Colombie: Barrancabermeja sous le joug paramilitaire - Reportage by zumbi Saturday December 29, 2001 at 01:23 PM |
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Reportage dans la ville de Barrancabermeja, centre pétrolier de la Colombie.
Zumbi
500 Barracanbermeja
sous le joug paramilitaire Aux
yeux non avertis, rien ne paraît plus calme que le centre de Barrancabermeja,
cette ville de 300.000 habitants écrasée par les rayons du soleil
et dominée par les immenses cheminées de la raffinerie de pétrole.
Rien ne semble perturber le train-train quotidien de la capitale pétrolière
colombienne et, pourtant, Barranca vit aujourd'hui une des époques
les plus douloureuses de son histoire. Comme le
rappelle un hebdomadaire local en première page, le port pétrolier est
devenu la ville la plus violente de Colombie totalisant 700 assassinats
au cours des derniers 500 jours. Barrancabermeja est aujourd'hui au
centre de la stratégie paramilitaire de l'Etat colombien, elle est l'exemple
précurseur de la pénétration urbaine de la guerre. La ville
a été historiquement un haut lieu de la résistance sociale et jouit
d'une grande tradition d'auto-organisation des mouvements ouvrier, paysan
et populaire. Cette ville s'est construite au rythme de la lutte sociale
(1). C'est là notamment qu'est née la Unión
Sindical Obrera
(USO), syndicat des travailleurs de l'entreprise public ECOPETROL
en cours de démantèlement, politique fondomonétariste oblige. Mais les
temps ont bien changé. Jusque dans les années 50, la majorité de la
population était composée d'hommes travaillant à la raffinerie et de
prostituées venues d'un peu partout. La ville n'a cessé de croître tout
au long du siècle par les " invasions " ; c'est-à-dire par des vagues
de gens cherchant du travail. C'est eux qui ont créé la ville et composé
les quartiers populaires qui portent le nom de leur date d'arrivée (1er
mai, 25 août, etc.). Aujourd'hui, les " envahisseurs " sont les populations
déplacées, les communautés paysannes fuyant les atrocités de la guerre
dans la région du Magdalena Medio. Leur arrivée en ville ne fait qu'accroître
davantage la crise sociale et le problème du chômage qui atteint 50%
dans certains quartiers. Les
paras à l'assaut du Magdalena Medio On peut
dater à 20 ans le développement de la stratégie
paramilitaire d'Etat dans le Magdalena Medio avec la formation,
en 1981, des MAS (Muerte a los secuestradores - Mort aux kidnappeurs)
groupes de " sicarios " (tueurs à gages) financés par le secteur privé
et qui s'attaquaient essentiellement aux leaders d'organisations sociales.
Mais c'est à partir du début des années 90 que ces groupes fascistes
se structurèrent en intégrant, notamment, à Barrancabermeja, un réseau
de renseignement de l'armée (Red Armada 07) auquel participa le département
d'Etat étasunien et l'inévitable CIA, et visant à créer un réseau d'escadrons
de la mort identifiant et assassinant les civils suspectés de collaborer
avec la guérilla. Les paramilitaires
effectuèrent ainsi leur transition d'un groupe qui accomplissait sa
mission et disparaissait ensuite à une force organisée d'occupation
établissant peu à peu sa permanence dans les municipes du Magdalena
Medio à partir de Puerto Boyaca, et développant une stratégie connue
sous le nom de " drainer la mer pour tuer les poissons " et frappa
durement le mouvement paysan, comme l'organisation ANUC-UR dont beaucoup
de dirigeants furent assassinés et ses bases déplacées. Cette campagne
brutale provoqua dans toute la région massacres, disparitions et déplacements
forcés de la population civile. A la fin
des années 90, Barrancabermeja était l'unique centre du Magdalena Medio
sans présence permanente des groupes paramilitaires. Cette ville était
une des rares interruptions de la chaîne infernale de contrôle paramilitaire
s'étendant du Nord du pays, depuis le Panama, vers l'Est, jusqu'au Venezuela.
La première grande incursion des 'paracos' eut lieu le 16 mai 1998 dans
des quartiers populaires sous influence des insurgés de l'ELN. Durant
une nuit de terreur, les Autodefensas Unidas de Colombia (AUC)
assassinèrent quelques 11 personnes et en emportèrent 25 avant de les
tuer également. Cette tragédie fut le symbole du début d'une stratégie
d'actions militaires à grande échelle. Stratégie qui prit toute son
ampleur à partir du mois de décembre 2000. L'armée
arrive, les paramilitaires suivent L'offensive
paramilitaire commença immédiatement après une série de réunions à Cuba
du gouvernement colombien avec les insurgés de l'ELN, des rencontres
envisageant la création d'un " zona de despeje " de l'autre côté du
fleuve Magdalena et d'où la force publique se retirerait pour, un peu
comme dans le cas des FARC-EP, laisser place aux dialogues de paix.
" Barrancabermeja et son mouvement populaire signifiait un appui
très fort pour les processus de paix en discussion, surtout pour celui
avec l'ELN dans le Sud de Bolivar. Barranca ne signifie pas seulement
un appui politique à ce processus, mais aussi une entrée pour cette
zone probable de rencontre. L'objectif paramilitaire était d'empêcher
cela ", affirme Gladys
Rojas de la Table régionale pour la paix du Magdalena Medio et de
la campagne " Colombia clama justicia ". Mais au-delà de cette dimension,
Barranca est aussi un centre pétrolier fournissant plus de 60% du combustible
dont nécessite le pays. C'est une ville stratégique situées près des
routes principales et bordant le fleuve Magdalena (le plus grand du
pays) avec une sortie sur l'Atlantique. La ville est également proche
des immenses richesses des mines d'or, d'argent et d'uranium de la Serrania
de San Lucas. Les paras
s'emparèrent de la ville en deux mois grâce à la complicité et à la
coopération des forces de sécurité colombiennes. L'agression débuta
le 23 décembre à l'occasion de l'opération " Joyeux Noël " (sic) de
l'armée qui, officiellement, avait pour but d'assurer la paix pour les
fêtes de fin d'année et de combattre les trafiquants de drogue et d'essence,
sources de financement des groupes paramilitaires. Le Maire en appela
aussi, pour répondre à la mort de 600 personnes dans la ville au cours
de l'année 2000, aux forces spéciales de la police dont un effectif
d'un millier entra, le 12 janvier, dans la cité portuaire. La présence
policière et militaire recouvrait dès lors chaque centimètre du port
pétrolier et, au même moment, les paramilitaires se répartirent
dans les quartiers populaires pour y rester après la fin de ces opérations. Selon le
commandant militaire de la région, le Général Carraño, diplômé de la
tristement célèbre Ecole des Amériques, le problème se situe
au niveau des ressources financières. Un de ses objectifs est d'augmenter
de manière permanente le déploiement militaire dans la région. Proposition
qui, bien évidemment, fait froid dans le dos aux mouvements sociaux
et populaires de Barranca qui exigent la paix accompagnée d'investissements
sociaux et que soit mis fin à l'impunité totale dont jouissent les militaires
et leurs collaborateurs paramilitaires. Le peuple
colombien fait face à une stratégie coordonnée. La thèse selon laquelle
la collaboration entre forces de sécurité publiques et groupes paramilitaires
ne se limiteraient qu'à quelques éléments isolés, thèse défendue tant
par le gouvernement colombien que par l'ambassadeur belge à Bogotá,
ne résiste pas aux faits et aux témoignages. Sur place, un étasunien
des Equipes
chrétiennes pour la paix, qui travaillent dans les quartiers
populaires de Barranca, me confia que l'on rencontrait régulièrement
les mêmes individus portant un jour un bracelet de l'armée et le lendemain
un des AUC. Toujours dans cette logique, lors d'une interview, un membre
de la Commission des Droits de l'Homme de la USO m'affirma : " Quand
il y avait présence de la guérilla à Barranca, il y avait, entre les
forces de sécurité et les insurgés, de manière permanente, des affrontements
". Et alors que les groupes paramilitaires sont officiellement illégaux,
" aujourd'hui il n'y a pas un seul affrontement. Les affrontements
qui ont eu lieu dans le pays - entre forces publiques et paras -
peuvent se compter sur les doigts d'une seule main ". Face à
cette offensive, la présence urbaine des insurgés s'est évanouie. Les
paramilitaires imposèrent à la population l'alternative de s'en aller,
de coopérer ou de mourir. Beaucoup des sympathisants des guérillas qui
ne s'enfuirent pas ou ne furent pas tués, surtout parmi les jeunes de
17 à 20 ans et donc parmi des combattants potentiels, furent recrutés
par les A.U.C. qui leur offrirent un salaire, une bicyclette, et souvent
un téléphone cellulaire. Ce sont ces gamins, qui n'ont l'air de rien,
qui surveillent les quartiers populaires où tentent de résister tant
bien que mal et sous la menace permanente syndicalistes, paysans déplacés,
organisations de femmes et de droits de l'homme face à une stratégie
criminelle qui nous rappelle trop bien l'Amérique centrale des années
80. (1) Pour
illustrer ces propos, on peut rappeler qu'alors que la ville regorgeait
de richesses, ce sont les gens qui se sont organisés pour paver les
rues. Pour en
savoir plus, visitez cette page web >>>
Información
alternativa sobre Colombia y América latina
Information alternative sur la Colombie & l'Amérique latine
http://www.geocities.com/zumbi500/
Foyer de luttes civiles donc, la ville a par conséquent attiré les groupes
insurgés colombiens. L'ELN
en a fait une de ses forteresses à partir du début des années 70, suivi
dans une moindre mesure par les FARC-EP
et par l'EPL.