arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le pourquoi et le comment de l'opération « Critique immuable »
by un commando « Critique immuable » Tuesday December 18, 2001 at 06:03 PM

Oyez ! Oyez ! Voici un texte écrit par un combattant d'élite mobilisé pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : www.critiqueimmuable.org. Le texte qui suit porte sur le pourquoi et le comment de l'opération « Critique immuable »

Devant la gravité et l'énormité de ce qui nous menace en cette ère que l'on doit nommer « post-11 septembre 2001 », l'exercice de réflexion socio-critique croule sous le poids de tout ce qui doit être rappelé, oublié, confirmé, infirmé, relativisé, mis en rapport, souligné, justifié, mis en contexte, expliqué ou compris. C'est que la réflexion est bousculée par le flot des faits, des jugements, des projets que l'on nous rapporte comme étant les faits qui sont avérés, les jugements et les projets qui sont les nôtres. En d'autres mots, la réflexion socio-critique est confrontée à son absolu contraire, c'est-à-dire à une enflure et une réussite inouïe de la propagande dans nos « sociétés démocratiques » dont on avait l'habitude de dire, il y a encore quelques jours, que leur vrai problème était d'être de véritables tours de Babel. Aucune réflexion critique de fond ne peut dans un tel contexte prétendre produire, dans les délais qu'impose le déferlement de la bêtise et du mensonge propagandiste, une pensée qui puisse embrasser la réalité tellement encombrée d'irréalité. La propagande massive confronte la pensée critique à son impossibilité d'actualiser, comme celle-là, dans un langage affirmatif et instantané, tout ce qu'elle doit rappeler, oublier, confirmer, infirmer, relativiser, mettre en rapport, souligner, justifier, mettre en perspective, expliquer ou comprendre, afin d'être fidèle à son idéal de communication rationnelle.

Il reste cependant la possibilité pour la pensée critique de subvertir radicalement l'affirmativité et l'instantanéité de la propagande. Sans jamais prétendre brandir la vérité, comme la propagande le fait avec pompe pour son propre compte, les saillies ironiques peuvent atteindre le coeur de la bêtise propagandiste, en révéler le puant mélange de mensonge calculateur et d'ignorance complaisante. Sur le site www.critiqueimmuable.org (dont le nom fait écho à celui tout à fait cynique de l'opération militaire et de contrôle social global : « liberté immuable »), on prendra connaissance des frappes de défenseurs de la raisonnabilité mise au service de la liberté d'expression. Car il faut le dire : la prise de parole marquée du sceau de la rationalité est déjà prise à parti par certains qui refusent explicitement de réfléchir sur notre situation. N'a-t-on pas déjà entendu quelques personnalités démagogiques américaines autant que certains personnages infatués et pensant laborieusement - que l'on nomme, dans notre petit village québécois, « intellectuels » - affirmer avec emphatisme que l'heure n'est plus à la réflexion mais à l'« action » ?

Dans un tel contexte, on doit craindre par dessus tout que si les « actions » entérinées par tant de gens n'avaient pas les résultats escomptés, les penseurs socio-critiques ne seraient plus simplement des empêcheurs de tourner en rond ou même des irresponsables, mais carrément des coupables. Les défenseurs de la raison contre la propagande ne peuvent pas faire autrement que de voir venir tout cela. Et c'est pourquoi il faut qu'ils prennent à chaque fois la parole en explicitant que faire usage de la raison dans l'espace public est la raison ultime de l'existence de ce que l'on appelle le droit à la libre expression. Et là, il n'est plus question de demander aux médias de faire leur « travail » - sinon cyniquement -  ; il est question de prendre leur place.

Car on sait de toute manière que depuis le 10 octobre 2001, les mythologues de la liberté d'expression, c'est-à-dire les journalistes des grands médias de masse américains ont pris une assurance contre un blâme éventuel si les actions militaires en cours en Afghanistan devaient échouer. Les médias qui se consacrent méticuleusement depuis toujours à structurer l'opinion publique avec des idées affirmatives simplistes cèdent même sur le mythe dérisoire auquel ils carburent. Au nom de la sécurité, les messages des islamistes ne seront plus diffusés sous prétexte qu'ils pourraient réveiller les fous de Dieu dormant à travers le monde. L'ironie, c'est que le premier message d'Ousamma Ben Laden à notre attention était ce dont l'absence jusqu'à maintenant avait été le prétexte pour affirmer l'insondable barbarie de ce qui est arrivé le 11 septembre 2001. Et qu'a-t-on appris de la bouche de Ben Laden ? Ce que tous les intellectuels informés de la misère et l'humiliation du monde pauvre savent déjà et que l'on écoute sans faire attention. Il est certain que d'entendre le « monstre » lui-même présenter des justifications à ce qui s'est passé, justifications similaires aux explications des intellectuels, a donné en quelques instants à réfléchir à quantité de gens confus. Eh bien, c'est précisément cela que les opérateurs de la mission « liberté immuable » ne veulent pas.

Les auteurs que l'on pourra lire sur ce site croient qu'il faut défendre le droit de tous à entendre Ben Laden afin que tous jugent par eux-mêmes et séparent le bon grain de l'ivraie dans les interventions du « monstre ». Ils attaqueront systématiquement la langue de bois là où elle est : non pas particulièrement chez les islamistes médiatiques, mais, ô ironie, parmi les représentants politiques de nos démocraties occidentales.

Phases de l'opération « Critique immuable »

Sous la rubrique « L'intégrisme de la puissance », on pourra prendre connaissance des attaques chirurgicales de la raison contre la propagande et la puissance des Américains ainsi qu'à l'égard de leurs dépendances politiques, médiatiques et policières.

Sous la rubrique « Le génie de la misère », on pourra prendre connaissance de réflexions visant à comprendre ce qui a acquis une réputation non méritée d'incompréhensibilité et qui est pourtant si riche d'expression : la colère. Personne n'ira aussi loin que Michel Vastel qui affirmait crûment que la classe politique occidentale n'a pas compris le message des terroristes et mérite simplement d'en reprendre sur la gueule (entendu à l'émission « Indicatif présent » de la radio de Radio-Canada, le 25 octobre 2001). Mais nous n'allons pourtant pas rougir en reconnaissant le génie là où il est, c'est-à-dire chez ceux qui réussissent à ébranler le monde jusqu'à commotionner les crétins d'idéologues médiatiques qui finissent, dans la confusion, par dire de telles énormités.

Par ailleurs nous nous réjouissons de savoir qu'il n'est pas encore criminel d'oser reconnaître le talent des terroristes. En tout cas, les Charles-Philippe David, Morteda Boukhari et autres experts légitimes que l'on a pu voir reconnaître le « génie » de Ben Laden, le jour de sa première sortie publique après le 11 septembre 2001, ne semblent pas avoir été importunés. Grand bien leur en fasse. Nous comptons sur le même bon jugement de la part de notre très sincère et préventif gouvernement.

Sous la rubrique « La complaisance des sages », certains attaqueront ces intellectuels autorisés qui proposent des analyses manquant d'humilité - et de clairvoyance - devant l'énormité de l'événement. Ils ont l'insupportable capacité à faire de telles occasions une opportunité de sortir du ronron de la « sagesse » hyperspécialisée - dont ils sont les seuls à blâmer - pour affirmer médiatiquement avec emphatisme le « vrai » sens à tirer de l'événement. On pourra lire des textes qui ridiculisent les prétentions à faire de l'attentat et de ses conséquences, une césure de l'expérience humaine qui commande un recommencement pour la pensée, autant que les prétentions je-m'en-foutistes à n'y voir que l'éternel retour du même ; le miroir de la condition contemporaine de la civilisation et quoi encore, tout en refusant d'admettre l'évidence première qu'il s'agit d'abord d'une forme d'expression radicalement tragique de la misère du monde.

Sous la rubrique « Ce ne sont pas les oubliettes », on traitera enfin de ce qui avait déjà commencé à dénoncer de manière convaincante la mauvaise foi de la classe politique devant la misère du monde et qui risque de couler au fond de la mer de la propagande : il sera évidemment question de ce qu'il advient, malgré tout, du mouvement social d'opposition à la globalisation économique.


Ce texte a été écrit par un combattant d'élite mobilisé pour la nouvelle opération de réflexion radicale : « Critique immuable ». N'hésitez pas à vous rendre aux quartiers généraux de la résistance de la raison : http://www.critiqueimmuable.org.