Sommets européens: Comment la Belgique va casser les casseurs by Le Soir Monday June 18, 2001 at 11:54 AM |
Interdiction de manifs, fichage, arrestations préventives : les mesures seront radicales. Article de MICHEL DE MUELENAERE MARTINE DUBUISSON PASCAL MARTIN - envoyés spéciaux - GÖTEBORG
En rentrant du sommet de Nice, en décembre, les ministres belges emportaient dans leurs bagages ce qu'ils considéraient comme un précieux cadeau : la confirmation de Bruxelles comme capitale définitive de l'Union européenne, puisque tous les sommets s'y tiendraient à terme.
En rentrant de Göteborg, l'enthousiasme des autorités belges - qui reprendront, pour six mois, la présidence de l'Union le 1er juillet - n'a, officiellement, pas changé. Mais on peut douter que les Belges, bruxellois en particulier, le partagent...
« Durant l'Euro 2000, les forces de l'ordre ont prouvé leur efficacité »
Les télévisions ont montré Göteborg saccagée. Selon la police suédoise - qui reconnaît à demi-mot avoir perdu un moment le contrôle de la situation -, 539 personnes ont été arrêtées et 63 incarcérées. Trois « casseurs » ont été blessés par balle - l'un deux était entre la vie et la mort -, les coups de feu ayant officiellement été tirés par un policier vers des casseurs tabassant, à la barre à mine, un de ses collègues - qui serait dans le coma. Cette tragédie, selon le mot du Premier ministre suédois, soulève la question de la sécurité de ces grands-messes.
A Göteborg, le Premier ministre Guy Verhofstadt s'est voulu rassurant : Ces incidents n'ont plus rien à voir avec l'expression d'opinions politiques; il s'agit de bandes de casseurs pour qui la violence seule compte. Sous la présidence belge, nous apporterons une réponse adéquate et ferme. Nous avons d'ailleurs une certaine expérience : durant l'Euro 2000, les forces de l'ordre ont démontré leur efficacité; et 2.500 manifestations et événements requérant une présence policière sont organisés par an à Bruxelles. Le gouvernement est déterminé à éviter tout débordement de ce genre.
Les Quinze ont d'ailleurs évoqué le problème, samedi matin, une première décision étant la création d'un groupe de travail belgo-franco-suédois, au niveau des ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur et des polices.
Objectif : réfléchir à la manière de gérer efficacement ce nouveau phénomène de hooliganisme organisé, disposant, comme l'a expliqué le Premier ministre suédois, de bonnes ressources financières.
Concrètement, qu'a prévu le gouvernement belge ? Des mesures radicales, selon nos informations. Comme l'interdiction de certaines manifs; le fichage des délinquants; l'arrestation préventive de personnes ayant commis les délits les plus graves à Nice ou Göteborg, dès leur entrée sur le territoire belge. Du reste serait maintenu le traditionnel recours aux autopompes, gaz lacrymogènes et balles en plastique.
Comme l'explique la secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Annemie Neyts, sans confondre casseurs et manifestants pacifiques : Nous aussi, nous avons appris à la dure, par exemple avec le drame du Heysel. Les forces de l'ordre ont mis en place des techniques de contrôle de masse très efficaces. Il y a très peu de bavures et le niveau de violence est très bas.
Pascal Heymans, commissaire à la police de Bruxelles, présent à Göteborg, ajoute : Cela fait plus de six mois qu'on travaille à la préparation du sommet de Bruxelles-Laeken, en décembre (pour lequel une demande de manifestation syndicale est déjà déposée). Mais il y aura des événements à haut risque durant toute la présidence - dès le 4 juillet, avec la cérémonie d'ouverture.
Un groupe de travail existe au ministère de l'Intérieur et un autre à Bruxelles. On va à fond, on envisage tout, poursuit le commissaire. Nous avons une capacité de mobilisation très rapide. Mais nous voulons donner une bonne image de la présidence; Bruxelles ne sera pas en état de siège. Pour les habitants, la vie doit continuer. Pascal Heymans envisage même de permettre d'arriver en vue du lieu de conférence. Il estime en effet qu'à Göteborg, le fait de tenir les manifestants à l'écart les a frustrés et poussés à se rabattre sur d'autres « objectifs » en ville.
Le risque inhérent à l'organisation des sommets ne détourne cependant pas Guy Verhofstadt de son idée d'implanter le nouvel immeuble destiné à les abriter (à construire pour 2004) dans le quartier européen, derrière le Juste Lipse (Conseil). Le deuxième bâtiment du Résidence Palace serait, lui, transformé en hôtel pour les chefs d'Etat et de gouvernement, et relié par passerelles aux lieux de réunions européens. Voilà qui éviterait les déplacements sous haute surveillance en voiture. Et (certains) embarras de circulation...·
© Rossel et Cie SA, Le Soir en ligne, Bruxelles, 2001