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Clabecq : les témoins perturbent l'accusation et parlent de conflit social
by michel barile Tuesday March 05, 2002 at 05:27 PM

Quatre témoins dont trois délégués effectifs et un suppléant sont venus témoigner de la situation précise où se trouvaient les Forges depuis le dépôt de bilan jusqu'à fin juin 1997. « Nous ne sommes pas une bande mais des délégués élus démocratiquement par les travailleurs. Si nous sommes une bande, alors Verhofstadt et Van Cauwenbergh et leurs gouvernement en sont aussi ». Compte-rendu d'audience de ce lundi 4 mars.

Le président du tribunal organise l'interrogatoire de chacun des témoins sur quatre points importants : les événements devant l'Hôtel de Ville du 20 décembre 1996 ; les faits d'Ittre et du Relais du Marquis (la « séquestration » du BSR Tellier et du curateur Zenner) ; l'attaque menée par la gendarmerie lors de la manifestation sur la bretelle d'autoroute de fin mars 1997 et finalement la soi-disant agression d'un automobiliste, faite par d'Orazio fin juin 1997.
Nous reproduisons ici des larges extraits du témoignage de Jean-Pierre Gotto, délégué des Forges et membre du Comité de Sécurité et d'Hygiène de l'entreprise.

Toutes les questions sont du juge sauf contre-indication

L'hôtel de ville de Tubize

Jean-Pierre Gotto. « Nous étions en haut des marches avec la Délégation syndicale . Le bourgmestre était en haut des marches. Sur les marches de l'hôtel de ville, il ne se passait rien. Je me trouvais en haut des marches à côté de d'Orazio. A un certain moment, il y a eu un remue-ménage sur la gauche de l'hôtel de ville, pas sur les marches de l'Hôtel de Ville. Alors qu'il n'y avait pas de raison, quelqu'un a tiré le bourgmestre vers l'intérieur et immédiatement après, il y a eu une projection de gaz, genre gaz moutarde. J'ai été personnellement touché avec D'Orazio. Le Samu a dû venir pour les premiers soins à l'intérieur de l'Hôtel de Ville. Par la suite, le bourgmestre a reçu la délégation dont je faisais partie.
Je n'ai pas constaté que certains travailleurs se soient dirigés vers le commissariat de police. De l'endroit où je me trouvais sur les marches de l'Hôtel de ville, je ne pouvais pas voir. J'ai appris par la suite que des incidents ont eu lieu (un travailleur a été prendre un appareil photo des mains d'un gendarme qui photographiait la foule, ndlr) mais je ne suis pas un témoin direct. Je suis resté tout le temps avec D'Orazio. Je n'ai pas entendu D'Orazio donner des instructions aux travailleurs pour aller chercher l'appareil photo. Je n'ai pas davantage entendu D'Orazio proférer des menaces. »

Pourquoi est-il nécessaire d'avoir un entretien avec le bourgmestre ?

JPG. « Parce que après le dépôt de bilan (l'ensemble des responsables avaient abandonné l'usine, ndlr), l'inspection nous avait dit que le responsable était la commune. Nous voulions voir le bourgmestre pour discuter avec lui du dernier salaire non perçu et des mesures qu'il fallait prendre pour assurer la sécurité de Clabecq et de Tubize.
Pendant vingt ans, j'ai été délégué de la sécurité. C'est cela qui me heurtait le plus. Qu'on laisse à l'abandon l'usine. Je tiens pour responsable de cette situation les mandataires de la Région Wallonne qui avait un pouvoir de décision. Depuis un an à peu près avant le dépôt de bilan, c'est la Région wallonne qui avait repris tout le capital social de Clabecq en rachetant les parts de Dessy. C'est la raison pour laquelle, avant le dépôt de bilan, nous avions été voir Monsieur Collignon (ministre-président de la Région wallonne de l'époque) notamment le 3 décembre. Ce jour-là, il nous a assuré qu'il n'y aurait aucun problème pour l'avenir des Forges. Qu'on pouvait passer les fêtes de fin d'année tranquilles. »

Quelles étaient les craintes concernant la sécurité ?

JPG. « C'est surtout au niveau du haut-fourneau et de l'aciérie. Si personne n'entretient, il y a un risque d'explosion. Il y avait un stock de carbure qui au contact de l'humidité, par réaction, produit de l'acétylène. Il fallait éviter que l'eau n'entre car sinon par réaction de l'hydrogène, c'est l'explosion. Nous avions besoin de l'électricité pour assécher tout ce dispositif, c'est la raison pour laquelle, nous sommes allés voir le juge Versluys à Nivelles pour éviter les coupures d'électricité. »

Le Relais du Marquis

JPG. « J'étais présent à Ittre. Il faut comprendre le contexte. J'avais été à plusieurs reprises trouvé le curateur Lepla concernant le problème des retenues sur salaire. A chaque fois, il nous donnait une réponse évasive pour résoudre cette question. Lors d'une réunion syndicale où nous parlions de cela, des travailleurs ont quitté la réunion pour aller à Ittre. Quand nous nous en sommes rendus compte, nous avons quitté l'usine. Arrivés là, on nous a signalé les incidents. Aucun délégué n'a été témoin des faits.

Quand nous sommes entrés dans le hall de réception avec les autres délégués, un homme avec la chemise déchirée nous a signalé où se tenait la réunion. Nous sommes arrivés devant la salle. On a frappé et on est entré. Il y avait encore des travailleurs (cris-grabuges). Je n'ai pas vu Zenner blessé tout de suite. D'Orazio a demandé aux travailleurs de sortir. Ils sont sortis après un petit temps de discussion. Nous avons interpellé Monsieur Lepla sur la raison pour laquelle le problème des retenues sur salaire n'avait pas encore été réglé. Il nous a dit qu'il avait des documents dans sa serviette et que ça serait réglé incessamment. C'est moi-même et d'Orazio qui l'avons interpellé. Sans aucune menaces verbales ou autres. C'est à ce moment-là que j'ai vu Zenner sur une chaise. Il était légèrement blessé à l'arcade.
Nous sommes alors partis et sommes retournés aux Forges. Avec d'Orazio et deux membres de la BSR. »

Pourquoi ces deux-ci n'ont pas pris leur véhicule ?

JPG. « Parce que nous nous sommes rendus à la camionnette. Ils étaient là, à côté. Ils nous ont demandé ce qui s'était passé. Nous leur avons dit qu'une explication aurait lieu aux Forges pour tout le monde. Arrivés aux Forges, nous sommes montés au bureau de la délégation syndicale et avons pris ensemble un café. Ils sont restés une heure ou deux.
Lors du témoignage de Tellier (un des deux agents de la BSR, ndlr), il a dit qu'Angelo Buttera l'avait pris par le bras et conduit de force à la camionnette…
Je n'ai même pas vu Angelo Buttera. Tellier nous a accompagné volontairement. Ce n'est pas moi qui, après la réunion aux Forges, a raccompagné les deux gendarmes au Relais du Marquis pour qu'ils reprennent leur véhicule. »

Un avocat : Y-a-t- il eu des menaces envers Zenner ?

JPG. « Il n'y a eu aucune menace envers Zenner. Il est inconcevable de proférer de telles menaces de la part d'un travailleur. Nous avons tous des enfants. »

La manifestation de l'autoroute

« Ce n'est pas la première fois que nous occupions l'autoroute. En 1985, nous avons manifesté contre la loi qui a conféré les pouvoirs spéciaux à Martens-Gol. Nous avions manifesté alors au même endroit. Les gendarmes étaient présents. Il n'y a pas eu de problèmes. »

JPG. « J'étais présent à l'Assemblée Générale et à la manifestation. Plusieurs délégués syndicaux ont pris la parole. L'objectif était de se rendre sur l'autoroute pour l'occuper une heure ou deux. Aucune décision ne se prenait sans l'accord des travailleurs. Cette semaine-là, il faut le dire, les travailleurs de Renault avaient occupé le site du TGV à Bruxelles-Midi. Les travailleurs des Forges voulaient une action marquante. La veille, une réunion du comité syndical, en matinée (délégués de la Délégation syndicale, Conseil d'entreprise , Conseil Hygiène et sécurité) avait posé la question. Puis on l'a soumise au comité d'usine, l'après-midi pour un plus large débat. Ensemble, on avait opté pour la manifestation sur l'autoroute. Il n'y avait aucune confidentialité des débats.
Ce n'est pas la première fois que nous occupions l'autoroute. En 1985, nous avons manifesté contre la loi qui a conféré les pouvoirs spéciaux à Martens-Gol. Nous avions manifesté alors au même endroit. Les gendarmes étaient présents. Il n'y a pas eu de problèmes. »

Concernant les autorisations ?

JPG. « Vous savez, ce n'est pas la première fois que nous organisions une manifestation. Celle du 2 février, dite « Marche multicolore », qui a rassemblé plus de 70.000 personnes a nécessité beaucoup de travail d'organisation. Nous avions collaboré avec diverses autorités : les autorités administratives, les pompiers, la gendarmerie, le Samu, etc…Pour moi, on avait reçu sans aucun doute les autorisations nécessaires. Les gendarmes savaient le but de la manifestation car ils ont assisté à l'Assemblée Générale.

A-t-on évoqué la possibilité de forcer un barrage ?

JPG. « Non! Moi-même, je l'ai dit qu'on allait sur l'autoroute. Il n'y a jamais eu de propos tenus par lesquels on aurait donné des instructions de s'en prendre aux forces de l'ordre.
Il me tient à cœur de préciser ici que nous sommes des délégués démocratiquement élus. On n'est pas une bande comme ça a été dit. Sinon Verhofstadt et son gouvernement, Van Cauwenbergh et le sien, ce sont aussi une bande.
J'ai été élu démocratiquement par les travailleurs pour défendre leurs intérêts. Je réfute le fait que l'on puisse qualifier les membres de la Délégation syndicale (DS) comme faisant partie d'une bande organisée. Je ne suis pas d'accord non plus quand j'entends dire que D'Orazio est le chef d'une bande. Il est le président de la DS. A ce titre, il est notre porte-parole. Il ne donne pas d'ordre. Les travailleurs ont voté librement en décidant de se rendre sur l'autoroute. Jamais aucune action n'a été prise en dehors des travailleurs. »

Comment s'est passé la manifestation?

JPG. « J'étais à la tête du cortège. Avec d'autres membres de la DS dont Marra et D'Orazio. Quand nous sommes montés, au premier virage, les gendarmes sont sortis des bois comme des indiens ou des cow-boys avec leurs autopompes. Nous étions tout à fait étonnés. Il n'y avait pas moyen de parlementer. Ce qu'il y avait moyen de faire, c'est de se défendre. Nous étions encerclés pour être tabassés. Encerclés par les autopompes, les gendarmes et les gaz lacrymogènes. »

Qu'ont fait Marra et d'Orazio ?

JPG. « Je ne sais pas exactement ce qu'ils ont fait. Je suppose qu'ils faisaient la même chose que moi : calmer les gens et se défendre. »

Un précédent témoin nous a dit qu'il avait fait demi-tour ?

JPG. « Vous savez, comme délégué syndical, je devais prendre mes responsabilités jusqu'au bout, raison pour laquelle je ne suis pas parti. Le désordre fut total. Dans le brouillard des gaz, je n'ai pas pu voir ce qui se