Torture en Espagne.Témoignage. by do Wednesday January 23, 2002 at 01:28 PM |
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Rien n'a changé en Espagne pour les Basques depuis la mort de Franco : ils continuent à être torturés. Et la fRANCE continue à livrer ses Basques à la torture espagnole !
Salut à toutes et à tous, Voici un message que j'ai reçu : Interview d'Iratxe Sorzabal recuelli par le quotidien en langue
basque Egunkaria. Après "cinq jours d'enfer" entre les mains de la garde civil fin mars 2001,
Iratxe Sorzabal reste terriblement marquée. Après trois ans d'incarcération, elle fut livrée par la France à l'Espagne
qui l'a incarcéré peu après et sauvagement torturée. Il n'existait aucune
demande d'extradition à son encontre. Elle témoigne aujourd'hui directement
: "je ne peux plus vivre une vie normale" Quelle est ta situation actuelle ? Je n’ai pas une vie normale. Pas mal de temps s’est
écoulé depuis qu’ils m’ont libérée, mais je n’ai pas une
vie normale. Je ne peux pas. Je ne sors pas de chez moi. J’ai peur. Peur d’une nouvelle arrestation ? Oui. J’ai encore tout cela en tête. Si je sors dans la
rue, il me semble qu’à tout moment ils m’arrêteront à nouveau,
Que tout va recommencer. Quelle est cette peur, peur de leur vengeance ? Une autre
peur ? C’est tout cela. C’est, en fin de compte, qu’il
m’arrive une nouvelle fois ce qu’il m’est déjà arrivé ou
ce qu’il est arrivé à tant de basques. On dirait qu’on peut t’embarquer
à tout moment juste parce que tu es abertzale. J’ai dans ma tête les
images de ces cinq jours. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Comment as-tu vécu ces cinq jours-là au commissariat ?
Se rappeler de ça, c’est avant tout une sensation. C’est
la sensation de ce qui reste à l’intérieur qui te vient. Beaucoup d’images
me reviennent en tête et tout ce qu’ils m’ont fait… voir…
Je commence à me remémorer et … Je ne peux pas. Depuis, tu prends conscience de ce qui t’est arrivé ? Oui, oui. Avec le temps, tu prends conscience et tu le vois
avec un autre recul. C’est passé, mais les conséquences de la torture
ne commencent pas à apparaître durant ces cinq jours, mais à partir du sixième
jour. C’est alors que tu commences à penser à tout cela. À partir de
là tu commences à être une autre personne. Depuis cette expérience, ta vie ne peut plus être la même ?
Il est évident que tu peux la surmonter et que je vais, moi
aussi, la surmonter. La vie continue et tu dois surmonter cela. Tu sais où
tu es et pourquoi ils t’ont fait ça. La torture est, en fin de compte,
une arme de l’état. Mais différente. Tu vois les choses autrement. Je
ne peux, actuellement, mener une vie normale. C’est donc que quelque
chose a changé. Il existait déjà des témoignages sur la torture. Jusqu’à
ce que ça t’arrive, tu imaginais ce que ça pouvait être ? Tu ne peux pas imaginer. J’ai, pendant des années, lu
des témoignages, j’ai discuté avec des gens qui avaient été torturés.
Il y a toujours cette peur de l’inconnu. On ne peut pas l’expliquer
tant qu’on ne l’a pas vécu. On ne peut pas exprimer ce que l’on
ressent, car j’ai ressenti quelque chose que je n’avais jamais
vécu. Je n’ai jamais ressenti de telles douleurs physiques. Je n’aurais
jamais cru pouvoir sentir une telle douleur et pouvoir y survivre. Et je n’ai
jamais ressenti une telle peur. Tu ne peux pas imaginer ce que ça peut être
tant que tu ne l’as pas vécu. C’est alors que tu te rends compte
de ce que c’est. Au moment où cela t’arrive, as-tu peur de mourir ? Oui, oui. Mais plus que la peur, l’envie. Je n’avais
pas peur de mourir, j’en avais envie. Tu ne peux pas, mais si tu en
avais la possibilité ? C’est à cela que tu penses dans ces moments-là.
Plus tard, avec le temps, Je me suis fait très peur en repensant que je voulais
mourir. Je n’ai jamais eu envie de mourir. Mais à ce moment-là oui,
comme un apaisement, ou, tout du moins, comme une envie d’en finir avec
tout cela. C’est pourquoi on ne peut pas expliquer ces choses-là :
On ne vit pas ces sensations –l’envie de mourir-. Au-delà de la douleur physique, y-a-t-il une haine envers les
tortionnaires et une douleur morale, ou la douleur prend-elle le pas sur tout
le reste ? Non, non. La douleur physique est une chose, mais les deux
sont présentes. La douleur psychologique est la plus forte. Ce qui reste est
psychologique. En pensant que ça pourrait recommencer et aussi en pensant
à tout ce qu’ils t’ont fait, tout ce qu’ils t’ont
fait signer, le fait de dénoncer les copains, de signer tout ce qu’ils
te disent… C’est, finalement, qu’ils ont gagné dans ce sens :
qu’ils ont obtenu ce qu’ils voulaient. Ils te présentent une déclaration,
te la font apprendre par cœur, signer et ils sont vainqueurs. Tu dis que tu as duré (survécu ?). Comment cela t’a-t-il
été possible ? Je savais que cela durerait cinq jours et qu’au bout
de ces cinq jours, je passerais devant le juge et que ça serait terminé. Tu
ne contrôles pas trop la notion du temps. À ce moment, tu ne sais pas combien
de jours sont passés ou pas, mais tu sais que ça finira. En plus ce ne sont
pas cinq jours mais cinq jours et cinq nuits. Quand tu es dehors, tu trouves
que cinq jours passent très vite. Mais ces cinq jours et cinq nuits m’ont
paru bien plus longs que les deux ans que j’ai passés en prison. Car
il n’y a aucun moment de pause. Ce sont des jours, des heures, des minutes… Tu as vu un médecin légiste. La première fois tu n’as
pas osé lui raconter quoi que ce soit … Non. La première fois, je ne croyais même pas que c’était
un médecin légiste. Je pensais que c’était un garde civil, comme les
autres. Cela dura un moment, ils m’ont conduite dans une salle. Un homme
est apparu, et m’a déclaré qu’il était médecin légiste. Je ne
l’avais pas cru. J’étais très très mal et je sursautais chaque
fois qu’il s’approchait de moi : non, ne me touchez pas,
laissez-moi… Il m’a demandé de me calmer. Je suis restée une demi-heure,
en tremblant sur une chaise, sans rien dire. Je ne pouvais pas… La deuxième fois… Le lendemain, je lui ai parlé. Le premier jour, lorsque le
médecin était parti et qu’ils m’amenaient pour un autre interrogatoire,
ils se foutaient tous du légiste en rigolant. Il leur avait dit qu’il
m’avait trouvée très mal en point et très nerveuse, que j’avais
besoin de calme et de sommeil. Ils criaient contre lui. À ce moment-là, j’ai
pensé : j’espère que c’est un médecin… Le lendemain
j’étais démolie. Tout m’était égal car je n’en pouvais plus.
Quand ils m’amenèrent devant lui, j’ai pensé qu’il pouvait
être médecin, et que si c’était le cas, qu’il pouvait peut-être
faire quelque chose. Qu’au moins il resterait des preuves… Et
que si ce n’était pas le cas, qu’ils ne pouvaient pas m’en
faire plus… C’est à ce moment-là que je lui ai montré mes blessures.
C’est là que je me suis rendu compte des blessures, ils m’avaient
torturée sans arrêt jusque-là, et je n’avais même pas eu le temps de
voir mon corps. Je le lui ai montré et il a pris peur et il m’a dit
qu’il fallait m’amener à l’hôpital. Les gardes civils n’en
avaient aucune envie. Ensuite, un autre est venu, pour voir. Il constata lui
aussi, et ne put refuser cela. Même à l’hôpital tu étais sous régime d’isolement ? En plus, au début, ils me conduisirent auprès d’un médecin
et les gardes civils étaient à côté. Le médecin me demandait ce que j’avais.
Et comment pouvais-je lui répondre avec les autres à côté ! Je ne pouvais
pas ouvrir la bouche !Finalement, il leur a demandé de sortir. Pendant ton isolement, tu as vu un avocat commis d’office.
Quel fut son comportement ? Ils me firent faire des déclarations et à chaque fois me dirent
qu’il y avait un avocat commis d’office. Je pense que c’en
était, mais je ne savais pas si c’était vrai… Je me souviens d’une
femme. Je suis entrée dans une pièce, il y avait une table, les gardes civils
s’y installèrent et l’avocate commis d’office était derrière
eux. Je ne pouvais même pas le regarder. Quand ils me firent entrer, je ne
pouvais même pas marcher. J’étais portée par deux gardes civils et ils
me posèrent sur une chaise, me firent déclarer, me soulevèrent pour m’asseoir
sur une autre chaise pour me faire, eux-mêmes signer. Je me souviens que la
femme s’est rendu compte que ce n’était pas normal que l’on
me porte ainsi. Elle demanda ce qui se passait. Tout de suite, un garde civil
lui dit : " Tranquilisez-vous, ce n’est rien, elle est un
peu fatiguée ". Alors, la femme s’adressa directement à moi. J’avais
peur de la regarder, car ils m’interdisaient de la regarder. À ce moment-là,
je ne pouvais pas dire ce qu’ils étaient en train de me faire subir.
Je ne savais pas ce qui m’attendait. Je la regardais terrifiée… Quelle fut l’attitude du juge lorsque tu déclaras devant
lui ? Buf ! Le juge ne m’a pratiquement pas regardé. Il
m’a lu tout ce qui m’était reproché, m’a demandé si j’avais
quelque chose à déclarer. Mais il ne voulait pas me regarder… Parcequ’il savait ce qu’il t’était arrivé ? Bien sûr qu’il savait ! J’en suis sûre. Lui
et tous les juges de l’Audiencia Nacional. Lorsque tu étais incarcérée en France, tu avais entamé une
grève de la faim, ils t’avaient expulsée et ne t’avaient pas torturée.
Tu étais remise en liberté après ton expulsion, Mais ils t’arrêtèrent
quelques mois après. Craignais-tu qu’une telle chose pouvait t’arriver ? Oui. Cela pouvait se produire. Ils me le rappelèrent eux-mêmes.
Et bien rappelé en plus : ils me parlèrent en rigolant de ma grève de
la faim et me cassèrent le moral. Ils me rappelèrent dans quel état j’étais,
je pesais 38 kilos, que j’allais tomber en continuant ainsi. Ils me
dirent qu’ils m’avaient laissés récupérer. Ils m’avaient
attendue. Quel bilan tires-tu de l’attitude du Gouvernement Basque
après la parution des photos ? Très timorée. On aurait dit qu’elles étaient trafiquées.
En plus, eux savent très bien que la torture est une pratique courante ici,
que leur propre police torture. Ensuite tu compares avec d’autres histoires,
pour le moindre ersatz de soupçon contre une personne, ils mènent de véritables
rafles… Et ensuite, lorsque tu leur parles d’un cas de torture,
" nous aviserons, nous allons vérifier la nature des preuves… ".
Et ce, malgré la parution des photos et les témoignages des médecins légistes.
Et de toute façon, ça ne sert à rien, puisque peu de cas sont rendus publics.
Il semblerait que je sois une privilégiée. On croirait qu’au Pays Basque,
il n’y a qu’Iratxe Sorzabal qui ait été torturée et ça me fout
la haine. Combien de personnes se sont-elles fait torturer cette année ? Et l’on dirait qu’en " dénonçant " un
cas isolé… Et regardez le résultat ! On demande des éléments au
Ministère espagnol, afin de mener une enquête… Mais quel type d’enquête
sont-ils donc en train de mener ? Ils n’ont qu’à parler avec
moi. Mais pas seulement avec moi ! L’attitude du Gouvernement Espagnol ? Elle est très claire. Ils ont toujours utilisé la torture.
C’est leur arme quotidienne. Le seul truc, c’est qu’ils
ne veulent pas l’admettre publiquement, car cela nuirait à cette image
de démocrates. Mais ça fait partie de leur stratégie, et il n’y a rien
de neuf. Vous avez pris des initiatives auprès des structures internationales
afin de faire condamner l’Espagne ? Lorsque j’étais incarcérée –à Soto del Real- les
membres de CPT (Comité de Prévention contre la Torture du conseil Européen)
sont venus me voir. Ils sont allés voir quelques prisonniers politiques basques
et nous ont demandé ce qui s’était passé. Le problème, c’est qu’il
se passe beaucoup de temps avant qu’ils ne puissent publier quoi que
ce soit, puisque le gouvernement espagnol a le droit de veto. Amnesty International
aussi réalise ce travail. La législation européenne stipule que les états doivent respecter
les règles minimales des droits de l’homme. Si l’Espagne ne le
fait pas, l’Europe pourrait la condamner, non ? Cela aussi est arrivé il y a longtemps. Cette loi existe encore
en Europe. Et il en est de même avec les expulsions : On ne peut expulser
une personne vers un autre état si les droits basiques n’y sont pas
respectés. Ces droits ne sont pas respectés par l’état espagnol et pourtant
à combien d’expulsions l’état français a-t-il procédé ? En
fin de compte, ils sont tous complices. Le fait que le gouvernement français suive toujours la même
voie signifie-t-il qu’il se voile volontairement la face ? Non, non. L’attitude du gouvernement français n’est
pas celle d’un complice, mais bien celle de quelqu’un qui est
totalement impliqué dans le conflit. Et pas seulement parcequ’il arrête
et livre des basques. En fin de compte il prend part à la répression. Il réprime
le Labourd, la Basse-navarre et la Soule. A-t-on fait parvenir des preuves des tortures qui t’ont
été infligées au Gouvernement français ? Ont-ils répondu à ce sujet ? Pas que je sache. La procédure administrative qui a permis
mon expulsion est toujours en vigueur. Souvent, la plupart des expulsions
sont déclarées illégales par des tribunaux administratifs, bien des années
après l’expulsion. Pour lors, les gens sont déjà expulsés, torturés,
incarcérés. _________________________ Note de do : pour lire les preuves des terribles tortures
subies par la jeune basque Iratxe Sorzabal aux mains de la Garde Civile, cliquer
ici : Intervention
335 en AG sur mon site. __________________________ Merci pour votre attention,
Askatasunaren eleduna
Porte parole d'Askatasuna association de soutien et de défense des prisonniers
politiques basques
00 33 (0)6 22 76 27 76
hareman@fairesuivre.com
Meilleure salutation,
do