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CUBA et la GLOBALISATION
by Jane Franklin Thursday June 28, 2001 at 05:07 PM
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Au début du 20ème siècle, les Etats-Unis étaient en train de codifier leurs relations futures avec Cuba par le biais de l'Amendement Platt. A la fin du 20ème siècle, les Etats-Unis ont tenté de rétablir ces anciennes relations par le biais des lois Torricelli et Helms-Burton. Ces trois documents sont révélateurs d'un changement historique révolutionnaire et de la transition idéologique qui en découle.


Les Etats-Unis sont nés dans une révolution anti-coloniale et anti-féodale qui a inspiré la Révolution française, la Révolution haïtienne, et les révolutions du 19ème siècle à travers l’Amérique latine. En 1898, ayant accompli leurs conquêtes transcontinentales mais toujours auréolés comme les champions de l’anticolonialisme, les Etats-Unis sont intervenus dans une révolution anti-coloniale à Cuba, ouvrant ainsi le chemin à leur transformation en empire global.

L’Amendement Platt fut présenté par Washington comme une protection pour Cuba, contre le colonialisme. En réalité, l’Amendement Platt a servi à faire sortir Cuba de l’état de colonie Espagnole pour le faire entrer dans celui de néo-colonie états-unien. A cette époque, 85 pour cent de la surface de la terre appartenait, ou était contrôlé par les Européens et leurs descendants. Ceci était encore vrai à la fin de la deuxième guerre mondiale.

Mais entre 1945 et 1949, un quart de la population mondiale est passé du colonialisme à l’indépendance. En 1949, suite au triomphe de la Révolution Communiste chinoise, un autre quart de la population accéda à l’indépendance. Confrontés à cette révolution globale, les Etats-Unis sont devenus les leaders de la contre-révolution globale. N’étant plus les champions de l’anti-colonialisme, les Etats-Unis sont devenus les champions de la démocratie. Les théoriciens éminents des Etats-Unis au 19ème siècle étaient très francs quant à leur politique vis-à-vis de Cuba. Thomas Jefferson voyait l’annexion de Cuba comme un pas vers « l’empire de la liberté ». John Quincy Adams comparait Cuba à une pomme qui, tôt ou tard, devait abandonner sa « relation non naturelle avec l’Espagne » et tomber entre les mains des Etats-Unis.

Mais ces objectifs ont été contrariés par l’indépendance Cubaine. Ce qui explique l’intervention de 1898, l’Amendement Platt, puis encore des interventions en 1906, 1912, 1917, 1933 et toute la politique des Etats-Unis depuis. L’Amendement Platt ne faisait que formaliser cette politique de contrôle à l’époque. Comme l’a clairement exprimé Elihu Root, Secrétaire de la Guerre (Ministre de la Défense), en 1901 « [l’Amendement Platt] n’accorde aux Etats-Unis aucun droit qu’ils ne possèdent déjà ». Même après l’abrogation de l’Amendement Platt en 1934, les Etats-Unis ont, bien-sûr, maintenu leur contrôle politique et économique sur l’île.

Avec la victoire de la Révolution Cubaine en 1959, le mouvement de libération mondial faisait irruption à proximité des plages de la Floride. L’Administration du Président Eisenhower déclencha immédiatement sa contre-révolution. Des lois – publiques – et des écrits - clandestins - ont défini les bases de cette attaque, que les lois Torricelli et Helms-Burton ne font que reformuler et élargir. Une note interne du Département d’Etat datée du 24 Juin 1959 émettait l’hypothèse suivante : la suppression (par les Etats-Unis) des quotas sucriers Cubains pourrait provoquer « un chômage massif » et « de nombreuses personnes ainsi privés de travail connaîtraient la faim ». Ces mots étaient secrets – confidentiels. Personne à l’époque ne parlait ouvertement de cette politique destinée à provoquer délibérément la faim. En Novembre 1959, le directeur de la CIA, Allen Dulles, avait calculé que le premier ministre Fidel Castro tiendrait encore 8 mois ; il espérait que l’Union Soviétique offrirait des armes, fournissant ainsi le prétexte d’une intervention des Etats-Unis ; il regrettait qu’il n’y avait pas encore de forces Cubaines aux Etats-Unis prêtes « pour une utilisation future possible ».

Ce mot – « utilisation » - apporte un démenti à une idée largement répandue selon laquelle ce serait les cubano-américains d’extrême droite qui définiraient la politique des Etats-Unis. Ce n’est pas la queue qui remue le chien. En l’espace de quelques mois, l’entraînement d’émigrés cubains en vue d’une « utilisation future » avait commencé et, en août 1960, la CIA fit appel à des figures du crime organisé pour faire assassiner des dirigeants Cubains. Ensuite et pendant des décennies ont assistera aux tentatives de renverser le gouvernement Cubain, par une invasion, des assassinats, des sabotages, de la guerre biologique et chimique, l’interdiction de commercer, l’interdiction de voyager.

Jusqu’en 1991, la principale justification idéologique pour cette guerre d’usure sans relâche était que Cuba était devenu une « marionnette » aux mains des Soviétiques, ou une « base » ou une « colonie »… L’anti-colonialisme affiché de l’Amendement Platt réapparu sous une nouvelle forme où l’Espagne était remplacée par l’Union Soviétique dans le rôle de menace pour l’indépendance de Cuba.

Mais en 1991, l’Union Soviétique se désintégra, et les Etats-Unis sont entrés dans une période historique inconnue et sans précédent en tant que seul et unique superpuissance à vocation hégémonique globale. Ironiquement, les Etats-Unis arrivèrent à ce stade sans Cuba, qu’ils possédaient au début du siècle. Si une menace Soviétique avait été la raison de l’état de siège, il aurait dû s’arrêter du jour au lendemain. Mais au contraire, les Etats-Unis ont poursuivi une vieille politique instaurée bien avant que l’Union Soviétique n’existe. La loi Torricelli de 1992 et la Loi Helms-Burton de 1996 ne prétendent plus sauver Cuba d’une puissance étrangère. Sous couvert de « démocratie », ces lois prétendent sauver Cuba de son propre gouvernement.

Le texte de l’Amendement Platt est court – sept articles, chacun comportant une phrase (plus un huitième article rajouté au moment de la signature du traité de 1903). Sur sept articles, trois mentionnent « l’indépendance » cubaine comme objectif de la loi. Il n’y avait pas besoin de donner beaucoup de détails, parce que cette loi ne faisait que confirmer l’autorité des Etats-Unis. A l’inverse, les lois de l’époque actuelle sont des documents très longs, qui tentent péniblement de légiférer à distance sur la vie quotidienne des Cubains. En 1992, la Loi Torricelli est neuf fois plus long que l’Amendement Platt. En 1996, la Loi Helms-Burton est six fois plus long que la loi Torricelli.

En 1988, avant de recevoir des dons de la Fondation Nationale Cubano-Américaine, le Représentant Robert Torricelli avait visité Cuba et avait déclaré « Le niveau de vie n’est pas très élevé, mais les sans domicile, la faim et la maladie qu’on peut voir dans une grande partie de l’Amérique latine ne me paraissent pas évidents ici ». Mais la loi Torricelli déclare que « un effondrement de l’économie Cubaine, un soulèvement populaire, ou une souffrance généralisée » fournirait aux Etats-Unis « une opportunité sans précédent de promouvoir une transition pacifique vers la démocratie ».

Comment accomplir cette transition pacifique ? Torricelli a clairement dit qu’il voulait « provoquer des ravages dans l’île ». Sa loi « Cuban Democracy Act » [nom officiel de la Loi Torricelli – note de CSP] est un manuel technique sur l’art de soumettre un peuple par la faim.

En 1898, aucun dirigeant politique des Etats-Unis n’aurait publiquement défendu l’idée de priver un peuple de nourriture. Même au bord de la guerre, le Président William McKinly a insisté pour que la nourriture soit distribuée « dans l’intérêt de l’humanité » et pour « sauver des gens affamés sur l’île ». 94 ans plus tard, le Congrès des Etats-Unis adoptera des lois visant à créer les conditions de famine. Tout en interdisant le commerce de nourriture, la loi « Cuban Democracy Act » offre « des donations de nourriture aux ONG ou individus, » . La nourriture devient une arme de chantage et de corruption.

Après la mise en place à Cuba d’un « gouvernement de transition » approuvé par les Etats-Unis, « Nourriture, médicaments et fournitures médicales pour des motifs humanitaires seront disponibles » et « calibrés » selon l’obéissance de Cuba envers les ordres des Etats-Unis. Bien que rempli de mots clés comme « droits de l’homme », « transition vers la démocratie », et « système économique basé sur les lois du marché », cette loi de 1992 ne mentionne pas « indépendance ».

Après avoir reçu le feu vert par le biais de la Loi Torricelli, les terroristes des Etats-Unis augmentèrent leurs attaques. Par exemple, en Octobre 1992, les Commandos L ont tiré des coups de feu sur un hôtel de Varadero et ont publiquement revendiqué l’action. Trois mois plus tard, lors d’une conférence de presse télévisée, le dirigeant des Commandos L annonça une recrudescence des attaques contre des objectifs touristiques à Cuba et proclama « A partir de maintenant, nous sommes en guerre ».

Le mois suivant, le Représentant Torricelli exprima son soutien au terrorisme. « Un groupe de patriotes cubains, à un moment donné dans un futur proche, décidera, et quels que soient les risques encourus, qu’il sera temps pour eux de prendre en main l’avenir de Cuba, ». Il prédit que « la fin de ce gouvernement n’est plus qu’une question de mois, en non d’années ».

Mais au fur et à mesure que les mois devenaient des années, la Fondation Nationale Cubano-Américaine et le Sénateur Jesse Helms conçurent la loi « de Solidarité Démocratique et Liberté Cubaine (Libertad) » [loi dite Helms-Burton]. Ses mots magiques sont « élections démocratiques libres et équitables », « droits de l’homme », « liberté », « transition vers la démocratie », « système économique basé sur les lois du marché » et « propriété privée ». Cette loi mentionne « auto-détermination » mais parle de « liberté » et « démocratie » plutôt que «d’indépendance ».

Sans limites posées à leur actions, les terroristes des US ont continué leur campagne, y compris des tentatives d’assassinat si ostentatoires qu’on a dû procéder à quelques arrestations (mais pas de condamnations à ce jour) en 1997 et 2000. L’absence de poursuites réelles contre les auteurs d’actes de terrorisme contre le peuple Cubain est en total accord avec le terrorisme légal voté par le Congrès. Avant de voter pour la loi Helms-Burton, le Congrès des Etats-Unis a d’abord rejeté un amendement destiné à autoriser la vente de nourriture, médicaments et matériel médical. « En refusant cet amendement, nous disons aux parents Cubains que nous allons bloquer les soins médicaux pour leurs enfants. » a dit le Représentant Démocrate Jim McDermott, auteur de l’amendement. « Ceci, » a-t-il dit, « est indéfendable ».

A peine le Président Bush avait-il signé l’entrée en vigueur de la Loi Torricelli que l’Assemblée Générale des Nations-Unies vota contre les sanctions des Etats-Unis contre Cuba. Mais la loi Helms-Burton ignora l’opposition des Nations-Unies, et demandait au Conseil de Sécurité des Nations-Unies d’adopter un « embargo international obligatoire ». (En 2000, l’Assemblée Générale des Nations vota contre les sanctions par 167 voix contre 3).

Les auteurs initiaux des lois Torricelli et Helms-Burton étaient membres de la Fondation Nationale Cubano-Américaine, qui fut créée par Ronald Reagan en 1981 comme une arme politique contre Cuba. A présent, cette organisation est devenue un instrument majeur dans la Globalisation états-unienne. Ces deux lois incluent des mesures extra-territoriales qui intègrent la vision du gouvernement des Etats-Unis selon laquelle le marché global doit se conformer aux intérêts des Etats-Unis.

Une des nombreuses exigences de la Loi Helms-Burton pour un “gouvernement démocratiquement élu” est que ce gouvernement doit “s’orienter clairement vers un système économique basé sur le droit de propriété et à sa jouissance” . Le titre III offre certainement une manière unique pour accéder et jouir d’une propriété. D’un coup de baguette magique, en remontant le temps, la loi déclare que les biens abandonnés par les émigrés cubains seront désormais considérés comme des biens états-uniens, puisque ces cubains ont acquis entre-temps la nationalité états-unienne. Un bien Cubain deviendrait un bien états-unien. Son but est de défaire le socialisme par la privatisation – à partir de l’étranger. Les écoles, les cliniques, les locaux syndicaux, les maisons privées, les plages publiques, les centres de soins, les centres sucriers, et autres biens pourraient être confisqués. Devant des tribunaux états-uniens, les états-uniens d’origine cubaine pourraient poursuivre les investisseurs étrangers pour avoir « trafiqué » avec les biens qu’ils possédaient lorsqu’ils étaient ressortissants Cubains.

Au mois de Juillet, George Bush décidera s’il continue ou non à suspendre le Titre III de la loi Helms-Burton, suspension renouvelée tous les six mois depuis l’adoption de la loi à cause de l’opposition des alliés des Etats-Unis. L’Amendement Platt se limitait à Cuba, mais la loi Helms-Burton prétend s’imposer à tous les pays du monde. La Loi Helms-Burton prétend défendre « l’autodétermination » et des « élections libres et équitables » et les « droits de l’homme » tout en les trahissant. En 1901, Washington organisa une élection soi-disant libre à Cuba, tout en occupant militairement l’île, et déclara comme démocratique le gouvernement élu, même lorsque les lois racistes en vigueur dans les états du Sud furent importées pour être appliquées durant ces élections-là. La loi Helms-Burton décrète qu’un « gouvernement de transition » devra « reconnaître que l’autodétermination du peuple Cubain est un droit souverain et national des citoyens Cubains et doit s’exercer librement et sans ingérence de la part d’un gouvernement d’un pays tiers ». La loi ensuite s’ingère en indiquant précisément comment Cuba devra organiser ces élections.

Ni Fidel Castro ni Raul Castro n’auront le droit de se présenter à une élection « libre et équitable » qui recevrait l’approbation de Washington. En 1952 lorsque le Général Batista renversa un gouvernement élu, suspendit la Constitution et annula les élections, un jeune homme du nom de Fidel Castro était candidat à l’élection du Congrès (cubain). Le coup d’état des Etats-Unis l’ont empêché de se présenter à l’époque, et la loi des Etats-Unis dit qu’il ne peut pas se présenter aujourd’hui. Une partie de la logique déployée par la loi Helms-Burton est que Fidel Castro perdrait des élections « libres et équitables ». Alors pourquoi lui interdire de se présenter ?

Il y a cent ans, l’Amendement Platt garantissait l’indépendance de Cuba en supprimant l’indépendance Cubaine. Les Lois Torricelli et Helms-Burton légifèrent pour la démocratie à Cuba tout en lui dictant son système politique, social et économique.

(…)

Jane Franklin est l'auteur de
Cuba and the United States : A Chronological History

article original
http://ourworld.compuserve.com/homepages/JBFranklins/platt.htm