Les américains à la recherche de sous-traitants de la torture by un commando « Critique immuable » Sunday December 23, 2001 at 11:16 PM |
Oyez ! Oyez ! Voici un texte écrit par un combattant d'élite mobilisé pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : www.critiqueimmuable.org. Le texte qui suit porte sur les problèmes « éthiques » posés aux Américains par le silence et la détermination des suspects.
Comme on le sait, les autorités américaines ont procédé à des centaines d'arrestations suite aux événements du 11 septembre 2001. On ne sait pas grand chose cependant sur l'efficacité de ces arrestations ou sur le sort des arrêtés, la grande machine à propagande américaine étant peu bavarde à ce sujet. Le Washington Post du dimanche 20 octobre nous rapporte cependant quelques informations utiles (http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A27748-2001Oct20.html). Dans la vague d'arrestations, les autorités auraient capturé trois ou quatre gros poissons. Pour les faire parler, le FBI a utilisé la technique habituelle : on les a incités à devenir délateurs moyennant de très grosses sommes d'argent et un changement d'identité. On comprendra que cette technique, qui peut se révéler efficace avec des motards ou autres mafieux, est dérisoire lorsqu'il s'agit de terroristes fanatiques religieux prêts à perpétrer des attentats kamikazes. Les suspects boudent donc la carotte qu'on leur offre et refusent de se mettre à table. Comment les faire parler, s'ils ne le veulent pas ? Comme, bien sûr, les lois américaines ne permettent pas la torture, on pourrait croire que la réponse n'est pas évidente. Pourtant, une des solutions envisagées est lumineuse par sa simplicité : déporter les prisonniers vers des pays amis des États-Unis qui pratiquent la torture et l'intimidation des proches. Il suffisait d'y penser !
Qui oserait contester que la détermination idéaliste des gros poissons proto-kamikazes impose le respect autant qu'elle nous emporte dans la nostalgie, sentiments tout à fait contraires à ceux que peut susciter l'idée abjecte des Américains de faire appel à des sous-traitants de la torture ? Cela dit, cette distance que prennent les Américains à l'égard de l'horreur entre tout à fait dans la logique de la guerre sans risque que les Américains avaient faite à l'Iraq et qu'ils font maintenant au régime taliban. C'est ce dont j'aimerais traiter ici.
Sans en appeler à quelque virilité originaire qui serait commandée par une présumée essence « vraie » de la guerre, on peut penser cependant, comme l'« entertainer » américain qui en a payé récemment de sa carrière, que les Américains sont, par la technicisation de leurs guerres, en porte-à-faux par rapport au mythe du guerrier : la guerre américaine est désormais une guerre lâche du point de vue même des croyances occidentales sur ce qu'est l'essence de la guerre. Je ne fais pas spécialement allusion ici au fait que l'Amérique enfreint des « règles » prescrites par des conventions internationales de guerre qui prétendent formaliser ce qui est « acceptable » dans une guerre. Je fais plutôt référence aux croyances que l'on peut entretenir sur la nature de la subjectivité guerrière : les conventions internationales visent certainement à éviter les meurtres de masses et, pour ce faire, se prononcent sur l'acceptabilité morale ou non de certaines armes. Mais de ces conventions rien ne transpire quant au fait que l'opérationalisation technique de la guerre avale tendanciellement la subjectivité et avec elle toute responsabilité morale chez ceux qui se décident pour la guerre technologique ; on n'a pas prévu la possibilité d'une déresponsabilisation radicale de ceux qui se décident pour la guerre. Même l'acte de destruction massive globale que craignait tout le monde à l'époque de la guerre froide continuait d'exposer combien le rôle de chef de camp était devenu sublimement ingrat. Si les guerres américaines postsoviétiques donnent à première vue l'impression d'avoir retrouvé une dimension humaine, c'est un leurre.
On n'a pas encore pris conscience du fait que le célèbre plaidoyer de non-culpabilité des nazis qui s'énonçait ainsi : « pas responsables ; nous ne faisions que suivre les ordres », a fini par prendre la forme hyper-technologique : « pas responsables : les calculs de probabilité et d'optimisation concernant les opérations militaires et de sécurité prescrivent ce qui est à faire, comme dans tout le reste de la société gouvernée par les principes de la gestion de risque ». Là où les nazis reportaient la faute sur un supérieur imputable moralement, on nous dit maintenant qu'il faut faire confiance en la machine et que les fautes graves seront imputables à des erreurs de calcul. Car en effet, qui oserait douter de la générosité et de la droiture morale des Américains ?
Il faut refuser cette logique de déresponsabilisation qui n'est effectivement pas une simple ruse ou une expression de lâcheté circonstancielle, mais une expression d'aliénation radicale, de désubjectivation. Les Américains refileront la tâche ingrate de la torture de leur gros poissons non pas par simple lâcheté mais, comme toujours, par esprit pragmatique, une disposition de plus en plus dangereuse chez eux. Ils prendront le risque d'une responsabilité indirecte et feront valoir selon les résultats obtenus qu'ils ont eu raison de tirer profit de datas qui, indépendamment des circonstances de la cueillette, étaient d'importance cruciale en eux-mêmes. Il y aura une lutte sur l'interprétation éthico-juridique (devant un tribunal international par exemple) de ce qu'est un résultat valable, mais en dernière instance, les Américains pourront faire valoir que selon toute probabilité les aveux exhalés des corps exténués, meurtris et défigurés, auront constitué un facteur d'« atténuation du risque » - ce qui est une priorité en situation de crise - une fois que ces aveux auront été injectés dans le système de traitement d'information approprié. Pour la quantification de cette « atténuation », il faudra s'en remettre au rapport informatique.
Il s'agissait de la misson 9 contre l'opération américaine « liberté immuable ».
Ce texte a été écrit par un auteur qui tient à rester anonyme et qui ne doit pas être confondu avec Jean-Robert Sansfaçon . Il oeuvre pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : http://www.critiqueimmuable.org.