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Davos - Pas de dialogue avec les gueux.
by Le Grain de Sable Tuesday January 30, 2001 at 11:33 PM
journal@attac.org

Il y a des passages véritablement fantastiques dans cette conférence vidéo par satellite entre le Forum Social Mondial et des personnes à Davos. Mais nous n'en dévoilerons rien pour ne pas gâcher les retransmissions que vous pourrez bientôt voir. En tous les cas voici un compte rendu qui vous mettra en bouche.

COURRIEL D'INFORMATION ATTAC (n°206)
Mardi 30/01/01

Un duplex par satellite a créé les conditions physiques d'un échange
verbal entre les délégués du Forum Social Mondial et quelques
personnes présentes à Davos. Quatre personnes du côté suisse, qui à
elles seules ont plus de pouvoir que l'ensemble des participants du
Forum Social Mondial, plus encore sans doute, et une dizaine de
représentantes et représentants à Porto Alegre se sont faits face
durant une heure trente.

Faisons dialoguer chaque partie du "divide" maintenant que le
triomphalisme de l'année passée au WEF, chute du NASDAQ, fin de la
"nouvelle économie", n'est plus de mise dans le Forum et que même là
il faut bien que la réalité entre et chasse le trop d'idéologie
aveugle. C'est avec l'idée que les médias peuvent servir aussi à
mettre en relation qu'Article Z a organisé un duplex entre Porto
Alegre et Davos.

Du côté du Forum Social Mondial la réponse a été claire: dialoguons!
Il a donc permis à ce que l'émission puisse avoir lieu et l'a aidée à
se réaliser en lui donnant quelques moyens de le faire depuis Porto
Alegre. Pour le WEF: non.

Pourtant le jour même, dimanche 28 janvier, recontacté par l'équipe de
production il a dû se réunir de nouveau afin de réévaluer sa position,
probablement car la mauvaise presse de la veille et l'attention même
du Financial Times entre autre au Forum Social Mondial, pouvaient
donner matière à discussion. Toujours non. L'argument avancé est que
le WEF ne veut pas discuter, s'il s'agit de le critiquer, en dehors du
WEF. On s'étonnera sans doute de l'argument et de l'attitude des
autorités téléguidée par le WEF, la veille. Il y avait là à portée de
main et de voix assez d'opposants pour que le WEF daigne discuter et
favoriser l'expression de la contradiction et de la critique. Sans
doute comme on ne peut pas donner du canon et de l'armée à Porto
Alegre, mieux vaut éviter ces "petites gens là" surtout quand elles ne
se limitent pas à la contradiction mais qu'elles construisent et se
mettent d'accord sur des propositions d'alternatives.

Grâce à une église protestante le duplex a tout de même pu être
organisé dans un endroit un peu à l'écart du centre de la ville de
Davos. L'équipe de production qui travaillait depuis des semaines à
prendre des contacts a réussi à obtenir de quelques participants du
WEF leur accord à titre personnel. Les refus en série sont aussi
démonstratifs.

Le FMI et la Banque mondiale tout d'abord, l'OMC ensuite. Pascal Lamy
a décliné l'offre sous le prétexte d'un conflit de date. Du côté des
multinationales Bill Gates, Jean Marie Messier, bien d'autres ont
refusé de participer. Jeffrey Sachs qui avait accepté de prendre part
à cette émission d'une durée de une heure trente, est arrivé au début
du duplex à 19H30 et est reparti à 19H45 car il avait rendez-vous à
20H00. La liaison satellite ayant eu du retard... personne en dehors
des quelques personnes (beaucoup de journalistes) présents à Davos
n'ont pu entendre son dialogue avec les délégués du FSM qui n'aurait
duré que quelques minutes: juste assez selon lui sans doute pour
comprendre et écouter, discuter et échanger...

Sans dévoiler le contenu de l'émission dont vous pourrez voir les
retransmissions, sur Arte Vendredi soir en particulier, sur le site
internet http://www.madmundo.tv cette semaine, et ailleurs, je résumerai
l'attitude des uns et des autres présents à Davos. Pour George Soros
qui se définit comme spéculateur, ce qu'il est, les conséquences
négatives sont bien réelles mais il n'a pas l'air de se sentir
concerné, le véritable responsable c'est en fait la spéculation, pas
le spéculateur. Pour Njörd Edlund (porte-parole de ABB multinationale
présente dans 100 pays et employant plus de 150 000 personnes) il faut
créer les conditions économiques, sociales et environnementales
favorables à tous mais il ne sait pas comment... il en sent le besoin
et l'envie sans donner d'autres éléments que son humanité sans doute
réelle et son souci de développement sans doute sincère. Pour John
Ruggie (secrétariat général de l'ONU) il faut établir un dialogue
critique avec les multinationales qui prendrait avant tout la forme de
la diplomatie feutrée et de la politesse anglo-saxonne (il juge contre
productif la colère de cette femme argentine qui accuse nommément les
« gens de Davos » et le système de la dette des enfants qui meurent
par dizaine de milliers dans le monde chaque jour). Pour Marc
Molloch-Brown n'existe pas de salut en dehors de l'économie libérale
et de son avatar la mondialisation, parce comme elle est ouverte elle
crée de la croissance et que la croissance résorbe la pauvreté. L'UNDP
publie des chiffres nous dit-il, ils montrent le besoin de croissance
selon lui ; pas un mot comme redistribution dans sa bouche.

Ils étaient tous venus sans note, sans papier, sans donnée, sans
proposition, ils étaient tous venus pour écouter les doléances de ce
peuple dont on leur a dit sans doute qu'il existait, par curiosité
« ce qu'ils sont violents » aura été leur conclusion une fois le lien
satellite terminé. Pas un ne se posera une question où ne proposera d'
aller plus loin.), sans cravate pour M Ruggie car il faut savoir
rester simple (mais avec de superbes boutons de manchette invisibles à
la caméra), sans autre langue de dialogue que l'anglais, sans idée
mais avec une infinie bonté et une once de paternalisme.

On demande à M Soros quel est le volume des échanges sur les marchés
financiers et quel est le nombre d'enfants qui meurent chaque jour. Il
ne sait pas... "sûrement plusieurs milliards pour ce qui concerne les
marchés, et plusieurs millions pour les enfants". M Stedile (MST) à
Porto Alegre propose de redonner la terre à ceux qui la travaillent,
de permettre l'accès de la production locale aux marchés locaux
bloqués par les transnationales. M Ruggie donne un exemple qui doit
édifier le brave paysan en lui disant qu'il se trouve à Davos, petit
village d'un pays, la Suisse, qui il y a encore cent ans était avant
tout rural. Son économie aujourd'hui est florissante. En ne résistant
pas aux forces du marché veut-il sans doute expliquer, il a su faire
la transition avec succès. La Suisse a su tirer partie de la
mondialisation, pourquoi pas les paysans du Brésil sous-entend-il. Il
est vrai que le Brésil n'est pas encore un paradis fiscal qui protège
tous les trafics et permet tous les crimes financiers, oublie M
Ruggie. Bernard Cassen demande alors aux quatre présents de faire une
pétition de demandant la mise en place de la Taxe Tobin, l'
interdiction des paradis fiscaux, l'annulation totale et sans
condition de la dette des pays du Tiers-monde et de la faire signer à
l'intérieur du WEF. Peine perdue, répond Georges Soros, personne elle
ne récoltera aucune signature.

L'anecdote que vous ne verrez pas puisqu'elle se déroulait dans la
salle a été le regard de désarroi, bref, et de panique de MM Ruggie et
Molloch-Brown lorsqu'on a proposé concrètement que l'ONU s'engage
officiellement a demandé l'annulation totale de la dette du Tiers
Monde sans condition ainsi que la révocation du Global Compact.
L'assistant se lève, plonge entre les deux et échange quelques
phrases. On a l'air satisfait. L'UNDP répond que l'ONU n'est pas
engagée là-dedans mais que ce sont les pays, que ceux-ci proposent un
allègement à certains s'ils se conforment à quelques règles: pour lui
le bon fonctionnement de l'éducation et de la santé.

Comme l'avait déclaré Walden Bello au début nous vivons dans deux
réalités différentes qui n'ont rien d'autre en commun que ce lien
satellite aujourd'hui. Il précise que pour résoudre les problèmes de
la planète il suffirait sans doute de mettre dans une fusée toutes les
personnes présentes à Davos et de les envoyer dans l'espace.

Laurent Jésover, public attentif à Davos lors du duplex. Rédacteur
journal@attac.org
Des photos sont en ligne sur le site Internet

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