Clearing: quelques explications by AlterEcho Thursday June 07, 2001 at 07:48 PM |
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Quelques explications sur le clearing et le livre 'Révélation$'.
'Révélation$', de Denis Robert et Ernest Backes.
L'un est un journaliste français, spécialisé dans les affaires de fraude financière, l'autre est un ancien cadre de Cedel, une société de clearing luxembourgeoise, qui s'appelle aujourd'hui Clearstream. Une société de clearing, en deux mots, c'est une institution financière qui a pour clients d'autres institutions financières internationales, et qui solde pour ces clients les comptes qu'ils ont entre eux. Chaque transaction financière internationale est donc enregistrée, et la société de clearing se charge de déterminer qui doit combien à qui au terme des millions de transactions financières internationales qui sont effectuées chaque jour. Avant l'ère des ordinateurs et de la communication instantanée, ces compensations internationales prenaient beaucoup de temps et freinaient les circuits monétaires internationaux ; aujourd'hui, tout cela se fait en un clin d'œil. Il n'existe que trois sociétés de clearing : Clearstream à Luxembourg, Euroclear à Bruxelles, et Swift, également à Bruxelles, mais cette dernière est plutôt une société de 'routage financier' pour les transactions de particuliers.
Ce que révèlent Denis Robert et Ernest Backes dans leur livre, c'est que depuis 1990, soit depuis l'accession au pouvoir d'André Lussi, l'actuel patron de Clearstream, la société luxembourgeoise gère des comptes non publiés plutôt suspects. Normalement, chaque compte non publié est relié à un compte officiel, publié, mais actuellement, ce ne serait plus le cas, et même des multinationales non financières en posséderaient, ce qui est interdit. Les comptes non publiés sont légaux à la base, puisqu'ils servent à solutionner certains problèmes techniques ; seulement, depuis 1990, leur nombre a explosé, et ils ont servi de plus en plus à des opérations aussi discrètes qu'illégales, liées au blanchiment d'argent d'organisations mafieuses. Au passage, les auteurs constatent à quel point l'économie légale est infiltrée jusqu'à la moelle par les organisations mafieuses, et ils soupçonnent des institutions légales et réputées respectables de complicité active ou passive.
Dans la foulée, on s'est rendu compte aussi que toutes les transactions financières internationales transitent par un nombre de points très limités, et qu'elles sont donc facilement contrôlables. Cette constatation intéresse au plus haut point l'organisation Attac, qui milite pour une taxation des transactions financières afin de limiter la spéculation et de constituer un fonds mondial de lutte contre la pauvreté. Tous les experts 'sérieux' affirmaient qu'une telle taxe serait impraticable en raison du nombre et de la disparité des transactions financières, et on s'aperçoit qu'il n'en est rien : tout est enregistré, consigné et centralisé, et la taxe serait donc très facile à lever. Ce n'est donc pas étonnant que ce soit Attac qui ait fait venir, la semaine dernière, Denis Robert et Ernest Backes à Bruxelles pour parler de leur livre.
Parlons-en, de ce livre. Au départ, la presse l'a accueilli de façon plutôt froide et sceptique. Quand on en parlait, c'était du bout des lèvres. Le Monde, notamment, a consacré pas mal d'énergie à le discréditer au moment de sa sortie. Côté politique, l'enthousiasme était plus grand. Robert et Backes ont été entendus par une commission de l'Assemblée nationale française et par un groupe de travail du Parlement européen. C'est finalement le monde judiciaire qui a sonné le branle-bas de combat : le parquet luxembourgeois a officiellement ouvert une enquête sur les activités de Clearstream, et André Lussi, le patron mis en cause, et deux de ses proches collaborateurs, ont été écartés de leurs fonctions par le conseil d'administration le 15 mai dernier.
Tout doucement, l'opinion commence à se rendre compte de l'ampleur que pourrait prendre cette affaire. A titre indicatif, Clearstream traite chaque jour un montant de 8.000 milliards de francs belges. On comprend dès lors que si affaire il y a, le scandale de la KBLux fera figure de petite incartade de gamin à côté de l'affaire Clearstream.
Jeudi dernier, les deux auteurs de 'Révélation$' étaient donc à Bruxelles. Excepté la bonne couverture faite par le JT de la RTBF, la grande presse en a parlé de façon plutôt elliptique, lorsqu'elle en parlait. Devant cette carence de l'information officielle, je suis allé interviewer les deux auteurs, mais manque de bol, Denis Robert avait dû quitter Bruxelles au pas de course pour aller faire face à une plainte contre son livre à Paris. Il ne restait donc qu'Ernest Backes, le banquier luxembourgeois, qui a heureusement la langue bien pendue. J'ai commencé par une question sur le clearing.