arch/ive/ief (2000 - 2005)

STIB : "2000 chauffeurs à convaincre"...
by Collectif sans ticket-Bruxelles Friday January 04, 2002 at 07:48 PM
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A l'attention de ceux qui l'auraient oublié, Alain Flausch rappelle sa vision du rôle d'une société de transports publics. Ainsi, évoquant l'accès gratuit pour les plus de 65 ans (à partir du 1er juillet à Bruxelles), il glisse : « Cela fait du volume (sic) mais pas de la clientèle et c'est la négation du marketing ».

En pages régionales, Le Soir de ce lundi 31/12 a levé un coin du voile sur ce qu'apporte l'année 2002 dans le fonctionnement de la STIB : un nouveau schéma d'organisation, que le directeur général de la société, Alain Flausch, qualifie de « petite révolution ». Nous reproduisons ci-dessous cet article, précédé d'un entretien avec le même Alain Flausch, paru dans L'Echo (« Le quotidien de l'économie et de la finance ») le 20/11 dernier. Le patron de la STIB y précise l'esprit et les contours du tournant managérial qu'il entend faire prendre aux services de transport bruxellois. A l'attention de ceux qui l'auraient oublié, il rappelle sa vision du rôle d'une société de transports publics. Ainsi, évoquant l'accès gratuit pour les plus de 65 ans (à partir du 1er juillet à Bruxelles), il glisse : « Cela fait du volume (sic) mais pas de la clientèle et c'est la négation du marketing ».

Pour le reste, l'administrateur directeur général est intarissable sur les objectifs de ce nouveau mode d'organisation : donner satisfaction à la clientèle en s'en rapprochant, responsabiliser les travailleurs, instaurer une plus grande transparence comptable, augmenter les parts de marché du transport public. Seul un enjeu manque dans l'énumération, trop évident sans doute pour avoir besoin d'être nommé : la préparation du réseau intégré de la STIB (métros, trams et bus exploités dans une structure commune et indistincte) aux règles de la mise en concurrence. Pour satisfaire aux desiderata d'opérateurs privés comme Connex (Vivendi) ou Transdev, l'offre bruxelloise de transport doit être morcelée entre ses trois composantes. On comprend que des lignes de bus, vu le moindre investissement que leur exploitation demande, sont susceptibles d'être reprises plus rapidement par le privé que l'infrastructure du métro. Cette reprise suppose une séparation, comptable puis fonctionnelle, dans la gestion des trois modes de transport. Là où Etienne Schouppe à la SNCB parlait en 1993 de « Business Units », Alain Flausch parle en 2002 de « Composantes ». Mais tous deux regardent dans la même direction.

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Alain Flausch : "La nouvelle gestion de la STIB s'inspire du secteur privé, chacun est désormais responsabilisé sur des objectifs » (L'Echo, 20/11/2001, propos recueillis par Jean Beyls).


Il y a des tonnes et des tonnes de livres et de cours sur le management d'entreprise. Mais que deviennent les belles théories, s'agissant d'une entreprise publique en mutation, opérant dans des paramètres financiers et budgétaires fort différents de ceux de la logique d'entreprise purement privée ? En d'autres termes, comment concilier cette logique avec les contraintes politiques, sociales, sociologiques d'un réseau de transport urbain sous tutelle publique ? Est-ce concevable d'abord ? Est-ce possible ensuite ? Dans le contexte politique actuel, ces questions sont d'une actualité brûlante.

Pour avoir une réponse, nous avons rencontré le grand patron des métros, trams et bus bruxellois, alors que pour 1 franc de recettes commerciales, la STIB reçoit 3 francs de la Région bruxelloise, que les futurs trams-boas coûteront entre 150 et 170 millions-pièce (de 3.750.000 à 4.250.000 euros) et que de nos jours, un kilomètre de tunnel de métro complètement équipé revient à… 1,3 milliard (32.500.000 euros). Alors aussi qu'au plan humain, la STIB c'est 5.800 personnes… de plus de trente nationalités différentes et avec un taux important de syndicalisation.

** L'importance du facteur temps **

Alain Flausch, l'administrateur directeur général de la STIB, est justement entré en fonction pour réaliser cette mission. Il insère d'abord sa réflexion sur le management de la Société des transports intercommunaux bruxellois dans une perspective historique dont le point de départ se trouve en 1990 avec le contrat de régionalisation. « Il a d'abord fallu cinq ans pour que la STIB retrouve ses marques avec une nouvelle direction générale. Ce sont les prémisses du passage d'une société très technique à une société plus orientée vers la clientèle. Cette évolution a bien été perçue mais l'organisation et la conception n'ont pas bougé, ou fort peu. »

L'Echo : Pour qu'une entreprise publique puisse évoluer, ne faut-il pas au départ que l'autorité de tutelle évolue elle-même ?

A. F.: Maintenant, je constate que l'environnement est plus ouvert. Le monde politique a des idées moins assurées sur la validité du mode de travail de l'entreprise publique. Sa réflexion évolue non pas vers la privatisation, mais il commence à admettre que des idées du secteur privé peuvent être appliquées dans le secteur public, avec une incidence directe pour le client et le service qu'on doit lui rendre. Dans cette optique, en ce qui me concerne, je n'ai rien inventé mais j'essaie d'être un bon compilateur.

** Compilateur… avec incitants **

Je constate une moindre résistance à ces idées nouvelles, même si cette résistance existe encore. Ces idées existaient avant moi mais diverses contraintes ont laissé ces idées en gare. Compte tenu de cette situation, j'ai proposé un schéma d'organisation de la STIB. Et ici, les responsables politiques ont été exemplaires : ils m'ont laissé faire. Il n'y a eu aucune lecture politique ou syndicale de ce schéma d'organisation. Il n'y a pas d‘intervention syndicale dans mon action et celle du comité de direction.

L'Echo : En pratique, comment avez-vous procédé ?

A.F. : A partir de là, des transferts ont été opérés, des responsables ont changé de poste, des promotions ont aussi été effectuées. Ainsi, par exemple, des ingénieurs techniciens sont devenus des patrons. En fait, il n'y a plus de comité de direction mais un comité exécutif où l'âge moyen a baissé de dix ans. Il y a un peu moins d'ingénieurs civils aux leviers de commande mais relativement plus d'ingénieurs techniciens et de commerciaux à leur place. Tout cela constitue quand même une petite révolution à la STIB !

** L'exploitation plus près de la clientèle **

L'idée de base de ces changements est qu'il nous faut retourner sur le terrain, là ou se trouve la clientèle. C'est à l'exploitation par conséquent que les changements ont été les plus importants. Elle occupe 2.800 personnes sur les 5.800 emplois que compte la STIB. L'exploitation est subdivisée en trois selon les modes de transport : métro, trams et bus. S'y ajoute le service des transports spéciaux : à la demande, pour les handicapés, etc. et les services communs. Ces unités sont décentralisées. A leur tête, j'ai placé un jeune ingénieur de 35 ans. Entre autres missions, il participe à tous les projets.

Chacun de ces trois grands services de l'exploitation est à son tour divisé en cinq composantes : le trafic proprement dit, la gestion des stocks, le service-clientèle et la qualité du service, les ressources humaines et enfin le contrôle de la gestion.

L'Echo : Voilà pour les structures. Mais comment comptez-vous motiver le personnel de la STIB ?

A.F. : A la STIB, on va maintenant compter à tous les étages, savoir exactement ce que l'on fait, à quel coût, comment optimiser ceux-ci, comment augmenter les recettes. Dans ces composantes, chacun est responsabilisé sur des objectifs. Ces composantes sont autant de centres de résultats où chacun a des objectifs mesurables. Les récompenses se font au mérite, en termes de gestion, selon la logique d'une entreprise privée. Tout s'effectue finalement dans une plus grande transparence aussi.

L'Echo : Un tel changement de mentalité ne provoque-t-il pas des tensions dans une société comme la STIB ?

En procédant de cette façon, on transforme profondément l'entreprise publique STIB. L'enjeu est simple : donner satisfaction à sa clientèle, les usagers. Mais je reconnais qu'en regard, les relations de travail sont un peu tendues. Il y a des questions, des interrogations sur l'avenir de chacun.

Mais je crois qu'en procédant ainsi, on évite de prendre sur la tête une révolution brutale. Nous savons que nous coûtons à la Région bruxelloise. Nous avons le devoir absolu de remplir notre contrat de gestion. Nous en avons maintenant un bon, un contrat qui permet d'asseoir l'organisation sur une base correcte.

Dans le même temps, nous avons du faire face à l'incidence de la gratuité des transports pour les usagers de plus de 65 ans. Cela fait du volume mais pas de la clientèle et c'est la négation du marketing.

** Nouvel organigramme **

Au 1er janvier prochain, toutes les personnes seront en place dans le nouvel organigramme de la STIB. Dans cette perspective, 80 personnes ont été évaluées sur la base de deux critères : leur capacité à s'inscrire dans le nouveau projet d'entreprise et à être des managers responsables.

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Mobilité / Le nouvel organigramme de la société entre en vigueur ce 2 janvier

La Stib fait sa révolution (Le Soir, Martine Duprez, 31 déc. 2001)



Le directeur général Alain Flausch veut dépoussiérer cette véritable institution pour en faire « le » leader de la mobilité à Bruxelles. Au centre de ses préoccupations : le client.

C'est, selon certains de ses protagonistes, une véritable révolution que s'apprête à vivre la Société des transports intercommunaux de Bruxelles. Dès ce 2 janvier, le tout nouvel organigramme de cette entreprise publique de plus de 5.000 travailleurs (dont le budget pèse douze milliards, près de 300 millions d'euros) entre en vigueur. Un bouleversement, fruit de longs mois de réflexion menée par le nouvel administrateur-directeur général, Alain Flausch. Juriste de formation, ce jeune quinquagénaire a forgé sa carrière dans les milieux de la publicité. Une expérience dans le privé qui a largement inspiré ses options.

Je me suis retrouvé à la tête d'une entreprise sans projet, devant une direction isolée et une série de barons vivant leur propre vie, diagnostique Alain Flausch, délaissant la langue de bois autrefois de mise à la direction de la Stib. Une entreprise éclatée, traversée par les pressions politiques et cogérée par les syndicats.

Méthodique et scolaire, Alain Flausch a sérié les problèmes. Aujourd'hui, le nouveau contrat de gestion qui lie la Stib et la Région définit clairement le rôle de chacun et les objectifs à atteindre à l'horizon 2005. Notre ambition est d'augmenter les parts de marché du transport public. Nous tournons autour de 170 millions de voyages par an. Nous voulons augmenter ce résultat : 15 millions de voyages supplémentaires en 5 ans, voilà notre objectif. Pour cela, il faut être plus attractif. C'est-à-dire offrir une qualité de service. Nous allons nous occuper de nos clients. Il faut que nous devenions « le » leader de la mobilité à Bruxelles.

« Autrefois, on entrait à la Stib pour y faire toute sa carrière »

Mais pour mener à bien ce projet, il fallait revoir l'organisation même de cette administration poussiéreuse et politisée. Nous avions, par exemple, un directeur de l'exploitation qui avait 3.000 personnes sous ses ordres. C'est beaucoup trop pour être efficace , s'exclame Alain Flausch. La Stib souffre aussi d'un trou entre les générations, entre les 20 et les 45-50 ans. Elle manque de sang neuf. Autrefois, on entrait à la Stib pour y faire toute sa carrière et les promotions se faisaient selon l'ancienneté.

Le nouvel organigramme de la Stib scinde donc le département « exploitation » en trois grands pôles, selon les modes de déplacement : tram, bus, métro. L'idée étant de rapprocher les gestionnaires du terrain, donc de la clientèle. A la tête de chacun d'eux, un directeur responsable des recettes, du coût, des clients, précise le directeur général. Bien sûr, nous conservons un département « intégration réseau » commun aux trois pôles pour le contrôle et la surveillance, l'information et la planification.

Une grande autre innovation : la création d'une direction des ressources humaines, à côté d'une direction des finances et d'une autre, baptisée « stratégie client ». Mais une fois les nouvelles structures créées, encore fallait-il y mettre les gens. Pour ce faire, Alain Flausch a fait appel aux chasseurs de tête de la firme Korn Ferry. Quelque 80 cadres ont été évalués. Il s'agissait de vérifier s'ils partageaient des valeurs communes. Responsabilisation, engagement, esprit d'équipe, transparence et enthousiasme, complète Alain Flausch. Mon intuition a pu être objectivée. Cet exercice nous a permis aussi de sortir du « mythe de l'ancienneté », de donner sa chance à chacun, de jauger les qualités managériales des uns et des autres. Désormais aussi la rémunération des cadres sera liée au degré de responsabilité dans l'entreprise.

Le nouvel organigramme de la Stib a passé le cap du comité de gestion, du conseil d'administration et du conseil d'entreprise, sans faire de vagues. Etonnant ? Nous avons expliqué notre démarche à chacun, conclut Alain Flausch. Bien sûr, aujourd'hui nous avons touché une petite centaine de cadres mais ce sont nos 2.000 chauffeurs, qui sont en contact avec la clientèle, qu'il va falloir convaincre.·