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Jet Set Française à Porto Alegre
by by Emmanuel G. Friday February 01, 2002 at 07:01 PM

Dans Le Monde du 31/01/02 A Porto Alegre, les Français ouvrent le bal en menant leur campagne électorale Jeudi 31 janvier s'ouvrent simultanément le deuxième Forum social mondial, à Porto Alegre, et le Forum économique mondial de Davos, transféré cette année à New York. [fromfrance.indymedia.org]


1:17pm Fri Feb 1 '02 (Modified on 2:04pm Fri Feb 1 '02)

Le modèle libéral de la mondialisation y sera loué ou vilipendé. A New York, un dispositif de sécurité exceptionnel est déployé. L'Argentine sera à l'ordre du jour de ces deux forums et, à travers elle, les missions et le rôle du Fonds monétaire international. Régulièrement mis en cause pour sa gestion des crises financières mondiales, le FMI demeure sous une forte dépendance des Etats-Unis, premier actionnaire de l'institution après l'Europe.


PORTO ALEGRE (BRÉSIL) de notre envoyée spéciale

Le pèlerinage de la lutte contre la mondialisation libérale à Porto Alegre a formé cette année d'étranges couples de voyageurs. Trois jours avant l'ouverture officielle, jeudi 31 janvier, du deuxième Forum social mondial (FSM), le Forum des élus locaux, organisé du 28 au 30 janvier par la mairie de Porto Alegre, a déjà attiré une horde de Français.

Parmi les premiers arrivés, Danielle Mitterrand, la présidente de France-Libertés, a voyagé avec le secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, Guy Hascoët. Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s'est envolé avec le porte-parole de la Confédération paysanne, José Bové. Sont ensuite apparus — dans le même avion — trois candidats à l'élection présidentielle : Jean-Pierre Chevènement, Noël Mamère (Verts) et Olivier Besancenot (LCR).

Unité de lieu, unité d'action. La pièce franco-française se joue pour l'essentiel dans le hall de l'hôtel Sao Rafael, avenue Bins, véritable usine à interviews, éclairée aux flashes. Il n'y a qu'à traverser la rue pour accéder au Forum des élus locaux, juste à côté d'une église baroque.

Mardi, le rôle principal est revenu à M. Chevènement, tombé dans les bras de Tarso Genro, le maire de la ville. Pétri d'admiration, celui-ci l'a invité à clore, le lendemain, le forum, avec une intervention sur "l'alternative au néolibéralisme", annoncée dans le programme comme "magistrale".

La scène se rétrécit au bar de l'hôtel, duquel on a une vue imprenable sur les allées et venues du hall. En compagnie du député européen Sami Naïr et de Bernard Cassen, le directeur d'Attac France, les quatre hommes discutent des élections, la présidentielle française précédant de cinq mois la présidentielle brésilienne. "Je pense qu'il y aura un tiercé entre Chirac, Jospin et moi, la situation est intéressante", assure le président du pôle républicain.
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Organisations internationales "Ni l'un ni l'autre n'ont apporté de regard neuf sur la mondialisation. Ils n'ont pas de vue profonde, ils accompagnent le mouvement, c'est tout", ajoute Jean-Pierre Chevènement.

"Tiens, Jean-Pierre ! Bon voyage ?", s'enquiert le maire de Paris, feignant de découvrir le nouvel arrivant. A 10 000 kilomètres de sa capitale, M. Delanoë informe "Jean-Pierre" qu'il a accédé à sa demande de classer le lion de Belfort, celui de la place Denfert-Rochereau, monument historique.


UN FORUM À SAINT-DENIS

A la table voisine, quelques heures plus tôt, Marie-Noëlle Lienemann, la secrétaire d'Etat au logement, interpelle Lionel Jospin, son candidat plus que probable, via Porto Alegre : "J'espère que Jospin va faire un grand discours fondateur à Johannesburg, en octobre, sur le développement durable, notamment sur la question de l'eau", dit-elle, sans douter qu'il sera élu.

Vite, vite, la ministre de la Gauche socialiste part avec la télé française pour un reportage dans une favela, en prenant soin d'enlever ses boucles d'oreille. Une solide délégation communiste, Patrick Braouezec en tête, mène un lobbying actif pour qu'un forum social décentralisé ait lieu à Saint-Denis l'an prochain. C'est gagné, à condition de le jumeler avec Paris. Consulté par Bernard Cassen, M. Delanoë approuve.

Noël Mamère lui, est allé voir le gouverneur de l'Etat du Rio grande do Sul, qui représente la gauche du Parti des travailleurs, tandis que le maire de Porto Alegre appartient à l'aile plus modérée. Le candidat des Verts a causé OGM et coopératives agricoles. Il évite soigneusement le candidat du pôle républicain, mais à l'aéroport, la poignée de main avec M. Chevènement est quand même immortalisée.

Le soir, le député de Gironde va déguster des viandes grillées avec son ami José Bové, chouchou incontesté des réceptionnistes de l'hôtel. Jean-Baptiste Eyrault, fondateur du DAL (Droit au logement) passera leur faire une bise.

Juste avant de partir dîner, le leader de la Confédération paysanne croise M. Chevènement. Attroupement, photos. Et si l'ennemi public des Mac Do et des OGM allait en prison, en cas d'échec de son pourvoi en cassation, le 6 février ? "Je vous ferais amnistier", lui promet, royal, M. Chevènement. "Cela s'appelle de la corruption d'électeur", lui répond, tout sourire, José Bové.


"PETITE JET-SET "

Il n'y en a qu'un que tout cela ne fait pas rire. Le "petit" candidat de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), Olivier Besancenot, pense que cette présence française massive "n'est pas l'événement du jour". "La petite jet-set vient s'inviter à Porto Alegre, mais le vrai forum c'est le mouvement social, les paysans de Via Campesina, les chômeurs argentins, les jeunes, Attac", fulmine-t-il. D'ailleurs, il part voir un conseil de démocratie participative au marché central de Porto Alegre, où les délégués se bagarrent avec rudesse. La nuit est presque tombée, mais les éclats de voix montent encore dans l'air brûlant. Le voilà dans son élément. Le député communiste de Seine Saint-Denis, Bernard Birsinger, est venu lui aussi y "prendre quelques leçons de démocratie".

Finalement, c'est un étranger, et pas n'importe lequel, qui brocarde le mieux les Français. Mario Soares, ancien président socialiste du Portugal, l'assure : "C'est bien simple, on n'a jamais vu autant de Français au Brésil."

Béatrice Gurrey
Dans Le Monde du 31/01/02
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