Noveau livre de Denis Robert sur la finance internationale. by Denis Horman Monday February 11, 2002 at 03:40 PM |
Apres le livre controversielle 'Revelations', un nouveau livre de Denis Robert sur la finance internationale vient de paraitre, 'La boite noire'. Denis Horman (Attac-Liege) nous donne une introduction ...
Denis Robert
La Boîte noire
Les Arènes
Janvier 2002
« Révélation$ »
Dans « Révélation$ », un homme du sérail, Ernest Backes, qui connaît les us et coutumes du village financier, racontait de l'intérieur, avec la complicité journalistique de Denis Robert, l'histoire secrète d'une des trois sociétés, créées par les banques pour les banques et sous leur contrôle, par où passent maintenant toutes les transactions internationales concernant les devises et les valeurs mobilières. Il s'agit de Clearstream à Luxembourg et Euroclear à Bruxelles, deux chambres de compensation internationales. La troisième, une société de routage financier, « Swift », siège également à Bruxelles.
Ernest Backes a été , jusqu'en 1983 (année de son licenciement, parce qu'il en savait trop ), le numéro trois de Clearstream, société chargée de faire transiter des fonds et des valeurs sur toute la planète. En l'an, 2000, Clearstream traitait 153 millions de transactions et gérait environ seize mille comptes provenant de cent cinq pays ( dont quarante et un paradis fiscaux, bancaires et judiciaires). La firme, qui salarie deux mille trois cents personnes, compterait environ deux mille cinq cents clients. Son bénéfice officiel annoncé pour l'an 2000 est de 215 millions d'euros. Depuis le Luxembourg, les ordinateurs de la firme brassent, chaque jour, 130 milliards d'euros. Environ 60% des actionnaires de Clearstream sont également actionnaires d'Euroclear. Les deux multinationales ont un tiers d'administrateurs en commun, qui, forment le cœur de la finance mondiale.
Dans Révélation$, l'enquête de Denis Robert nous conduisait là où personne n'avait jamais pu pénétrer : dans les coulisses de la finance internationale. Sur les pas d'Ernest Backes, l'insider ( le témoin de l'intérieur), nous découvrions avec effroi des activités inavouables. Au départ de microfiches et autres listes de comptes fournis par Backes, Révélation$ apportait la preuve de la dissimulation de comptes au nom de multinationales (Unilever, Shell, Siemens, etc.) et d'institutions honorablement connues, la complicité avec des banques maffieuses installées dans les places offshore ( Clearstream gère près de 5000 comptes dans des paradis fiscaux, localisés dans une quarantaine de centres offshore), des ramifications innombrables avec des « affaires » existantes en France et ailleurs, des circuits de blanchiment de narcodollars ou encore des paiements de rançons.
« La Boîte noire »
« Révélation$ a été le nécessaire détonateur d'une histoire encore en cours. Le premier étage d'une fusée. Voici le second ». Et Denis Robert de préciser : « Je n'avais pas vraiment prévu d'écrire aussi vite une suite à Révélation$. Je pensais que le premier livre suffirait. Si les policiers avaient fait leur travail, si les banquiers avaient fait leur travail, si les juges avaient fiat leur travail, si les Luxembourgeois avaient fait leur travail…, je ne m'y serais pas remis. Mais voilà, ils ne l'ont pas fait ».
La « Boîte noire » raconte le mini-séisme qu'à provoqué la sortie de Révélation$ : les pressions, les menaces, les filatures, les plaintes déposées et l'annonce de poursuites judiciaires à l'encontre de Ernest Backes et Denis Robert ; la Mission parlementaire française sur le blanchiment ; mais aussi le licenciement du patron de Clearstream, André Lussi et d'une partie de sa garde rapprochée ; puis le rachat de Clearstream par les Allemands. Depuis fin 1999, Clearstream est la propriété conjointe (à hauteur de 50%50% ) de Cedel International (qui regroupe 93 banques actionnaires) et de la Deutsche Börse Clearing, la société de clearing du marché domestique allemand.
La « Boîte noire » poursuit les révélations sur les comptes non publiés, ouverts non seulement par les filiales de grandes banques installées dans les paradis fiscaux, mais également par des multinationales, qui se servent des comptes non publiés de Clearstream ou de Euroclear pour faire fructifier (et vraisemblablement disparaître) certains bénéfices.
Mais, au-delà de ce constat dramatique, la « Boîte noire », comme « Révélation$ » fait une révélation porteuse d'espoir : il est techniquement possible d'assurer une « traçabilité » de toutes les opérations financières internationales.
Ce n'est pas un hasard si, à la fin de son livre, Denis Robert reprend la Tribune libre, parue dans le Monde du 10 mai 2001, Tribune libre signée de plusieurs magistrats de « l' « Appel de Genève » et intitulée « Une révélation peut en cacher une autre ». Apportant leur caution au livre « Révélation$ », ces magistrats confirment que « toutes les opérations sont enregistrées et conservées pendant des années sur des supports physiques, que ce soient des microfiches ou des disques optiques. Euroclear, Clearstream, Swift et tous les organismes similaires au niveau national ou régional sont à la fois les facteurs qui transportent et livrent l'argent ou les valeurs quand ils changent de mains, et les notaires de ces opérations dont ils veillent soigneusement à conserver le souvenir (…). La conclusion s'impose d'elle-même : le quasi-monopole de fait des chambres de compensation et des services de routage financier, ainsi que la traçabilité des flux de capitaux sont les moyens par lesquels le contrôle serait possible, si on voulait l'exercer ».
Ces opportunités ne pourront cependant se concrétiser que si une volonté politique » existe », précise « l'Appel de Bruxelles pour une justice financière internationale ».
L'ampleur de la tâche
Laissons parler Denis Robert. « Et puis, il y a eu le 11 septembre. Et la pression est remontée de plusieurs crans. Soudain, dans un grands élan médiatique, tout le monde reparle des paradis fiscaux et de la nécessaire lutte contre les réseaux de blanchiment. (…). Tout le monde, durant les premières semaines, ne parlait que de guerre financière contre les militants et alliés d'Al Qaida. Georges W. Bush déclarait, sans rire, qu'il allait « épuiser les ressources des terroristes, traquer les banques et les Etats complices. (…). Tout le monde a hoché la tête. Ah, cette compassion…Qui peut croire que trois mille morts vont subitement changer l'ordre des choses ? Les intérêts qui dominent l'administration américaine – les lobbies bancaires, les géants pétroliers, l'industrie de l'armement et de l'informatique – sont les champions du monde des paradis fiscaux. Ils ne se sont pas réveillés le 12 septembre 2001 en militants généreux de la transparence financière. De manière symbolique, certains comptes (à Londres, New York, Francfort…) ont été bloqués. Mais ces actes isolés ne sont rien comparés à la formidable armada de la guerre en Afghanistan. Trois mois après les attentats, sur le terrain financier, les USA ont à peine sorti l'arme légère. Rien n'avance vraiment, sinon les éternelles conventions et autres réunions ministérielles au sommet ».
Denis Robert et Ernest Backes ont retrouvé dans les archives de Clearstream ( les fameux comptes non publiés !) des noms de banques ou de sociétés appartenant à des amis de Ben Laden. Mais, constate Denis Robert, « A ma connaissance, la firme, implantée dans plus de cent pays, dont près de la moitié sont des paradis fiscaux- ne dénoncera aucun de ses clients suspects au Parquet anti-blanchiment ni au autorités américaines . Elle en aurait pourtant eu le loisir».
Et de projeter un éclairage qui se passe de commentaires. « J'ai épluché Les Dollars de la terreur, un ouvrage prémonitoire écrit en 1999. Son auteur, le journaliste Richard Labévière, expliquait déjà : « Oussama Ben Laden incarne jusqu'à la perfection la « privatisation » du terrorisme islamique. Il bénéficie d'un solide crédit dans les milieux les plus huppés de la finance internationale, où il gère un patrimoine de plus de trois milliards de dollars circulant entre de multiples sociétés installées aux Etats-Unis, en Europe et au Proche-Orient. Ses relais bénéficient de la bienveillante protection des grandes banques internationales honorables » « Et Richard Labévière enfonce le clou : « la piste de l'argent permet de remonter aux véritables commanditaires du terrorisme.
L'internationale des financiers est nettement plus opérationnelle que celle des idéologues et des poseurs de bombes ».
Récupérer les espaces perdus par la démocratie au profit de la sphère financière et permettre l'établissement d'une justice économique et sociale internationale est aujourd'hui un impératif, un objectif porté par des mouvements internationaux comme Attac.
Denis Horman (Attac-Liege)