Texte de l'Ambassade Universelle en hommage à Raihan Kahn by Ambassade Universelle Saturday April 06, 2002 at 04:28 PM |
Un membre de l'Ambassade Universelle est décédé dans la nuit du 30 au 31 mars 2002
Raihan était originaire du Bangladesh et vivait à l'Ambassade universelle après être parti de l'église du Beguinage. Pour cette raison, le cpas de Bruxelles-Ville présidé par Yvan Mayeur, refusait de lui accorder l'aide sociale que, pourtant, la loi lui garantissait. Voici le texte que Mohamed a écrit en son hommage...
http://www.universal-embassy.be
Raihan nous a quittés
Dans le sac à dos bleu de Raihan, celui qu'il portait toujours,
se trouvaient plusieurs documents.
Il y avait ce guide pour les sans-abri
avec une préface du ministre belge de l'Intégration sociale
et de l'Economie sociale, Johan Vande Lanotte.
Le ministre y disait : « Personne ne peut ni ne doit avoir peur de franchir le pas vers le filet protecteur de l'aide sociale. Mais pour cela, il faut d'abord que celui-ci soit bien connu. L'information doit être diffusée de façon satisfaisante ».
Raihan n'a pas eu peur de franchir le pas vers le filet de l'aide sociale, il en avait un urgent besoin.
Il a frappé à toutes les portes en vain.
Il était régularisé depuis presqu'un an mais le CPAS lui refusait toujours arbitrairement son droit à l'aide sociale.
Il exigeait que Raihan quitte l'ambassade universelle
et s'installe ailleurs.
Et pourtant, dans le petit guide pour les sans-abris que Raihan avait dans son sac à dos, on pouvait lire la phrase qui suit :
« Le CPAS ne peut pas exiger que vous ayez un contrat de location ou un domicile ».
Dans le sac à dos bleu de Raihan,
il y avait aussi une liste de logements à louer
qu'il avait trouvée sur internet.
A l'endos de cette liste, une note écrite par Raihan :
« You are so bad, because too expansive. Fuck you !!! »
Il n'arrivait pas à trouver un logement abordable
dans la jungle bruxelloise du marché de l'immobilier,
où tellement de portes se ferment
pour les pauvres et les immigrés.
Avec sa fracture à l'épaule mal soignée,
il ne pouvait plus exercer un travail demandant un effort physique et entrer dans l'autre jungle,
celle du marché du travail qui exploite à fond les clandestins et les non-clandestins.
Le commentaire de Raihan au verso de la liste de logements exprime sa révolte face à cette logique destructrice de l'exploitation financière devant laquelle il s'est retrouvé.
Le cas de Raihan illustre que le problème de la clandestinité ne se résume pas à une question de papiers.
La discrimination et la misère continuent souvent après la régularisation.
Le parcours de la clandestinité engendré par les politiques de répression et de criminalisation a des répercussions au plan physique et psychologique chez les personnes qui le vivent.
Raihan est une victime du système de la clandestinité.
Il a dit un jour qu'il avait vu la lumière avec sa régularisation mais que ses conditions de vie, sans accès à l'aide sociale, étaient invivables.
Ces conditions de vie ont aggravé ses problèmes de santé physique et psychologique.
Malgré tout, il venait de trouver un logement et il s'apprêtait à quitter ses compagnons de l'ambassade universelle,
avec qui il avait auparavant occupé l'église du Béguinage
pour se soumettre aux conditions du CPAS.
Mais il était trop tard.
Il est décédé à l'âge de trente-et-un an
dans la nuit du 30 au 31 mars 2002
Ses compagnons de lutte gardent de lui
le souvenir d'un être chaleureux, respectueux des autres,
aimant vivre en communauté et communiquer avec les gens.
Il était généreux et savait partager le peu qu'il avait.