arch/ive/ief (2000 - 2005)

Les Etats-Unis pourraient abandonner le moratoire sur les essais nucléaires
by Infonucléaire Friday March 15, 2002 at 10:25 PM
infonucleaire@altern.org

L'administration Bush, par une règle de calcul machiavélique, va multiplier par trois ses stocks de têtes nucléaires. Les plans nucléaires secrets de l'administration Bush sont en contradiction totale avec les accords de désarmement internationaux et la volonté de non -prolifération.

Washington, 15 mars - Les Etats-Unis pourraient abandonner le moratoire international sur les essais nucléaires pour leur permettre de mettre au point une nouvelle génération d'armes anti-bunkers, selon des extraits d'un document passant en revue la politique nucléaire américaine rendu public jeudi à Washington.
"Bien que les Etats-Unis s'efforcent de développer leur arsenal sans nouvel essai nucléaire, ils ne pourront pas maintenir cette position indéfiniment", peut-on lire dans ce document obtenu par le centre de recherche et d'analyse GlobalSecurity.org, basé à Washington qui l'a publié sur son site électronique.

Les auteurs de cette étude font remarquer que des problèmes dans l'arsenal américain avaient déjà été décelés, dus notamment à l'usure du temps ou à des défauts de fabrication.

"De plus en plus, un jugement objectif sur les capacités (nucléaires) dans un environnement où les essais ne peuvent avoir lieu, deviendra de plus en plus difficle", écrivent encore les autreurs de l'étude.

 

Plans nucléaires américains en vue d'un éventuel recours à l'arme nucléaire contre certains pays

La Maison blanche a demandé aux militaires américains de préparer des plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, l'Irak, la Corée du Nord, l'Iran, la Libye et la Syrie, affirme samedi le Los Angeles Times.
D'après un rapport secret du ministère américain de la Défense (Pentagone) présenté aux membres du Congrès (parlement) le 8 janvier et dont le quotidien dit avoir eu connaissance, il y a trois cas dans lesquels il pourrait être recouru à de telles armes : contre des cibles capables de résister à une attaque non-nucléaire ; en représailles à une attaque à l'arme nucléaire, biologique ou chimique ; ou "dans le cas d'événements militaires surprenants".

Le rapport souligne que le Pentagone devrait être prêt à faire usage d'armes nucléaires dans le cadre d'un conflit arabo-israélien, notamment d'une attaque irakienne contre Israël, d'une guerre entre la Chine et Taïwan, d'une attaque de la Corée du Nord contre la Corée du Sud.

Les responsables américains ont depuis longtemps reconnu qu'ils avaient des plans détaillés d'attaque nucléaire contre la Russie. Mais ce serait apparemment la première fois qu'une liste officielle de pays-cibles potentiels serait ainsi établie par les Etats-Unis, selon les analystes.

Des experts ont dit au Los Angeles Times qu'ils s'attendaient à de fortes réactions des gouvernements de ces Etats après les informations sur ce rapport.

"C'est de la dynamite", a par exemple commenté Joseph Cirincione, un spécialiste en armes nucléaires au Fonds Carnegie pour la paix internationale à Washington. "Je peux m'imaginer ce que ces pays vont dire à l'ONU", "cela fait clairement des armes nucléaires un outil pour faire une guerre, plutôt que pour dissuader d'en faire", a-t-il ajouté.

Le gouvernement américain "essaie désespérément de trouver de nouveaux usages pour les armes nucléaires, alors que leur usage devrait se limiter à la dissuasion", a, de son côté, averti John Isaacs, président du Conseil pour un monde viable. "Ce sont des propos très, très dangereux (...) Le docteur Folamour est manifestement toujours vivant au Pentagone", a-t-il conclu.

Au contraire, pour les analystes conservateurs, comme Jack Spencer, de la Fondation Heritage à Washington : "nous avons besoin d'une dissuasion crédible contre les régimes impliqués dans le terrorisme international et la mise au point d'armes de destruction massive".


Le Monde du 13/03/02
Le Pentagone énonce les cas d'utilisation de l'arme nucléaire



Communiqué de l'Observatoire des armes nucléaires françaises du 12/03/02
Les Etats-Unis menacent les Etats "voyous" de l'arme nucléaire

Les Etats-Unis menacent les Etats voyous de l'arme nucléaire Selon les données de la Nuclear Posture Review (mise à jour de la doctrine nucléaire), reprises par le Los Angeles Times, les Etats-Unis envisagent d'utiliser des bombes nucléaires de faible puissance contre les Etats voyous.

Ces mininuke ou selon le terme technique la B61-11, sont en réalité prêtes à l'emploi depuis la réussite de tests en Alaska en 1997. Le Congrès américain est même parvenu à contourner les mesures de désarmement internationales en rendant ces armes conformes au traité de non prolifération lors du vote du budget de la Défense pour 2001. En effet la B61-11 est une "refonte" d'une ancienne tête nucléaire de forte puissance, qui a été transformée en une arme anti-bunker conçue pour pouvoir détruire une installation souterraine enfouie sous 300 mètres de granit.

Une analyse du NRDC faite début janvier sur ce même rapport (Nuclear Posture Review), nous apprend que l'administration Bush, par une règle de calcul machiavélique, va multiplier par trois ses stocks de têtes nucléaires. Cette révélation sur les plans nucléaires secrets de l'administration Bush se pose une nouvelle fois en contradiction totale avec les accords de désarmement internationaux et une volonté de non -prolifération.

A l'occasion du prochain Comité préparatoire de suivi du Traité de Non-Prolifération qui va se dérouler du 8 au 19 avril 2002 à New York et après les annonces de réductions concertées des arsenaux russes et américains, l'Observatoire des armes nucléaires françaises pose la question de la réelle volonté des Etats-Unis d'arrêter la course aux armes nucléaires et de se conformer aux conditions du traité de non-prolifération.

Dans le cadre de ses objectifs, l'Observatoire des armes nucléaires françaises diffusera des informations sur les armes nucléaires miniaturisées et de faibles puissances sur son site internet.

Jean-Marie Collin - Observatoire des armes nucléaires françaises

Centre de Documentation et de Recherche sur la Paix et les Conflits Observatoire des armes nucléaires françaises 187, montée de choulans 69005 Lyon

 

Les projets nucléaires n'augmentent pas le risque d'une guerre de ce type (Rice)

WASHINGTON, 12 mars - La conseillère présidentielle américaine pour la sécurité nationale, Condoleezza Rice, a affirmé lundi soir que les récents projets sur des attaques nucléaires n'augmentaient pas la possibilité d'une guerre de ce type, prévenant néanmoins qu'une attaque contre les Etats-Unis avec des armes de destruction de masse recevrait une "réponse cinglante".

"L'idée que le seuil de déclenchement d'une guerre nucléaire est d'une certaine manière abaissé, est totalement fausse", a affirmé Mme Rice à la télévision PBS.

"Personne ne veut utiliser des armes nucléaires et ce président (George W. Bush) a beaucoup fait pour encourager et faire progresser des choses comme la défense antimissile", a affirmé Mme Riche, ajoutant que, de ce fait, ce n'était "pas la peine de s'inquiéter".

Révélé par la presse américaine le week-end dernier, un rapport sur la "révision de la doctrine nucléaire", destiné au Congrès (parlement), envisage des plans d'urgence d'utilisation d'armes nucléaires contre la Chine, la Russie, mais aussi cinq pays qui n'en ont pas officiellement -- Irak, Corée du Nord, Iran, Libye et Syrie -- en représailles à une attaque chimique ou biologique "ou dans le cas d'événements militaires surprenants".

Selon Mme Rice, le document fait la liste des menaces auxquelles font face les Etats-Unis et envisage "toute une série d'options dont le président a besoin pour dissuader l'utilisation d'armes de destruction de masse contre les Etats-Unis, ses forces, ses amis et ses alliés".

Elle a ajouté qu'il avait toujours été dans la politique américaine de donner une "réponse cinglante" à toute utilisation d'armes de destruction de masse contre les Etats-Unis, ses amis ou ses forces.

Néanmoins, le New York Times écrivait dans un éditorial mardi que cette nouvelle doctrine menaçait le Traité de non-prolifération nucléaire. "Si les propositions du Pentagone sont mises en oeuvre", estime le journal, "les engagements (non-nucléaires) ne seront plus valables et les pays (signataires) pourront en conclure qu'ils n'ont aucune raison de rester non-nucléaires". "En fait, ils pourraient décider qu'ils ont besoin d'armes nucléaires pour éviter une attaque nucléaire", ajoute le quotidien.

 

Libération le 12/03/02
Du nucléaire limité contre l'«axe du mal»

Le Pentagone est-il en train de se préparer à changer radicalement de doctrine en matière nucléaire? La fuite, dans le Los Angeles Times de samedi, d'un document confidentiel du département de la Défense peut le laisser supposer. Dans ce document destiné au Congrès, qui dessine ce que pourraient être les armements dans dix ans, le Pentagone suggère de se doter d'armes nucléaires offensives, de rayon limité, qui pourraient être utilisées non seulement contre la Chine ou la Russie, mais aussi contre les pays de «l'axe du mal» (l'Irak, l'Iran, la Corée du Nord) ou encore contre la Libye et la Syrie. Hier, Moscou et Pékin ont demandé des «clarifications» sur ce document, qui n'a pas manqué d'émouvoir diplomates et stratèges militaires du monde entier. Les grandes puissances considéraient jusque-là que l'arme nucléaire ne devait jamais servir: elle n'est légitime que dans son rôle de dissuasion. Le document suggère donc un vrai changement de doctrine. Ces armes, indique-t-il, auraient des retombées nucléaires limitées et seraient utilisées dans des cas bien précis: destruction de bunkers profondément enfouis , réponse à des attaques chimiques ou biologiques... Dès samedi, le Pentagone a dénoncé les «fuites sélectives et trompeuses». Interrogé par la presse hier à Londres, le vice-président Dick Cheney a minimisé l'affaire: «Il ne s'agit que d'un rapport habituel adressé au Congrès.
En déduire que nous préparons des attaques nucléaires préalables contre sept pays est un peu exagéré.»

Par Pascal RICHE

L'humanité du 12/03/02
Le Dr Folamour vit toujours au Pentagone


Les plans américains inquiètent des responsables russes

MOSCOU, 9 mars -
 Des responsables russes ont répondu avec inquiétude samedi à des informations de presse selon lesquelles la Maison blanche a demandé aux militaires de préparer des plans d'urgence en vue d'une éventuelle utilisation d'armes nucléaires contre plusieurs pays, dont la Russie.
"Le Pentagone a décidé de vérifier la réaction des militaires et des politiciens russes", en organisant ainsi cette "fuite" d'information, a déclaré Dmitri Rogozine, président de la commission des Affaires étrangères de la Douma (chambre basse du Parlement russe), cité par Interfax.

Le quotidien américain Los Angeles Times a fait état samedi d'un rapport secret du ministère américain de la Défense, dont il dit avoir eu connaissance, nommant sept pays contre lesquels pourraient être employées des armes nucléaires.

Ce rapport "oblige la direction russe à apporter une plus grande attention à la sécurité militaire de l'Etat", a déclaré le général Léonid Ivachov, responsable des relations extérieures au ministère russe de la Défense jusqu'à l'été dernier, cité par Interfax.

Selon lui, les Etats-Unis "ont toujours considéré et considèrent l'URSS et la Russie post-soviétique comme un rival géopolitique", et "le coeur de la doctrine géopolitique des Etats-Unis est d'affaiblir ou de pousser le puissant Etat russe hors de la scène politique", a déclaré le général.

De son côté, M. Rogozine a estimé que "les tentatives de déplacer les armes nucléaires d'une catégorie politique à une catégorie d'armes qui puissent être utilisées dans un conflit sont dangereuses pour les Etats-Unis eux-mêmes".

Selon le quotidien américain, le rapport, présenté par le Pentagone au Congrès en janvier dernier, déclare que la Russie n'est plus officiellement un ennemi des Etats-Unis. Mais il constate, selon le Los Angeles Times, que l'arsenal russe, qui compte autour de 6.000 missiles stratégiques, est un sujet de préoccupation.

 

Le Monde (20/11/01)

"Mininuke", la bombe secrète


Un bombardier B2 largue une bombe B61-11, sans charge nucléaire, lors d'une campagne d'essais en 1998, en Alaska.


Dernière-née des arsenaux américains, la "mininuke", légère, puissante et bourrée de plutonium, est idéale pour détruire les bunkers. L'utiliser en Afghanistan  ? Seuls quelques parlementaires y ont pensé. Mais cette arme nucléaire existe.

C'est une bombe : effilée ­ 3,59 mètres de long sur 34 centimètres de diamètre ­, légère ­ 315 kilogrammes ­, puissante ­ de 300 tonnes équivalent TNT à 340 kilotonnes, selon le réglage. Larguée à très haute altitude, son "nez" durci lui permet de pénétrer dans le sol jusqu'à 6 mètres de profondeur, où elle explose alors. Idéale pour détruire les bunkers ou les usines chimiques enterrées. Particularité : la B61-11 est une bombe atomique à base de plutonium. Elle constitue la seule arme nucléaire qui soit entrée dans l'arsenal américain depuis 1989. Officiellement en 1997, pour être portée par le bombardier "invisible" B-2, qui est lui-même opérationnel pour une mission nucléaire depuis avril 1997. On l'appelle "mininuke", parce que sa plus basse puissance de 300 tonnes de TNT paraît minime comparée, par exemple, aux 13 kilotonnes de la bombe de Hiroshima.

Pourrait-on utiliser l'arme nucléaire en Afghanistan ? La question reste, pour l'heure, théorique, mais elle est jugée acceptable par une partie des Américains. Selon un sondage publié le 7 novembre par l'institut Zogby International, 54 % des 1 000 personnes interrogées pensent que l'utilisation de bombes nucléaires serait efficace dans la guerre contre le terrorisme. Ils font écho à quelques élus américains, émules du docteur Folamour : le 21 octobre, un représentant de l'Etat de New York, le républicain Pete King, estimait sur la radio WABC : "Je n'exclurais pas l'usage des armes nucléaires tactiques si je pensais que c'était nécessaire."

Le 17 octobre, Steve Buyer, représentant républicain de l'Indiana, avait exprimé cet avis, au cas où l'épidémie d'anthrax serait liée à Ben Laden : "Envoyez un petit dispositif atomique [dans les grottes des terroristes] et fermez-les pour un millier d'années." Fin septembre, c'est le sénateur Jon Kyl, de l'Arizona, qui avait évoqué l'emploi de ces armes : "Si une arme de destruction massive est utilisée contre nous, les coupables devraient attendre une réponse similaire de notre part." Déclarations de députés de base peu responsables ? Sans doute, même si l'usage de ces armes nucléaires légères n'est pas totalement exclu par des spécialistes.

Dans le National Journal du 8 septembre, avant les attentats contre les Etats-Unis, Paul Robinson, directeur du Sandia National Laboratories (un des laboratoires de conception des armes nucléaires), expliquait : "Nous avons besoin d'armes nucléaires à faible puissance, qui pourraient tenir en respect des Etats voyous."Et de préciser : "Lors de la guerre avec la Serbie [en 1999], nous avons attaqué les cibles souterraines avec des armes conventionnelles qui ont eu très peu d'effet."

L'administration Bush, sans insister sur cette possibilité, ne veut pas l'exclure absolument. C'est la règle de la dissuasion : ne dites surtout pas ce que vous ne ferez jamais, mais dites que vous êtes capable de le faire. Le 28 septembre, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a adressé un mémorandum aux parties prenantes du conflit s'amorçant en Afghanistan. Cette démarche, habituelle en cas de guerre, vise à rappeler aux belligérants les contraintes du droit humanitaire. Dans son texte, le CICR indiquait : "L'arme nucléaire est incompatible avec le droit international humanitaire." La représentation américaine à Genève a immédiatement protesté, exigeant que cette phrase soit ôtée. Motif invoqué : le droit international n'interdit pas le recours à l'arme nucléaire.

En fait, ce point n'est pas tranché : dans une"opinion" rendue le 8 juillet 1996, la Cour internationale de justice n'a pu se départager sur la question, sept juges estimant que l'arme nucléaire est légale, sept autres étant d'un avis contraire.

Quoi qu'il en soit, le CICR a adressé, le 5 octobre, aux parties un nouveau mémorandum ne mentionnant pas les bombes atomiques. Lors de la guerre du Golfe, le CICR avait envoyé aux belligérants un mémorandum similaire, mentionnant que l'arme nucléaire ne devait pas être utilisée. A l'époque, le texte n'avait pas suscité de réaction des Etats-Unis.

Depuis cette époque, la doctrine sur l'utilisation tactique des armes nucléaires a évolué. Jusqu'alors, les présidents américains avaient maintenu l'engagement pris en 1978 par Jimmy Carter de ne pas utiliser l'arme nucléaire à l'encontre d'Etats n'en disposant pas. Mais, avec l'effondrement de l'URSS en 1991, la préoccupation militaire de Washington s'est déplacée vers les "Etats voyous", jugés capables d'utiliser des "armes de destruction massive", pas forcément nucléaires. Plusieurs rapports ont souligné l'utilité de l'arme atomique tactique, c'est-à-dire employée sur le champ de bataille.

Un document de l'US Strategic Command (Stratcom), daté de 1995 ("Essentials of Post-Cold War Deterrence") et révélé par un spécialiste des questions de désarmement, Hans Kristensen (du Nautilus Institute, à Berkeley), en vertu du Freedom Information Act, est explicite : il affirmait que l'option nucléaire devait rester ouverte quel que soit l'agresseur. "Il n'est pas désirable d'adopter une politique publique affirmant le refus de "frappe en premier" ; cela ne sert qu'à limiter spécifiquement les buts de dissuasion nucléaire des Etats-Unis sans apporter un bénéfice équitable", indiquait le rapport du Stratcom, qui est l'instance opérationnelle de gestion et de mise en uvre des armements nucléaires américains.

En novembre 1997, Bill Clinton permettait, dans la directive présidentielle no 60 dévoilée par le Washington Post du 7 décembre 1997, des frappes nucléaires en réponse à des attaques chimiques ou biologiques. La même année, les militaires se demandaient si une telle frappe ne serait pas justifiée contre une usine chimique construite par la Libye à Tarhunah, qu'ils suspectaient d'être destinée à fabriquer des armes chimiques.

La même année, la B61-11 entrait en service. Correspond-elle à un véritable besoin technique ? La problématique de la démolition d'ouvrages souterrains est apparue de manière criante lors de l'invasion du Koweït par l'Irak en août 1990. L'état-major américain a alors considéré que les bombes dont il disposait ne suffiraient pas à démolir le ou les bunkers souterrains de commandement irakien. Il lança un programme de développement d'une bombe "pénétrante" capable de réaliser cette tâche. En un temps record, la GBU 28 était réalisée, par adaptation de bombes préexistantes, et livrée en février 1991 : un engin utilisant un explosif "traditionnel", du tritonal, pesant 2 tonnes et mesurant 5,72 mètres sur 37 centimètres de diamètre.

Deux exemplaires de la GBU 28 allaient être largués depuis des avions F-111 en Irak. L'un est réputé avoir atteint son but, mais on ne sait pas avec quelle efficacité. Toujours est-il que, dans les années suivantes, le Los Alamos Scientific Laboratory allait développer la B61-11, dont il semble que le projet ait été lancé en 1989.

Même s'il est difficile, dans un domaine où, par définition, les données et les discussions techniques sont peu ouvertes, d'évaluer l'intérêt militaire des bombes pénétrantes "mininuke" par rapport à leurs rivales type GBU 28, la différence apparaît criante. Les "mininukes" sont plus légères : de l'ordre de 300 kilogrammes contre 2 tonnes. Mais, surtout, le saut est radical quant à la puissance explosive : la GBU 28 représente, avec ses 306 kilogrammes d'explosif tritonal, environ 385 kg de TNT. Près de mille fois moins que la B61-11, dont la puissance la plus basse est de l'ordre de 300 tonnes de TNT !

La position adoptée par Bill Clinton en 1997 n'a pas été modifiée par la suite. En janvier 2001, un rapport du National Institute for Public Policy, un "think tank" spécialisé sur les questions stratégiques, réaffirmait l'utilité d'armes nucléaires légères : "Dans le futur, les Etats-Unis peuvent avoir besoin de déployer des armes nucléaires simples, à faible puissance et guidées avec précision pour un usage possible contre des cibles particulières et renforcées telles que des usines souterraines d'armes biologiques."

Si les armes conventionnelles peuvent endommager les abords de caches souterraines, "une ou plusieurs armes nucléaires pourraient être requises pour détruire l'installation elle-même". Plusieurs auteurs du rapport se retrouvent à des postes élevés dans l'administration Bush : Stephen Hadley, qui est maintenant l'adjoint de Condoleezza Rice, la conseillère de M. Bush pour la sécurité nationale, Robert Joseph, assistant spécial du président pour les questions de prolifération, ou Stephen Cambone et William Schneider, qui sont des proches conseillers du ministre de la défense, Donald Rumsfeld.

La question des armes nucléaires de faible puissance a d'ailleurs été évoquée, sans doute pour la première fois dans une enceinte officielle, le... 13 septembre. C'était au Sénat des Etats-Unis, lors de l'audition du général Richard Myers pour sa nomination au poste de chef d'état-major interarmées. "Soutenez-vous le développement de nouvelles armes nucléaires à faible puissance ? Dans quelles circonstances soutiendriez-vous l'usage de telles armes ?", lui ont demandé les sénateurs du comité des forces armées, pour qui, comme pour de nombreux décideurs à Washington, la question n'est pas taboue. Le général a éludé la question, se contentant de dire : "Nous disposons déjà d'un certain nombre d'armes à faible puissance."

Cependant, aucun indice ne montre que l'entourage de M. Bush pourrait être sensible aux arguments des faucons atomiques. Un article du Japan Times du 20 septembre affirme que, selon une source diplomatique non précisée, le département de la défense a présenté l'utilisation d'armes nucléaires tactiques comme une option de rétorsion aux attaques terroristes du 11 septembre.

Mais, explique un expert français, "il est normal qu'en cas d'intervention les militaires proposent au président l'ensemble des possibilités imaginables. Pour autant que j'aie pu le comprendre de mes contacts à Washington, l'option nucléaire a été résolument écartée par Bush". Hans Kristensen confirme : "Je pense qu'aucune personne responsable à Washington n'imagine utiliser les armes atomiques dans la présente situation en Afghanistan. Le seul scénario possible serait que les Etats-Unis soient convaincus que quelqu'un s'apprêterait à lancer une arme nucléaire ou biologique depuis une position connue, et que le seul moyen de l'empêcher serait de nucléariser cette installation." Mais, poursuit Kristensen, "la réelle question est celle-ci : puisqu'aucun responsable ne considère sérieusement d'utiliser l'arme nucléaire au niveau actuel des hostilités, pourquoi la politique nucléaire l'envisage-t-il quand même ?"

C'est qu'aucune porte ne peut être fermée. Comme l'écrivait le rapport du Stratcom en 1995, "c'est s'affaiblir que de nous présenter comme trop pleinement rationnels et tête froide. Le fait que quelques éléments peuvent apparaître potentiellement "incontrôlables" peut être bénéfique pour créer et renforcer les peurs et les doutes dans les esprits des décideurs ennemis".

Hervé Kempf