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Interview avec Eric Toussaint du CADTM
by Pierre Vassart/ Le Soir Tuesday July 24, 2001 at 01:23 PM

Le Soir a donné aujourd'hui (24.07.01) la parole à des "antimondialistes:

Les autorités italiennes n'ont jamais voulu nous rencontrer

Pour quelles raisons votre comité a-t-il jugé nécessaire d'être présent au Sommet de Gênes ?

On devrait le savoir depuis le Forum social mondial de Porto Allegre dont le thème était « un autre monde est possible » : nous ne sommes pas opposés à la mondialisation. Notre propos est de dire que l'internationalisation en cours ne correspond pas aux besoins fondamentaux de l'humanité et qu'il en faut d'un autre type.

Comment l'ensemble des organisations qui étaient présentes à Gênes communiquent-elles entre elles ? Comment ont-elles préparé le Sommet ?

Nous avons eu, par exemple, une réunion internationale à Gênes les 4 et 5 mai derniers, et les organisations qui s'y sont retrouvées y ont minutieusement préparé le « Forum social » qui se tenait parallèlement au sommet. Notre inquiétude, dès le départ, était toutefois la difficulté que nous avions à établir un dialogue avec les autorités nationales italiennes. Les autorités italiennes n'ont jamais voulu nous rencontrer, ni accepté de préparer avec nous les conditions nécessaires au bon déroulement des manifestations.

Vous vous doutiez que votre mouvement serait infiltré par des groupes violents. Est-ce que vous pensiez à une façon de les contrôler ?

Votre question est un diagnostic. Or, il n'y avait aucune participation de groupes violents au « Forum social de Gênes ». Les groupes violents, comme les « Black Blocks », sont bien connus. Ils ne prétendent pas faire partie du « Forum social de Gênes », qu'ils jugent trop modéré. Mais puisqu'il est question d'« infiltrations », le « Corriere della Serra » et la « Stampa » de lundi montrent que, selon toute vraisemblance, des policiers italiens s'étaient infiltrés dans les « Black Blocks ». En outre, les faits qui se sont produits dans la nuit de samedi sont d'une nature totalement nouvelle... A minuit, alors que les manifestations étaient terminées, les forces de l'ordre ont investi de manière violente le centre de presse du « Forum social de Gênes » et une école en face où étaient hébergés des journalistes, essentiellement du monde associatif. Ils ont affirmé qu'ils étaient à la recherche d'armes. Les actes qu'ils ont commis, dans un contexte où il n'y avait aucun élément de légitime défense, montrent une démarche délibérée avec pour objectif de faire l'amalgame entre le « Forum social » et les groupes violents.

L'internationalisation en cours ne correspond pas aux besoins fondamentaux de l'humanité
Aviez-vous préparé Gênes en tenant compte des expériences précédentes de Göteborg ou de Seattle ?

Bien sûr. Nous avions prévu un service d'ordre pour essayer d'assurer le bon déroulement des manifestations. Mais l'attitude des groupes violents a donné l'occasion aux forces de l'ordre de renforcer leurs propres charges violentes.

Quelles leçons tirer de Gênes pour la présidence belge de l'Union européenne ?

Il faut que les autorités belges dialoguent avec le monde associatif pour préparer les manifestations.

Quel bilan tirez-vous du Sommet lui-même ?

Nous espérions des décisions claires et nettes en matière d'annulation de la dette des pays les plus pauvres. Le G8 a manifesté un désintérêt par rapport à la mise en pratique de ses propres engagements antérieurs.

Et en ce qui concerne le plan d'aide à l'Afrique ou la mise en place d'un fonds d'aide à la lutte contre le sida ?

Il s'agit d'une somme, étalée sur plusieurs années, de 1,3 milliard de dollars. Un seul bombardier furtif américain coûte 1,5 milliard de dollars. Les dépenses militaires du G7 atteignent 600 milliards de dollars par an. Faites le compte. Ce montant est une aumône. Et un scandale. Je ne comprends pas les commentaires qui parlent d'une « initiative intéressante pour l'Afrique »...·

Propos recueillis par PIERRE VASSART

© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2001