Le dramaturge politique DCB recrute des figurants de la société civile

Comme chacun sait, de même qu'il existe deux types de manifestants, ceux avec qui on peut s'entendre et ceux avec qui ce sera plus difficile, il existe deux types de société civile : la société civile reconnue par le pouvoir, voire fabriquée par lui, en général subventionnée au titre d'innombrables réseaux, et l'anti-société, les associaux "qui veut détruire la société", composée notamment de sardons hyper critiques, infréquentables, terroristes, homicidables.

La bonne gouvernance consiste à reconstituer le monopole étatisé de la démocratie en déléguant la contestation, qu'on renommera concertation, avec café thé et petits gateaux au besoin, aux organisations responsables qui se désolidariseront au besoin des "irresponsables".

Pour tous ceux qui n'ont jamais cédé au mot d'ordre :"visitez la Tunisie", son "dialogue national" et ses multiples consultations de la société civile, et qui n'ont donc pas forcément dans l'oeil l'épure de cette forme de démocratie avancée, le QVM nous apprend que le dramaturge politique Daniel Cohn Bendit prépare un spectacle didactique sur le thème de la gouvernance. D'après le livret publié par le QVM, il semble que le specatcle s'annonce plus proche de Robert Hossein que de Royal de luxe (rendu célèbre pour sa tartapulte). DCB recrute d'ores et déjà des figurants de la société civile pour jouer le rôle de "têtes citoyennes", dont l'embauche définitive est tributaire du lancement d'un programme européen dédié au théâtre de la "bonne gouvernance". Leur rôle sera de protéger les cuisines de la politique néo-libérale européenne, alors que les manifestants veulent en changer les recettes, avec une plus grande efficacité que les hordes casquées criminelles malencontreusement dénoncées par les caméras de surveillance d'indymedia à Gênes. Au nombre de 2000 face à 200 000 manifestants qu'il s'agira de faire applaudir, grâce à un livret écrit par un professionnel (ainsi cette ballade de la bonne gouvernance qui sera chantée par les choeurs de la société civile -malheureusement nous n'avons pu nous procurer que le brouillon en prose, Maxime Leforestier travaillant encore sur la version définitive : "L'Union européenne doit
désormais dire aux manifestants : voilà ce que nous proposons pour réduire
l'inégalité dans le monde. Elle pourrait, à mon sens, prendre, dans
l'immédiat, trois initiatives : annuler totalement la dette des cinquante
pays les plus pauvres, augmenter significativement l'aide au développement
en la communautarisant et en l'assortissant de critères écologiques et
sociaux, instaurer un contrôle strict du commerce des armes afin que cette
aide ne soit pas utilisée en dépenses militaires."

Outre la qualité de la partition (on parle de Bonno et Bob Geldof), ces figurants pourront compter sur le charisme que confère la scène officielle de la gouvernance.

En effet, leur légitimité, selon le communiqué de l'impresario DCB "c'est celle de militants qui disent : Nous comprenons la
réalité de la contestation telle qu'elle est aujourd'hui et qui, en même
temps, reconnaissent la légitimité des membres de l'Union européenne à se
réunir et à prendre des décisions". Et les 200 000 personnes qui ne sont pas d'accord, ne sont effectivement que foule bâtarde et vulgaire, avide de pugilat, ne comprenant rien à la réinterprétation hyper-réflexive de la société du spectacle par l'arrière-garde de l'avant-garde soixante-huitarde (qui pourrait se résumer à :"on pouvait brûler des voitures, mais ça crée des désagréments inutiles au cours de la carrière ministérielle"). Souhaitons en tous cas bonne chance au barde de la gouvernance, DCB, peintre naïf du champ, et gageons que le spectacle qu'il nous prépare, sera de toute beauté, vu d'hélicoptère.

arch/ive/ief (2000 - 2005)