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Nous, des « anti-mondialistes violents »?
by CNCD-Opération 11.11.11 + Coalition Nord-Sud Wednesday September 19, 2001 at 01:29 PM

A l'approche de plusieurs rendez-vous importants pour les mouvements citoyens, il nous a semblé important de rappeler les positions de coalitions importantes d'ONG et d'associations par rapport à la violence, et à l'appellation « anti-mondialisation ».

Le mouvement citoyen serait donc « anti-mondialiste », une identité négative qu'il ne cesse de réfuter. Pourquoi dès lors continuer à le désigner par ce terme. Au-delà de l'acharnement sémantique, deux explications émergent. D'abord le caractère « anti » implique essentiellement une opposition destructive. Incapable de réflexion ou de propositions, le mouvement citoyen ne s'unirait qu'autour de l'anéantissement d'un modèle de société basé sur l'ultra libéralisme. Pourtant, nous demandons un « autre monde », où la priorité première serait la solidarité. Ce propos peut sembler naïf, voire obsolète dans notre monde occidental de bien-être. Mais à y regarder de plus près, à constater les aides financières pour détruire des productions agricoles alors que 800 millions de personnes meurent de faim, à constater les coupes budgétaires dans l'éducation quand dans certains pays, deux élèves sur cinq ont une chaise, dans une classe de 90 élèves, qui oserait prétendre que l'homme est au cœur des mesures qui imposent ces conditions de (sur)vie ?
Présenter le mouvement citoyen en tant qu'anti-mondialiste place également le débat sur un mode binaire. On est pour le système ou on est contre. Mais il n'y a pas d'autres positions intermédiaires ou décalées. La sémantique « anti-mondialisation » implique que le mouvement est destructeur parce que c'est la seule position qui s'offre à lui, puisque la position constructive, la mondialisation, est déjà prise !
Heureusement, à travers les nombreux forums alternatifs, le Sommet Mondial Social de Porto Alegre, et prochainement le Congrès Citoyen de Liège, le mouvement citoyen nourrit des réflexions et apporte des alternatives économiques, politiques, sociales au système présenté comme irrémédiable.
Un mouvement pluriel
A l'approche du Congrès Citoyen de Liège et des différentes mobilisations qui se préparent autour des Sommets européens sous la Présidence belge, le mouvement citoyen a essentiellement été présenté ces derniers temps, dans la presse mais aussi dans les propos des responsables politiques, comme une mouvance extrémiste, tentant ainsi de le discréditer (les « anti » seraient nostalgiques et utopistes). Les dizaines de milliers manifestants qui seront dans les rues de Liège, de Gand ou plus tard de Bruxelles ne se revendiquent évidemment pas tous d'une seule tendance politique et/ou idéologique. Dans la rue comme dans nos signatures, comme dans nos demandes, nous sommes plusieurs et pluriels, mais unis dans un objectif large, ambitieux et commun. Certes, des divergences propres à toute coalition (de droit ou de fait) existent. Mais nos points et demandes communs sont nombreux : nous réclamons chacun l'annulation de la dette du Tiers monde, le contrôle démocratique des institutions financières internationales, la fin des Plans d'Ajustements Structurels imposés par la Banque mondiale, l'instauration d'une taxe sur les transactions financières de type Tobin. Ces quelques exemples, les plus connus et les plus frappants, prouvent que le mouvement citoyen, s'il est divers, n'est pas un agrégat plus ou moins heureux de mouvances, mais une large mobilisation réfléchie et de mieux en mieux structurée pour s'opposer au système ultra-libéral que d'aucuns veulent imposer à toute la planète. Tout en rappelant la diversité du mouvement, nous refusons de tomber dans le piège de la division et de ne considérer comme « représentatifs » que des mouvements « centristes ». Quel type d'humanistes serions-nous, d'ailleurs, si nous nous octroyions le droit de distribuer les titres de « Représentant Officiel de la Société civile » ? !

D'où vient la violence ?

Le même raisonnement vaut pour les manifestations de violence lors des réunions importantes de l'OMC, ou d'autres institutions critiquées. Si les mouvements que nous représentons (tout de même des centaines d'ONG ou d'associations) ne partagent pas le choix de la stratégie violente des « Black Blocs » ou d'autres groupes, nous nous interrogeons sur les violences exercées d'abord par les autorités policières. Si Gênes a permis de mettre en lumière les « options guerrières » retenues par la police pour contrecarrer des manifestants essentiellement pacifistes, la mobilisation citoyenne à Prague, Goëteborg et à d'autres réunions a tout autant essuyé des pressions physiques et morales de la part des « Robocops » locaux et internationaux. Cette violence provoquée a amené Ricardo Petrella à parler de la perte des ONG de leur « virginité démocratique », c-à-d. de leur croyance dans la possibilité de lutter démocratiquement dans les pays démocratiques.
Et que dire de la violence, peu ou prou dénoncée, des Institutions financières internationales ! Dix-neuf mille enfants meurent chaque jour sur une terre qui n'a jamais autant produit de nourriture et de bien-être. Des générations entières d'habitants de pays sous PAS ne connaîtront ni éducation, ni soin de santé. Les pays africains sont condamnés à consacrer en moyenne 38% de leur budget annuel pour des prêts qui ont profité essentiellement soit au prêteur, soit au dictateur. Cet argent ne devrait-il pas connaître une finalité plus utile, plus essentielle ? Pendant ce temps, le droit de « propriété intellectuelle » amène des entreprises (évidemment soutenues par la politique de libéralisation, privatisation de l'OMC) à considérer prioritaire la vente à prix élevé de leurs médicaments, quitte à ce que la conséquence de cette surenchère soit la vie de millions de personnes. Ou est la violence ?

A quelques jours du Congrès Citoyen de Liège qui amènera de nombreuses personnes à réfléchir sur l'émergence, la forme et les priorités d'un autre monde, d'une autre logique, il nous semblait important de parler d'une seule voix, et de rappeler ce qui unit le mouvement citoyen. Nos opposants aimeraient voir le mouvement s'entredéchirer et dénier la représentativité de l'autre. Il n'en sera rien.

Signataires :
CNCD-Opération 11.11.11 (le CNCD est une coalition de 95 associations de développement)
Coalition Nord-Sud (la Coalition regroupe les associations mobilisées autour de la Présidence Belge de l'Union Européenne)