Construction de l'empire en Amérique latine: La stratégie militaire des U.S.A. by Zumbi 500 Sunday June 10, 2001 at 02:47 PM |
zumbi500@multimania.com |
Traduction d'un texte de James Petras
Ces
dernières semaines, l'actualité sur le continent américain a été marquée
par les grandes mobilisations à Québec et ailleurs contre la Zone de Libre
Echange des Amériques, sorte de pacte néo-colonial que veulent imposer
particulièrement les Etats-Unis pour permettre à ses entreprises multinationales
de piller un continent et de le transformer en zone franche. Corrélativement
à ce projet d'approfondissement des politiques néolibérales de l'Alaska
à la Terre de Feu, l'Empire étasunien déploie une stratégie militaire
qui a de quoi inquiéter. Construction
de l'empire en Amérique latine : La stratégie militaire des Etats-Unis James
Petras, Rebelion, 5 mars
2001. Introduction La
construction d'un empire, d'un empire capitaliste surtout au début du
21ème siècle, requiert une architecture militaire élaborée pour pouvoir
étendre, protéger et consolider les grands intérêts économiques, essentiels
pour les empires modernes. Tandis
que les "idéologues de la globalisation" écrivent sur les "classes dominantes
mondiales" et sur la fin de l'état nation, l'appareil militaire de l'état
impérial, concrètement celui des Etats-Unis, a crû énormément durant la
dernière décennie et a une importance fondamentale dans la promotion et
la protection des multinationales, des banques et des entreprises d'import-export
basées aux Etats-Unis. L'objectif
de ce travail est de décrire et d'analyser la portée, la profondeur et
la stratégie de l'appareil militaire des Etats-Unis en Amérique latine
- détacher ses multiples liens et contrôles sur les militaires et comment
ces contrôles tendent à augmenter le pouvoir d'Etat impérial nord-américain.
Les vastes opérations des militaires étasuniens et le succès atteint à
forger des institutions militaires dépendantes moyennant un réseau complexe
de programmes et d'activités conjoints réfutent la rhétorique insensée
sur le gouvernement des "multinationales globales". Pour démontrer l'importance
du militaire, ce rapport se centrera sur l'Empire nord-américain en Amérique
latine. La
première partie de ce travail traitera des intérêts économiques stratégiques
des Etats-Unis et de la justification idéologique de l'expansion militaire
nord-américaine en Amérique latine. Dans la seconde partie, le rapport
se centrera sur l'architecture de l'empire militaire, spécialement dans
l'établissement de relations de dépendance ou de mercenariat. La troisième
partie traitera sur les objectifs opérationnels et la propagande dessinée
pour légitimer la militarisation de la politique latino-américaine sous
la tutelle des Etats-Unis. En conclusion, sera discuté le phénomène dual
de l'expansion du contrôle militaire des Etats-Unis et le renforcement
du rôle des militaires dans les décisions sur les priorités de la politique
latino-américaine; l'impact sur le substance et les structures du système
politique et le rôle de l'empire étasunien à dessiner la politique interaméricaine.
Les institutions militaires stratégiques, ainsi que les politiques dirigées
vers l'Amérique latine, ont été détaillées succinctement par le Général
Peter Race, de l'Infanterie de la Marine des Etats-Unis et Commandant
en chef du Commandement Sud des Etats-Unis (USSOUTHCOM). La zone des responsabilité
de l'USSOUTHCOM embrasse toute l'Amérique Centrale et du Sud, les Caraïbes
et les eaux autour, totalisant plus de 15,6 millions de miles carrés et
plus de 404 millions de personnes. Ce rapport se base sur le témoignage
du Général Pace face au Comité des Services des Forces armées du sénat
des Etats-Unis du 27 mars 2001. Bases
économiques de l'empire militaire. Les
architectes de la stratégie militaire nord-américaine en Amérique latine
sont parfaitement conscients de l'importance centrale qu'ont les intérêts
des entreprises étasuniennes à l'heure de formuler des politiques. L'élaboration
de la stratégie militaire et des programmes dessinés pour accroître le
pouvoir militaire des Etats-Unis au sein des armées latino-américaines
est légitimé par les intérêts économiques nord-américains : bénéfices,
marchés et accès aux matières premières stratégiques, en particulier à
des sources énergétiques. Le Général Pace, dans son introduction au Sénat,
énonce clairement les bases économiques dans son discours sur la stratégie
militaire nord-américaine : "Plus de 39% de notre commerce se réalise
au sein de l'hémisphère occidental. (…) 49 centimes de chaque dollar dépensé
en Amérique latine s'utilise en biens et services importés des Etats-Unis.
L'Amérique latine et les Caraïbes fournissent plus de pétrole aux Etats-Unis
que tous les pays du Moyen-Orient" (le Général Pace est fort ingénieux
dans le traitement des données. L' "hémisphère occidental" auquel il se
réfère comprend aussi le Canada, qui, objectivement, ne fait pas partie
de l'Amérique latine et est le principal associé commercial des Etats-Unis
dans l'hémisphère. En second lieu, quand il dit que 49 centimes de chaque
dollar se dépensent dans l'importation de biens et services, c'est douteux,
la majorité des pays d'Amérique du Sud, l'Argentine, le Brésil et le Chili
ont d'importantes relations commerciales avec l'Europe et l'Asie. Peut-être
que ses chiffres incluent le "service de la dette" comme "services nord-américains").
A cause de l'augmentation des mouvements anti-impérialistes et anti-coloniaux
à travers le monde, les pouvoirs impériaux contemporains, même quand ils
s'engagent dans des formes plus flagrantes et évidentes de domination,
enveloppent leurs politiques et les institutions impériales dans une rhétorique
démocratique. Les
"menaces" contre le pouvoir impérial s'expriment en termes moralistes.
L'expansionnisme militaire impérial se justifie en termes de luttes conjointes
contre l'activité criminelle internationale qui affecte autant le centre
impérial que les pays latino-américains impliqués. Dans la pratique, la
menace réelle sont les forces militaires nationalistes et les systèmes
politiques démocratiques et participatifs qui défient la domination des
Etats-Unis. Les problèmes de principes, comme ils sont définis par les
stratèges militaires nord-américains, ont à voir avec le contrôle des
conséquences sociales provenant des politiques néolibérales et de l'exploitation
économique de l'Amérique latine. L'expansion militaire des Etats-Unis
et le renforcement des armées latino-américaines sont la principale menace
à l'épanouissement de la démocratie et de la stabilité régionale. Les
militaires, cependant, voient les conséquences - opposition populaire-
produites par la domination et l'exploitation nord-américaines comme la
"menace" pour l'Amérique latine. Par
conséquent, le Général Pace prétend que "la menace majeure pour la démocratie
(sic), la stabilité et la prospérité régionale (?) de l'Amérique latine
sont l'immigration illégale, le trafic d'armes, le crime, la corruption
et le trafic de drogues " [les commentaires en parenthèses sont ceux de
l'auteur]. L'immigration illégale est directement liées à la militarisation
nord-américaine en Colombie, et à l'appauvrissement du Pérou, de l'Amérique
Centrale et du Mexique, dus à l'application de politiques néolibérales.
Ce que le commandant de l'USSOUTHCOM décrit comme "menaces" sont en réalité
les pratiques des alliés militaires de l'USSOUTHCOM. Les Contras soutenus
par les Etats-Unis en Amérique Centrale ; Montesinos, une recrue de la
CIA au Pérou ; Noriega, l'ex-homme fort de Panama (vieil employé de la
CIA) et beaucoup d'autres militaires ont été activement impliqués dans
le trafic d'armes avec les connaissances et le soutien de l'USSOUTHCOM.
L'augmentation de l'émigration illégale, un vieux problème au Mexique,
est directement lié aux énormes transferts de bénéfices, d'intérêts et
de paiement de royalties depuis le Mexique vers les banques et les multinationales
nord-américaines. Le problème croissant de l'émigration illégale depuis
la Colombie vers les pays voisins est le résultat de la stratégie, de
l'aide militaire et de l'envoi d'assesseurs de la USSOUTHCOM. L'équipement
et l'entraînement des escadrons de la mort colombiens (les dites "unités
paramilitaires") font partie de la stratégie générale pour militariser
la Colombie et absoudre les militaires colombiens des massacres généralisés
de dirigeants civils des mouvements sociaux. La vraie préoccupation de
l'USSOUTHCOM est que les pays voisins de la Colombie (Equateur, Venezuela,
Panama, Brésil), qui souffrent des mêmes effets pervers des politiques
néolibérales, se mobilisent politiquement contre la domination militaire
et les intérêts économiques des Etats-Unis. Comme l'indique le Général
Pace, "De nombreux pays qui partagent des frontières perméables avec la
Colombie continuent à être vulnérables à l'immigration illégale et aux
incursions des groupes insurgés armés". La militarisation de la Colombie
par les Etats-Unis et ses effets de débordement vers les pays voisins
signifie que l'USSOUTHCOM est en train de se mobiliser pour militariser
toute la région, augmentant les envois d'armement et le contrôle des forces
armées dans toute cette zone. La militarisation régionale s'appelle maintenant
"Initiative Andine". Trafic
d'armes Le
plus grand trafiquant d'armes de la région est l'USSOUTHCOM et non les
cartels de la drogue. Les seconds sont les alliés militaires de Washington,
en particulier avec l'équipement des groupes paramilitaires. Les troisièmes
sont les cartels de la drogue qui travaillent avec l'armée et la police.
Les guérillas en Colombie manquent d'armements par rapport à ce que possèdent
les forces armées, ils n'ont pas de système portable d'armes pour la défense
aérienne. Le trafic d'armes que réalisent les insurgés est une activité
minime en comparaison avec celle que réalisent l'USSOUTHCOM et ses alliés
militaires. En plus, les fins et l'utilisation de l'achat d'armes sont
radicalement distincts : les Etats-Unis et l'armée font du trafic d'armes
pour protéger l'ordre socio-économique existant et terroriser la population,
tandis que les insurgés, leurs armes légères et leurs missiles "caseros"
sont utilisés pour renverser cet ordre et défendre la paysannerie. Le
délit et la corruption sont des autres "dangers", selon le Général Pace,
pour la démocratie et la prospérité. La corruption de la politique et
des politiciens est prédominante chez ceux qui ont le pouvoir gouvernemental
et dans le haut commandement de l'armée, chez ceux avec qui collabore
activement l'USSOUTHCOM, chez ceux qu'il forme et qu'il dirige. Chaque
grand scandale de corruption qui a eu lieu en Amérique latine durant la
décennie passée a impliqué des politiciens et des officiers qui appliquaient
la ligne étasunienne de politique économique néolibérale et de "défense
de l'hémisphère" (lisez l'hégémonie des Etats-Unis). Tandis que les guérilleros
séquestrent des millionnaires pour financer leurs activités, les plus
grandes banques nord-américaines, City Bank, la Bank of America et les
principales de Miami et d'autres villes blanchissent entre 250 et 500
milliards de US dollars par an, à en croire les audiences du Sénat nord-américain.
Quant au trafic de drogues, la majorité des bénéfices se blanchissent
dans les banques étasuniennes. Le paysan reçoit une fraction du prix final.
L'éradication de la coca, qui implique la pénétration profonde des Etats-Unis
dans tous les niveaux de la vie de la police, des forces armées et du
système politique latino-américain est un prétexte pour le contrôle par
l'USSOUTHCOM à long terme et à grande échelle de tout l'appareil
d'Etat latino-américain. L'architecture
de la sphère militaire L'USSOUTHCOM
se situe à Miami (avec un sous-siège à Puerto Rico). Il est responsable
de la planification, de la coordination et de la conduite de l'activité
militaire des Etats-Unis dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes.
L'USSOUTHCOM a installé des bases militaires dans les bases aériennes
d'Aruba-Curacao, dans les Antilles hollandaises; à Manta, en Equateur
et à Comalapsa, au Salvador. Ces bases permettent aux Etats-Unis de s'introduire
tant dans l'espace aérien de la plupart des pays latino-américains que
sur terre ou en mer. Les Etats-Unis ont en plus une base militaire opérationnelle
à Soto Cono, au Honduras, qui appuie les hélicoptères dans des missions
interventionnistes étasuniennes en Amérique latine et dans les Caraïbes.
La facilité avec laquelle les militaires nord-américains ont pu construire
ce réseau de bases au service de l'Empire est due principalement à l'appui
et à l'entraînement à long terme des officiers militaires dépendants
réalisés par l'USSOUTHCOM en Amérique latine. C'est ainsi que l'exprime
le Général Pace, "les excellentes relations entre les Etats-Unis et le
Salvador, renforcées par des années de solides contacts entre militaires
des deux armées, aida à mener des négociations favorables sur l'accord
FOL (Forward Operating Locations, base aérienne)." Les années de solide
collaboration entre les armées comprennent la décennie 80 dans laquelle
75.000 Salvadoriens furent assassinés par l'armée. La victoire militaire
sur les guérillas fut suivie par la consolidation du pouvoir des Etats-Unis
sur ses laquais salvadoriens et sur l'utilisation des installations salvadoriennes
comme base avancée pour l'expansion militaire nord-américaine dans toute
la région. Au Salvador, la décennie de collaboration entre militaires
nord-américains et escadrons de la mort valurent la peine: Le Salvador
est aujourd'hui un lieu clé pour l'expansion du contrôle par l'USSOUTHCOM
de la zone. Actuellement, celui-ci s'est engagé dans un projet similaire
avec l'armée colombienne et ses subordonnés, les escadrons de la mort,
les dites forces "paramilitaires". De
la même manière, l'intervention politique nord-américaine en Equateur
pour renverser la junte populaire en janvier 2000 et pour consolider le
régime de Noboa, a facilité grandement le travail de l'USSOUTHCOM pour
s'assurer la base de Manta. L'intervention
militaire étasunienne sert de tremplin pour un contrôle régional plus
général : se déploie une espèce d'effet impérial multiplicateur.
La construction de forces militaires dépendantes requiert une multiplicité
d'activités. C'est ainsi que le décrit le Général Pace, " Notre objectif
se centre dans des opérations combinées, des exercices, des entraînements
et de l'éducation, de l'aide dans des thèmes de sécurité et des programmes
d'assistance humanitaire". Tant
dans la forme que dans l'organisation et les contenus, les officiers latino-américains
sont entraînés directement pour servir les intérêts stratégiques, économiques
et militaires de l'Empire. Avec ces programmes, les Etats-Unis exigent
le renforcement des militaires et l'augmentation de leur capacité de répression
des adversaires - définis par les Etats-Unis. Dans chaque région: les
Caraïbes, l'Amérique Centrale et le reste de l'Amérique latine, l'USSOUTHCOM
a armé, entraîné et endoctriné les armées nationales pour servir les intérêts
des Etats-Unis sous leur leadership. La finalité est d'éviter l'utilisation
de troupes nord-américaines et de cette manière réduire l'opposition politique
aux Etats-Unis. Le modèle consiste à ce que Washington dirige et entraîne
les armées latino-américaines moyennant des "programmes conjoints" extensifs
et intensifs, et sous-traite des compagnies privées de mercenaires fournissant
des militaires spécialisés, tous étant des anciens officiers de l'armée
nord-américaine à la "retraite". La construction de cette toile impériale
se décrit avec le sardonique langage euphémiste commun à toutes les tentatives
militaires sanglantes contemporaines. Par exemple, le Général Pace décrit
la construction d'états-clients dans les Caraïbes comme "une assistance
à la nation associée dans l'entraînement de ses forces de sécurité, avec
un nouvel équipement défensif" : par conséquent, les laquais des Caraïbes
"accueillirent le TRADE WINDS 2000, un exercice multinational qui promeut
la coopération des forces maritimes et terrestres en réponse aux crises
régionales…". La portée de la participation militaire des Etats-Unis dans
les Caraïbes a augmenté énormément dans les dernières deux années. Les
garde-côtes nord-américains dirigent des opérations et des entraînements
et augmentent le flux des armes vers les militaires des Caraïbes. Un grand
nombre d'agences nord-américaines participent sur terre, en mer et dans
les airs à ces opérations dans les Caraïbes. Selon l'USSOUTHCOM, ces agences
incluent la DEA (Drug Enforcement Agency, l'agence anti-drogue), le Département
à la Défense, le service des douanes étasunien, les garde-côtes des Etats-Unis
et diverses autres agences. En
Amérique centrale, l'USSOUTHCOM prétend augmenter la dimension et l'efficacité
des armées afin qu'elles servent les intérêts stratégiques des Etats-Unis. Sous
la rhétorique euphémiste du "maintien de la paix", l'USSOUTHCOM a organisé
des séminaires et des opérations afin de promouvoir la subordination aux
militaires nord-américains et à ses objectifs stratégiques. Dans ce contexte,
"maintenir la paix" se réfère à l'organisation d'armées avec des militaires
de plusieurs pays dépendants sous la direction de l'USSOUTHCOM pour sécuriser
les zones conflictuelles et maintenir ou restaurer des régimes favorables
aux Etats-Unis. Les exercices conjoints sont considérés par l'USSOUTHCOM
comme une excellente opportunité pour "entraîner du personnel multinational
des nations des Caraïbes et d'Amérique Centrale pour des opérations de
maintien de la paix". L'USSOUTHCOM entraîne et endoctrine aussi les troupes
terrestres et aériennes d'Amérique Centrale dans un programme appelé "Cieux
centraux" - apparemment pour des campagnes anti-drogues, ce sont des exercices
avec des fins multiples, dessinés pour consolider le contrôle des Etats-Unis,
pour augmenter la vigilance aérienne contre des potentielles forces insurgées
anti-impérialistes, ainsi que pour des campagnes sélectives anti-drogues. La
troisième région dans laquelle l'empire militaire a étendu sa prise est
le Cône Sud, qui inclut le Chili,, l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay et
le Paraguay. Ces dernières années ont été les témoins de programmes intensifs
d'endoctrinement ("dialogue"), de meilleure collaboration militaire sous
la tutelle de l'USSOUTHCOM ("coopération de défense") et "d'exercices
multilatéraux d'entraînement" sous direction nord-américaine. Avec un
fort appui de Washington, les régimes chilien et brésilien sont en train
de moderniser leurs armées, moyennant l'augmentation des dépenses militaires
et, spécialement, par des achats aux fabricants d'armes étasuniens (le
Chili est en train de négocier avec Lockheed Martin l'achat d'avions F-16).
Etant donnée la chute du niveau de vie et les fortes coupes budgétaires
pour financer la dette externe avec les banques nord-américaines, le reste
des pays latino-américains voient leurs fonds disponibles limités pour
acheter des armes aux Etats-Unis afin de défendre l'Empire. L'USSOUTHCOM
a dirigé des exercices militaires "conjoints" avec les pays du Cône Sud,
appelés "CABANAS - Cabanes", réalisés en 2000 en Argentine, et cela en
violation de la constitution du pays "hôte", sans que l'opinion
publique le sache en général et sans l'approbation législative. Une fois
de plus, ces exercices furent organisés pour combattre des ennemis internes,
et non des envahisseurs étrangers. Ils ont été dessinés pour intégrer
les armées latino-américaines sous le commandement des Etats-Unis dans
la répression des révoltes internes, dans le cas où tomberaient quelques-uns
des régimes néolibéraux empêtrés dans la crise économique. La contrepartie
maritime de ces exercices "CABANAS" sont les exercices "UNITAS" : le plus
grand exercice naval multinational dirigé par les Etats-Unis dans l'hémisphère
occidental. L'USSOUTHCOM a dessiné ces exercices pour organiser la structure
de commandement, pour approfondir son influence au sein du personnel des
armées latino-américaines et pour former les officiers aux procédures
et aux tactiques de l'armée nord-américaine afin d'implanter de manière
plus efficace les priorités politiques de l'USSOUTHCOM. La
quatrième région désignée par l'USSOUTHCOM est le "Système Andin" qui
comprend le Venezuela, la Colombie, l'Equateur, le Pérou et la Bolivie.
Au milieu des révoltes populaires de l'Equateur en janvier 2000, les militaires
nord-américains, conjointement avec l'ambassadeur étasunien, jouèrent
un rôle important en incitant les cadres supérieurs de l'armée à renverser
la junte populaire et à appuyer le nouveau président (Gustavo Noboa).
Le Général Pace le décrit ainsi : "En Equateur, l'USSOUTHCOM a travaillé
en étroite collaboration avec l'ambassadeur nord-américain et le gouvernement
du président Noboa, fournissant de l'aide à l'armée équatorienne, spécialement
dans la gestion de la crise nationale". En appuyant le régime de Noboa,
l'USSOUTHCOM a pu assurer la Base Aérienne de Manta sur la côte nord-est,
une plate-forme clé de lancement pour étendre la surveillance aérienne
nord-américaine sur toute la région andine et, spécifiquement, pour fournir
des renseignements aériens à l'armée colombienne (et aux escadrons de
la mort), entraînée et dirigée par les Etats-Unis, et impliquées dans
des activités de contre-insurrection. Depuis Manta, l'empire militaire
nord-américain a étendu son contrôle aérien sur toute l'Amérique du Sud.
Comme l'indique le Général Pace, "Manta … est la clé pour réajuster notre
zone de responsabilité (AOR - Area of Our Responsibility - Zone de notre
responsabilité), notre architecture (l'appareil militaire) et pour étendre
la portée de notre couverture aérienne de DM & T (Detection, Monitoring
& Tracking) dans les zones sources (zones de production de drogue)." Le
nouvel empire militaire s'est élargi, contrôlant non seulement la terre,
la mer et le ciel, mais aussi les fleuves de Colombie et du Pérou. L'USSOUTHCOM
a entraîné et équipé des militaires ayant comme base les fleuves des deux
pays. A Iquitos, au Pérou, les forces spéciales de la marine nord-américaines,
SEALS, constituent une grande force opérationnelle que le général Pace
décrit comme "la meilleure installation de ce type dans l'AOR". En
Colombie, avec 1.300 millions de US dollars en aide militaire nord-américaine
destinée au Plan Colombie, l'USSOUTHCOM est impliqué à tous les niveaux
des opérations militaires colombiennes. Il a entraîné trois "bataillons
anti-drogues" d'élite pour des opérations de contre-insurrection. Il est
en train de former des équipes pour les hélicoptères dotés de missiles
et de mitrailleuses qui travaillent avec les mercenaires nord-américains
sous-traités par le Pentagone. Les cadres supérieurs et les forces Spéciales
de l'USSOUTHCOM participent activement dans les champs de bataille, en
dirigeant des opérations de combat et en coordonnant la collaboration
militaire avec les escadrons de la mort, comme on a pu le voir au Salvador,
au Guatemala et antérieurement au Vietnam. En Bolivie, les Forces Spéciales
et la DEA agissent dans le Chapare, en entraînant et en construisant de
nouvelles bases militaires. Les
activités de l'USSOUTHCOM sont liées entre elles. Les exercices militaires
multilatéraux sont le prélude à des programmes de formation doctrinaux.
Le Général Pace déclare : "Le programme d'exercices de l'USSOUTHCOM est
le moteur de notre Theater Engagement Plan (programmes d'entraînement)."
Les programmes d'entraînements doctrinaux visent particulièrement les
militaires latino-américains qui démontrent une prédisposition majeure
à servir dans la toile impériale. Les officiers latino-américains qui
suivent les programmes d'endoctrinement sont de précieux participants
à l'empire militaire, puisque beaucoup continuent leur carrière en devenant
des cadres supérieurs. Le
Général Pace identifie clairement le rôle des programmes d'entraînement
des Etats-Unis et les bénéfices qu'ils apportent à l'Empire. "La formation
et l'entraînement militaire international (IMET - International Military
Education & Training) et son complément l'IMET étendu fournissent des
opportunités de formation professionnelle pour des militaires et des candidats
civils sélectionnés avec soin. Ces programmes sont la colonne vertébrale
de notre combinaison de formation et de professionnalisation militaire.
Ils fournissent des fonds aux militaires et au personnel civil de nos
Nations Associées pour assister aux cours de développement professionnel
dans les institutions militaires des Etats-Unis. Pour un modeste coût
seulement, ces programmes sont de bons investissements, puisque beaucoup
d'étudiants continuent leur carrière jusqu'à devenir de hauts cadres dirigeants
dans leurs institutions militaires et gouvernementales respectives." Dans
l'exercice 2000, l'USSOUTHCOM a reçu 9,8 millions de US dollars pour l'IMET
et a entraîné 2.684 étudiants, dont 474 civils. Le processus de construction
d'un empire militaire est pour autant un processus intégré et interdépendant
qui commence par des exercices militaires avec les états clients ("Nations
associées"), où sont sélectionnés et entraînés les militaires prometteurs.
Ces officiers atteignent postérieurement les postes les plus élevés et
se convertissent en de précieux agents pour l'Empire, fournissant les
bases militaires pour que les Forces Armées nord-américaines occupent
l'espace aérien, terrestre, maritime et fluvial du pays. L'expansion de
l'Etat impérial des Etats-Unis, et l'intégration des militaires laquais
dans ses toiles, montrent l'importance de l'Etat dans le monde contemporain.
L'expansion de l'empire militaire soutenue par l'USSOUTHCOM comprend aussi
le renforcement de l'infrastructure de commandement, de contrôle, de communication
et de renseignement pour des opérations fixes et mobiles dans toute l'Amérique
latine. En construisant cette infrastructure, l'Etat dépendant latino-américain
fournit à l'USSOUTHCOM, selon les dires du Général Pace, "des communications
via satellites qui sont d'une importance vitales pour nos forces déployées
en temps de crise." L'USSOUTHCOM a commencé divers programmes pour augmenter
l'efficacité de l'empire dans le contrôle du peuple rebelle latinoaméricain. Selon
le Général Pace, le contrôle et les opérations que réalise l'USSOUTHCOM
avec les appareils de renseignement, de vigilance et de reconnaissance
(ISR) dans les états dépendants sont "prioritaires" pour dominer l'Amérique
latine. Les ISR fournissent aux militaires nord-américains, et aux officiers
latino-américains de tous les niveaux, des indications et des avertissements,
une connaissance situationnelle et l'évaluation des dommages produits
dans les batailles. Ces systèmes sophistiqués de reconnaissance sont nécessaires
pour protéger les militaires nord-américains qui dirigent dans les combats
les forces militaires dépendantes. En termes plus euphémistes, le Général
Pace déclare : "Les systèmes de reconnaissance sophistiqués sont nécessaires
pour améliorer la protection de notre quantité limitée de personnel déployée
dans des zones à haut risque". Le Général Pace admet que les forces militaires
nord-américaines participent à des situations de combat réel, dirigeant
les forces militaires contre la révolte populaire en Amérique latine. La
portée et la profondeur de la participation de l'USSOUTHCOM démontre,
d'un côté, la recolonisation des appareils militaires des états clients
moyennant leur absorption, et d'un autre côté, la présence militaire directe
et le contrôle des routes aériennes, terrestres, maritimes et fluviales. Conclusion L'empire
militaire nord-américain, dirigé par l'USSOUTHCOM, a construit et étendu
de multiples organisations régionales, coordonnées par le Commandement
des Etats-Unis de Miami et de Puerto Rico. L'Empire a le contrôle et l'influence
sur l'espace aérien, les eaux côtières, les routes fluviales et terrestres
- à travers des aéroports, des installations navales et des bases militaires.
L'Empire construit et soutient par la fourniture d'équipements militaires,
d'entraînements et de services les clients latino-américains et des Caraïbes.
L'USSOUTHCOM exécute un grand nombre de programmes (178 dans l'année 2000),
combinant des opérations et des exercices d'entraînement, des cours de
formation, des équipes mobiles d'entraînement, des échanges d'unités et
de financement et des ventes militaires. Il a surtout utilisé consciemment
et systématiquement l'entraînement et les opérations "anti-drogues" pour
capter les officiers latino-américains et les intégrer à l'Empire. Actuellement,
l'empire militaire nord-américain nous rappelle les empires coloniaux
: commandants blancs de l'USSOUTHCOM et officiers métisses qui dirigent
les soldats à la peau sombre des troupes des premières lignes de combat.
Cela inclue les Forces Spéciales et les mercenaires sous-traitants, des
escadrons de la mort et des conscrits, le détection électronique aérienne
et les forces paramilitaires. L'Empire s'étend vers le Sud depuis Miami
à travers les Caraïbes, l'Amérique Centrale, les pays andins jusqu'au
Cône Sud. C'est un empire difficile à manier, ouvert aux défis et aussi
aux "désertions, comme le démontrent les soulèvements militaires nationalistes
du Venezuela et de l'Equateur. Alors que les Etats-Unis investissent des
milliards en armes et envoient des milliers d'assesseurs pour recruter
et endoctriner les militaires latino-américains, les officiers de bas
rang et les simples soldats sont sous la pression des luttes sociales
massives et des niveaux de vie de leur pays chaque jour plus bas. Des
fissures sont apparues, bien que l'Empire ait préparé des forces multinationales.
Le rôle de l'USSOUTHCOM est d'intervenir constamment pour prévenir de
désertions majeures et pour maximiser la participation militaire latino-américaine.
L'appui aérien et opérationnel est dessiné pour minimiser l'utilisation
de forces terrestres nord-américaines au combat. La
question est de savoir si tout cela sera suffisant. Si les crises actuelles
induites par le pillage économique mènent à des soulèvements populaires
à grande échelle, quelle solidité ont les militaires latino-américains
dépendants? Pourront-ils contrecarrer les "forces de la nation" dirigées
contre l'Empire? La leçon de l'Iran en 1979 est claire : une grande armée
moderne, fortement équipée et entraînée par les Etats-Unis et ses assesseurs
militaires, peut être vaincue. Ce qui est absolument clair, c'est que
l'Etat - l'Etat impérial - moyennant son appareil militaire, est essentiel
pour sécuriser les marchés et les investissements des entreprises multinationales
basées aux Etats-Unis. La totale absence de référence à ce rôle croissant
de l'empire militaire nord-américain dans les écrits des "théoriciens
de la globalisation" est un autre exemple de la vacuité et l'irrelevance
de leurs arguments.
Voici
un texte du nord-américain James Petras, professeur de sociologie à l'université
de Bighamton, écrit pour Rebelion.
Traduction par Zumbi500.
Photo:
El
Tiempo-Général Pace