saluer - Quelle provocation ! - des dignitaires du " Camp du mal
", à savoir Kadhafi et Saddam Hussein. Il
fallait arrêter cet impertinent qui pouvait donner le mauvais exemple! Depuis
plusieurs mois, sur les réseaux d'information alternative, on trouvait
des détails sur un dit "Plan Allende" pour le Venezuela,
on apprenait que la Fondation nationale pour la Démocratie
- organisation républicaine servant de couverture à des
opérations clandestines de la CIA à l'étranger -
avait invité des élus de l'opposition oligarchique vénézuélienne
à Washington. Le Washington Post nous informait ce 13 avril
que l'ambassade étasunienne à Caracas - et l'ambassadeur,
un certain Shapiro, un ancien des guerres sales en Amérique centrale
- recevait des visites régulières de membres de l'opposition
politique à Chavez, de la presse ou encore de militaires à
la retraite. La Jornada, quant à elle, répercutait,
ce 16 avril, les propos de l'illustre Institut Stratfor - sorte de CIA
privée - sur l'existence de deux plans de déstabilisation
du régime bolivarien, un de la CIA et l'autre du Département
d'Etat. Si
la tension était perceptible au Cenezuela,ce coup d'Etat nous a
pris malgré tout un peu par surprise. Pour d'autres, il semblait
bien préparé. Ces autres, c'est l'oligarchie vénézuélienne
parasitaire voulant protéger ses intérêts face aux
réformes (trop timides) du Chavisme, c'est la presse privée
(la télévision Globovision, les journaux El Nacional et
El Universal) - véritable ministère de la propagande anti-Chavez
-, c'est quelques militaires de haut rang formés à l'Ecole
des Amériques, c'est un syndicat corrompu qui ne représente
que 12% des travailleurs syndicalisés dans le pays. Cette oligarchie
a bien organisé son "golpe" avec les forces de répression
du maire de Caracas et opposant à Chavez. Cette oligarchie, et
sa presse qui se plaignait tout le temps des atteintes à sa liberté
de désinformer, fit directement fermer la télévision
d'Etat lors de sa prise du pouvoir et attaqua tout de suite les radios
et télévisions populaires et communautaires. Cette oligarchie,
la même qui assassina plus d'un millier de manifestants en 1989
lors du Caracazo, accusait Chavez d'avoir fait tirer sur les manifestants.
Cette oligarchie protégeait ses intérêts de classe
et ceux de la métropole car l'Empire a de sérieux intérêts
au Vénézuela. Le
Plan National d'Energie de mai 2001 montre clairement, pour Washington,
cette importance géostratégique. Consommant déjà
quelques 25% de l'énergie mondiale, les Etats-Unis prévoient
une augmentation de cette consommation et une dépendance accrue
des ressources énergétiques internationales, la production
et l'infrastructure nationales ne pouvant suivre cette courbe ascendante.
Alors que les besoins étasuniens dépendent aujourd'hui à
53% des importations, le Plan en question prévoit une dépendance
de 62% pour 2020. Il y a donc péril en la demeure, ou plutôt
"menace à la sécurité nationale"
selon l'équipe Bush. Car de nombreux producteurs se situent dans
des zones de conflits, des régions instables. Le gouvernement étasunien
en est conscient. Sa politique étrangère sera à l'avenir,
et encore davantage, influencée par la question pétrolière.
L'ordre devra être maintenu, directement ou indirectement. Les attitudes
trop "indépendantes" ne seront guère tolérées.
Chavez le sait trop bien aujourd'hui. Lui qui (re-)gouverne maintenant
le troisième (ou quatrième, selon les sources) fournisseur
de brut des Etats-Unis. Lui qui maintient le pétrole vénézuélien
sous le joug d'un monopole étatique et "archaïque"
nous diront les "penseurs de la modernité". Lui qui ne
permet pas, jusqu'à présent, aux transnationales de prendre
des parts plus importantes dans la production du pétrole vénézuélien.
Lui qui ne vend pas aux marchands une ressource qui génère
80% des rentrées de devises et alimente près de la moitié
du budget de l'Etat. Lui qui grâce à la révolte d'un
peuple est de retour à la tête de l'Etat malgré la
cabale médiatique. Lui, ce negrito pas assez blanc et trop "social"
pour le patronat. Lui, savant mélange de messianisme, de christianisme,
de bolivarianisme, de socialisme, de populisme. Lui, représentant
des pauvres et qui comble l'absence flagrante d'une gauche organisée.
Eh bien lui, Hugo Chavez, vient d'être légitimé dans
sa fonction de la plus belle des manières. Son retour au pouvoir
est une victoire et celle-là, l'Empire ne nous l'enlèvera
pas, ne l'achètera pas. A suivre