arch/ive/ief (2000 - 2005)

Louis Michel s'exprime sur les ONG et la société civile
by [posted by Zumbi] Saturday July 21, 2001 at 10:39 AM

Extraits d'une interview accordé au Monde, ce samedi 21 juillet 2001, par le ministre libéral belge des affaires étrangères,Louis Michel.

" Comment analysez-vous le phénomène du "déficit démocratique"?

– J'observe que les citoyens européens choisissent spontanément des porte-parole de mouvements qui, institutionnellement, ne représentent qu'eux-mêmes, mais qui ont en commun de porter en bandoulière la solidarité, la générosité et l'humain, parce que le "politique" n'est plus porteur de telles valeurs. L'Europe n'est d'ailleurs pas la seule à souffrir de cette crise du politique, qui touche, individuellement, tous les gouvernements européens. Je crois qu'il faut recréer un espace de débat authentique. Les citoyens ont le sentiment que le consensus, c'est-à-dire l'arrangement en catimini, vient avant le débat contradictoire, et que, dès lors, on les a privés de ce qui est le propre de la démocratie et de la liberté: la possibilité de prendre parti.

(...)

Oui, mais elle a aussi un devoir d'impertinence et d'équité. Un exemple : aujourd'hui, les médias se gardent de critiquer les organisations non gouvernementales. Or c'est un phénomène totalement irresponsable, qui manque complètement de transparence et de représentativité, c'est un "corpus" qui ne représente souvent que lui-même, qui a la prétention d'avoir le monopole de la bonne conscience, qui ne doit de comptes à personne, bref, des gens intouchables.

(...)

Je respecte les ONG, mais je n'entends jamais un journaliste poser de questions à leur sujet : comment contrôle-t-on leurs finances ? A quoi sert l'argent ? Pourquoi, quand vous êtes à Pristina (Kosovo), vous trébuchez littéralement sur les Toyota 4×4, qui coûtent très cher, avec au volant des espèces de boy-scouts attardés qui jouent à l'homme sérieux mais n'aident pas vraiment ? Pourquoi cette loi du silence ? Parce que c'est la "société civile", réputée parfaite, qui a le monopole de la bonne conscience, qui ne profite pas, qui n'est pas malhonnête ? Or il est évident qu'elle fait tout cela. Au nom d'une sorte de terrorisme moral, on a en fait pris le "politique" en otage. On a laissé croire à l'opinion que tout ce que ces gens-là font, c'est bien, alors que ce que font les hommes politiques est mal.

– Vous accordez cependant une forte légitimité à la société civile dans le débat sur l'Europe…

– Consulter, écouter, se concerter, ce n'est pas décider. La décision, c'est de l'ordre du "politique", qui est investi, représentatif et élu. Je ne reconnais pas à la société civile le droit de prendre des décisions. Seulement celui de participer à l'information avant la décision. Celle-ci doit dire ce qu'elle souhaite, exprimer ses rêves, mais pas décider. Sinon vous remettez tout en cause. Ce débat européen doit être comme un système de "percolation": vous avez une grande enceinte où toutes les idées, les avis, les critiques, les propositions sont les bienvenus. Le résultat de ce forum aboutira à une "convention" qui peut élaborer des options. La convention est elle-même constituée du Parlement européen, des Parlements nationaux, de la Commission européenne et du Conseil des ministres.

(...)

Propos recueillis par Laurent Zecchini