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L'ennemi Nr 1 des services publics
by Foufelle (posted by Alison) Monday April 01, 2002 at 04:57 PM

L'AGCS et la libéralisation des services publics. Si les industriels obtiennent gain de cause, les conditions de tous, particulièrement des femmes, et davantage encore des femmes en situation déjà précaire, vont se détériorer.

L'ennemi N°1 des services publics

Dominique Foufelle

Les négociations au sein de l'OMC sur la libéralisation dans le secteur des services se poursuivent - discrètement, mais sûrement. Si les industriels obtiennent gain de cause, les conditions de tous, particulièrement des femmes, et davantage encore des femmes en situation déjà précaire, vont se détériorer.

Qu'entend-on par "services" ? En fait, il s'agit d'un secteur extrêmement large, touchant aussi bien à l'environnement, la culture, la communication, la santé, l'éducation. Et qu'entend-on par "libéralisation" ? Dans beaucoup de domaines, tout bonnement, "privatisation". L'Accord Général sur la Commercialisation des Services (AGCS) en négociation au sein de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), fait donc peser une sérieuse menace sur le devenir des services publics - ou, concernant l'Europe, ce qu'il en reste.

Par ici la bonne soupe !
Les Etats-Unis, paradis du tout-privé sont particulièrement bien pourvus en grosses sociétés fournisseuses de services. Leurs exportations ont pratiquement doublé en l'espace de dix ans, passant de 136 milliards de $ en 1990 à 259 en 1999, dont 86 en Europe. Si des accords favorables à la libéralisation étaient conclus, que d'alléchants profits en perspective ! Les sociétés européennes ne semblent pas en prendre ombrage, puisque le Fonds des Services Européens (FSE), puissant groupe de pression industriel, pousse dans le même sens. Il s'est réuni à Bruxelles le 27 novembre dernier, avec la bénédiction officielle de l'OMC et de la Commission Européenne. Le titre de la conférence était sans ambiguïté : "Les négociations de l'AGCS 2000 - Nouvelles opportunités de libéralisation commerciale pour tous les secteurs de services". Or, c'est ce même lobby que la Communauté Européenne a chargé de dégager les priorités pour les négociations de l'AGCS. Les priorités des entreprises, naturellement, pas celles des usager-ères.
Concrètement, livrer les services aux industriels et aux groupes financiers, cela signifie accepter le principe qu'une partie de la population est privée du droit d'en disposer. En particulier pour ce qui est des secteurs dits sensibles : santé, éducation, services sociaux. Les femmes en pâtiraient doublement : en tant qu'usagères, et en tant qu'employées traditionnelles de ces secteurs.


Où est passée la solidarité ?
Toutes les enquêtes menées sur la pauvreté concluent sur la précarisation grandissante d'une catégorie de la population, celle qu'on appelle en France les "familles monoparentales". Neuf fois sur dix (chiffres de l'INSEE), ce vocable délicat désigne une femme élevant seule un ou plusieurs enfants. Un certain nombre d'entre elles sont des chômeuses ou des working poor, des travailleuses à qui leur emploi permet tout juste de survivre. Pour les mères, les dépenses (en terme de temps comme en terme d'argent) des postes santé et éducation sont lourdes; impossible d'y faire face si tout se paie. La privatisation des services dans ces domaines augmenterait les inégalités d'aujourd'hui, et préparerait celles de demain : mal soignés, mal éduqués, les enfants de pauvres seraient presque irrémédiablement voués à le rester eux-mêmes.
Les femmes, toutes classes sociales confondues, sont aussi celles qui prennent en charge la solidarité familiale, avec les soins aux vieux parents et/ou aux éventuels handicapés. S'il ne leur est plus possible d'obtenir d'aide gratuite ou à prix modique, comment l'assumeront-elles ? Les premières à en subir les conséquences, seront d'ailleurs encore une fois les femmes, qui vivent plus âgées, dans une situation financière et un état de santé plus précaires. On voit, au passage, la perte enregistrée en terme de lien social, si tous les "non-conformes" doivent être parqués faute de soutien de l'Etat à eux-mêmes ou leur famille.
Les professions liées aux soins (santé, social, éducation) comblent des besoins essentiels et assurent un lien entre les individus. Elles sont pourtant chichement rémunérées, pas toujours valorisantes et rarement valorisées - sans doute parce que majoritairement exercées par des femmes. Devenu payant, le service gagnera-t-il en valeur aux yeux des usagers et des prestataires, et celle qui le rend en respect et en salaire ? On en doute. Ce qui est certain, c'est qu'il s'agit de secteurs où la flexibilité des horaires est souvent indispensable... Qu'adviendra-il du paiement des heures supplémentaires ou de nuit si, par exemple, les hôpitaux sont privatisés ?