Uranium Appauvri: Costas Alissandrakis (Grèce) interview by Julien Versteegh (posted) Friday March 02, 2001 at 04:35 PM |
En Grèce, les protestations contre l'intervention de l'Otan en Yougoslavie ne connaissent pas de répit. Surtout depuis le scandale de l'uranium appauvri. "Solidaire" a rencontré Costas Alissandrakis, euro-député, professeur d'astrophysique à l'université de Ioléna et membre du Comité Central du Parti Communiste Grec (KKE).
Costas Alissandrakis (Parti Communiste Grec) à propos des protestations contre l’uranium appauvri Le mouvement pacifiste a de nouveau le vent en poupe En Grèce, les protestations contre l’intervention de l’Otan en Yougoslavie ne connaissent pas de répit. Surtout depuis le scandale de l’uranium appauvri. Solidaire a rencontré Costas Alissandrakis, euro-député, professeur d’astrophysique à l’université de Ioléna et membre du Comité Central du Parti Communiste Grec (KKE). Julien Versteegh Costas Alissandrakis. Le peuple Grec est très sensible à la question de la paix dans les Balkans. Les mobilisations contre l’utilisation de l’uranium appauvri sont la continuation des actions contre l’intervention de l’Otan en Yougoslavie. Le problème, ce n’est pas seulement l’uranium appauvri. L’utilisation militaire de l’uranium appauvri pendant l’agression contre l’Irak et la Yougoslavie est un aspect supplémentaire. Car même si l’Union européenne et l’Otan utilisent des armes «propres», le problème reste le même. L’uranium appauvri ne vient qu’aggraver le crime que représente l’agression contre des nations souveraines. Comment expliquez-vous que l’Otan ait utilisé des armes à l’uranium appauvri? Costas Alissandrakis. Depuis les années 40, les Etats-Unis connaissaient très bien les conséquences de l’utilisation de l’uranium. C’est un matériau dense, qui permet de percer les blindages. Mais c’est surtout un déchet des centrales nucléaires. C’est une matière première pour l’armement nettement moins chère et donc beaucoup plus lucrative que d’autres métaux lourds, comme le tungstène par exemple Le KKE est-il actif dans le mouvement de contestation? Costas Alissandrakis. Bien sûr. Nous avons toujours soutenu le peuple yougoslave. Nous sommes membres de la coordination Mouvement de la Paix. Les syndicats et différentes personnalités en font également partie. La jeunesse communiste y est très active. Presque chaque jour, la coordination organise des actions et manifestations dans les grandes villes. Notre parti a également participé à différentes missions de solidarité en Yougoslavie. Nous avons récolté des médicaments, de la nourriture…D’autres actions ont été menées. Par exemple, nos camarades à Salonique ont changé les panneaux routiers pour détourner les convois militaires. Nous avons arrêté des trains, nous avons écrit des slogans anti-Otan sur les chars. Nous n’étions pas en position d’arrêter complètement les trains, mais nous avons quand même réussi à les retarder. Des soldats ont participé à ces actions et certains d’entre eux, stationnés en Yougoslavie, ont exigé leur retour en Grèce. Le Ministre de la Défense leur a donné son accord. Mais, malgré tout, nous demandons le retrait de tous les soldats grecs en mission à l’étranger: il ne faut pas que les soldats qui partent puissent être remplacés par d’autres. Cela paraît incroyable dans un pays membre de l’Otan. Quelle était l’ampleur de ces manifestations? Costas Alissandrakis. Les manifestations rassemblaient plusieurs milliers de personnes. En 1999, un sondage d’opinion a révélé que 96 à 99 pour-cent de la population était opposée à la guerre. Le gouvernement grec avait donné son accord à l’agression contre la Yougoslavie. Mais, suite aux protestations populaires, il n’a pas osé y participer directement. Il n’y a pas eu un seul avion grec engagé contre la Yougoslavie. En tant que député au parlement européen, comment percevez-vous la réaction de l’Union Européenne sur la question de l’uranium appauvri? Costas Alissandrakis. Le parlement européen a voté une résolution qui demande aux pays membres et à l’Otan de ne pas utiliser d’armes à l’uranium appauvri tant que des études scientifiques n’ont pas prouvé les effets de cette substance. En bref, cette résolution dit «Vous pouvez continuer à tuer tant que vous n’utilisez pas d’armes à l’uranium appauvri». Pour notre parti, cette résolution est totalement insuffisante. Nous avons donc voté contre. Nous avons deux revendications principales: l’interdiction totale des armes à l’uranium appauvri et le retrait total des troupes de l’Otan des Balkans. Nous avons également posé trois revendications spécifiques à l’égard du gouvernement grec. La Grèce ne doit pas participer à des opérations agressives contre d’autres pays. La présence de troupes grecques en Yougoslavie et en Bosnie est un acte d’agression contre ces pays. Ces troupes doivent être retirées immédiatement, sans condition. Nous demandons également la destruction de l’arsenal nucléaire en Grèce. Et des examens médicaux pour tous les soldats et étudiants grecs présents en Yougoslavie. Nous avons également proposé la création d’une Commission parlementaire pour étudier les conséquences et responsabilités des bombardements contre la Yougoslavie. Comment le KKE envisage-t-il l’évolution de la résistance? Costas Alissandrakis. Je pense qu’il faut élargir le mouvement contre l’utilisation des armes à l’uranium appauvri: il faut lier la lutte aux différents mouvements pour la paix, mais aussi aux mouvements sociaux. C’est la nature agressive même du système capitaliste qui amène à l’utilisation de l’uranium appauvri. La lutte contre l’utilisation de telles armes est donc indissociable de la lutte contre le système économique qui génère de tels crimes. Existe-t-il un lien entre les mouvements contre l’Otan et les mouvements anti-mondialisation? Costas Alissandrakis. Le mouvement contre la mondialisation n’est pas encore organisé. Cela n’empêche pas que nous y participions. Des syndicalistes grecs étaient à Prague pour protester contre le sommet du Fonds Monétaire International. A Nice, nous avons participé aux actions contre le sommet de l’Union européenne. Nous collaborerons avec les différentes organisations qui ont des idées proches des nôtres. Car ce que l’on appelle mondialisation est le nouveau terme pour désigner la domination du capital au niveau mondial. Ce n’est certainement pas la mondialisation des hommes. Pour combattre la mondialisation du capital, il faut mettre en place la mondialisation des ouvriers.