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APPEL AUX CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT
by URFIG Wednesday December 12, 2001 at 06:50 PM

APPEL AUX CHEFS D'ETAT ET DE GOUVERNEMENT REUNIS A LAEKEN A L'OCCASION DE LA PRESIDENCE BELGE DE L'UNION EUROPEENNE

Nous voulons des actes et pas des belles paroles !

Actives dans divers secteurs (Environnement, Paix, Aide aux Réfugiés et
Solidarité Nord-Sud), nos associations partagent un souci commun : celui d'
une Europe fondée sur un développement durable et équitable, tant à l'
intérieur de l'Union qu'à l'extérieur,

Or, nous constatons que jamais comme en ce début de 21e siècle, le fossé
entre le Nord et le Sud n'est apparu aussi large : la richesse du premier
est encore basée sur l'exploitation des peuples du Sud - des femmes en
particulier- et de leurs richesses naturelles. Nous constatons notamment le
démantèlement progressif de politiques qui ont caractérisé le 20E siècle -
indépendances nationales, efforts de redistribution de la richesse produite
par des mécanismes de protection sociale et par la création de services
publics, normes internationales consacrant les droits fondamentaux dans les
domaines politiques, économiques, sociaux et culturels. Même les
réglementations émergentes sur l'environnement risquent d'être minées par
l'affaiblissement du rôle des pouvoirs publics au profit d'une
autorégulation inefficace. Il y a un fossé énorme entre le Nord et le Sud,
entre les riches et les pauvres, entre la position des femmes et des
hommes, . .
C'est une nouvelle fois l'inégalité qui marque le siècle qui commence.

Le projet européen a été dévoyé: l'adhésion des citoyens du vieux continent
à un ensemble européen pacifié, développant un modèle basé sur ce que les
Européens ont produit de meilleur dans l'histoire de l'humanité, ne peut
être détournée au profit d'un modèle de plus en plus basé sur des valeurs
individualistes et égoïstes. Tout en dissimulant ses intentions derrière un
discours humaniste et généreux, l'Europe se construit trop comme une
puissance soucieuse d'abord de satisfaire les intérêts de ses entreprises
privées qui dictent leur loi aux gouvernements comme aux institutions
européennes. Les 15 gouvernements membres de l'Union sont coupables de cette
dérive. Le temps est venu de redéfinir un projet européen qui concrétise la
primauté de l'intérêt général sur les intérêts privés..

Réorienter une évolution inacceptable signifie tout d'abord penser autrement
les relations Nord-Sud. Ce qui signifie avant tout une politique cohérente
qui place la lutte contre l'injustice et la pauvreté comme point de
référence. Chaque individu, homme ou femme, a droit au développement. Il
faut en priorité susciter les mécanismes qui assurent une redistribution des
immenses richesses produites dans le monde entre le Nord et le Sud, les
riches et les pauvres, les hommes et les femmes. Nous luttons pour : l'
annulation de dettes, d'ailleurs déjà largement remboursées, l'instauration
d'une fiscalité internationale intégrant une taxation de type « Tobin », la
construction d'un commerce équitable, l'augmentation quantitative et
qualitative de l'aide au développement. Mais ces mesures indispensables
doivent s'accompagner d'une réelle promotion des droits économiques, sociaux
et culturels des hommes et des femmes de façon à assurer leur primauté sur
les intérêts privés, commerciaux et financiers. Et l'Europe se doit de
promouvoir une nouvelle architecture d'institutions internationales
transparentes et démocratiques qui concrétisent et garantissent cette
primauté.

Une politique européenne cohérente avec les principes du développement
durable implique une prise en compte accrue de la capacité de charge des
écosystèmes et des conditions sociales. Une amélioration du bien-être peut
être atteinte avec quatre à dix fois moins de ponctions sur le milieu
naturel et ceci au niveau mondial. L'Union européenne doit non seulement
diminuer sa pression sur les ressources naturelles à l'intérieur de ses
frontières mais aussi faire baisser sa pression écologique sur le reste du
monde. En outre, elle doit soutenir un transfert de technologies propres
vers le Sud. En conformité avec la stratégie européenne pour un
développement durable adoptée à Göteborg, toutes les propositions politiques
européennes doivent être soumises à des évaluations de leurs effets en
matière de développement durable au niveau des conséquences tant sociales qu
'environnementales. La proposition de la Commission européenne d'
internaliser les coûts sociétaux (dus à la pollution et aux problèmes de
santé) mérite d'être reprise. Ainsi, il est urgent de travailler à l'
introduction d'une taxe sur le CO² et l'énergie. L'Europe doit, enfin,
s'efforcer d'assurer la mise en ouvre des accords multilatéraux sur l'
environnement et défendre leur primauté sur les règles du commerce.

L'Europe doit rester conséquente avec elle-même. Elle se présente comme le
champion des droits humains face au reste du monde. Mais elle détourne son
regard quand il s'agit de l'accueil des réfugiés sur son propre sol. La
politique européenne d'asile qui s'échafaude actuellement menace de devenir
une politique d'exclusion. Une politique d'asile digne de ce nom doit non
seulement confirmer la Convention de Genève de 1951 sur les réfugiés mais
elle doit aussi l'adapter dans la pratique. Des déclarations ronflantes ne
suffisent plus. A côté d'une définition correcte du réfugié, la politique d'
asile européenne doit se porter garante d'une procédure efficace qui
permette d'offrir protection à ceux qui en ont besoin et d'un système d'
accueil qui garantisse une existence digne aux réfugiés. La politique
adoptée doit répondre de manière adéquate aux besoins spécifiques des femmes
réfugiées. L'Europe doit résolument sortir d'une politique restrictive qui
vise avant tout à limiter l'accès à son territoire. La protection des
réfugiés n'est pas une faveur mais un devoir.

Les bombardements sur l'Afghanistan montrent une nouvelle fois que nos
responsables politiques considèrent les problèmes de sécurité
prioritairement sous l'angle militaire. Au sein de l'Union européenne, un
intérêt soutenu et des moyens sont apportés au développement d'une force d'
intervention militaire et à l'unification de l'industrie de l'armement au
détriment de la mise en ouvre d'une politique de prévention. La sécurité n'
est pas une affaire de militaires. Une politique de sécurité doit agir sur
les racines de la violence que sont notamment la pauvreté, les atteintes à l
'environnement, le pillage économique, le poids de l'endettement . C'est
pour ces questions que des moyens doivent être libérés d'urgence. En outre,
la politique de sécurité de l'Union renforcera sa crédibilité par une
condamnation sans appel du viol comme arme de guerre, par l'élimination du
commerce des armes vers les régions en conflit, l'imposition du code de
conduite européen et la proclamation d'une interdiction des bombes à
fragmentation et des armes à l'uranium appauvri.

Entre les citoyens et leurs représentants politiques, un fossé s'élargit. Le
déficit démocratique est patent. La légitimité née des procédures
électorales doit être renforcée et complétée en donnant plus de poids aux
parlements dans la formulation de la politique européenne et par des
mécanismes qui assurent la transparence des décisions et la participation
des hommes et femmes de toutes les couches de la société. Le contrôle par
ces dernier(e)s ne peut être confisqué par des minorités d'acteurs
politiques, bureaucratiques ou économiques, s'appuyant notamment sur des
armées de lobbyistes qui en viennent à se substituer aux citoyens dans la
détermination des grandes orientations de l'Europe.

L'Europe pour cela a besoin de structures et de procédures démocratiques.
Les citoyens ont le droit de prendre connaissance des propositions
politiques, et de leur justification, dès le lancement des processus de
décision. A contrario, il ne peut être question d'interdire l'accès à des
catégories entières de documents, comme c'est le cas dans la politique
européenne extérieure et de défense. Les organisations de citoyens doivent
avoir accès à la Cour de Justice européenne en cas d'infraction aux
directives européennes, ou en cas de mise en ouvre tardive ou incomplète de
celles-ci.

Et enfin nous rejetons une politique anti-terroriste lancée après le 11
septembre qui porterait atteinte aux droits fondamentaux des citoyens.

Avec leurs consours d'Espagne dont le pays va assurer la Présidence de
l'Union à partir du premier janvier, les organisations belges souhaitent
poursuivre les multiples travaux engagés et la défense des propositions
avancées pendant cette Présidence belge
Bruxelles, le 8 décembre 2001.

URFIG - Unité de Recherche, de Formation et d'Information sur la
Globalisation