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Deux millions de Congolais rendent hommage à Kabila
by Ludo Martens Monday January 22, 2001 at 04:45 PM
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Deux millions de Kinois sont descendus dans les rues pour crier leur colère et indignation devant tous ces mensonges et devant tous les crimes commis par les Américano-rwando-ougandais contre le Congo. Partout une foule immense, des hommes adultes qui laissaient couler leurs larmes, des femmes qui poussaient des cris de douleur.

Deux millions de Congolais rendent hommage à Kabila

Ludo Martens

La mort du président Kabila est l’aboutissement d’un complot préparé de longue date. C’est la conviction de la plupart des Kinois interrogés. Ce n’est certainement pas un hasard, me disait un ami, que cet assassinat est intervenu à un moment où les Congolais entrevoyaient la victoire contre les agresseurs qui ravagent et détruisent le pays. En effet, les Américains qui avaient donné le feu vert à leurs Rwandais et Ougandais pour une courte guerre d’un mois, se trouvent après deux ans et demi d’occupation, de barbarie et de pillages, dans l’impasse. Le peuple congolais renforçait sa détermination de chasser les agresseurs et de ne plus jamais permettre à l’impérialisme de faire la loi au Congo. Le Conseil de Sécurité de l’ONU avait affirmé à plusieurs reprises depuis le 9 avril 2000 que le Congo était la victime d’une agression caractérisée de la part du Rwanda et de l’Ouganda. Selon des chiffres officielle, il y a déjà plus de 3.000.000 morts à l’Est du Congo suite à l’agression et ses conséquences. Les Américains ne pourront pas continuer longtemps un tel génocide. En plus, Kabila avait engagé un dialogue avec tous les Congolais de l’opposition qui avaient un minimum de sens patriotique. La stratégie américaine pour réaliser un coup d’état parlementaire contre Kabila à l’occasion du dialogue inter-congolais était en train d’échouer. Alors les Américains ont joué leur dernière carte en activant leurs agents dans l’entourgage immédiate de Kabila. Le 16 janvier à 13h45 un garde de corp de Kabila a tiré trois balles fatales...

J’étais arrivé à Kinshasa tard dans la nuit qui a précédée l’assassinat. Le lendemain, dans la soirée du mardi 16 janvier, la direction du PTB, craignant le pire, a demandé que je rentre immédiatement en Belgique. C’est exactement le même sentiment qui règnait dans les cités : l’armée va s’entredéchirer, il y aura des tueries.
Cette même population estime que les déclarations de Tshisekedi à partir de Bruxelles sont véritablement des provocations criminelles. Le corps de Kabila n’était pas encore froid, que Tshisekedi demandait depuis Bruxelles à ses troupes de reprendre les activités politiques et de faire des marches parce que « la liberté ne se donne pas, elle s’arrache ». Le mercredi 17 janvier, des étudiants influencés par la démagogie de l’UDPS et du MPR, ont faillit provoquer des troubles qui aurait pu mettre le feu à la poudre. La complicité directe entre une certaine opposition soi-disante « démocratie » et les Américains et leurs agresseurs rwando-ougandaise est, une fois de plus, apparue au grand jour. Depuis le 2 août 1998, cette complicité est une caractéristique de la guerre menée par les forces pro-impérialiste contre le mouvement nationaliste congolais.
C’est dire que la population dans son écrasante majorité félicite les nouvelles autorités d’avoir réussi à maintenir le calme, mieux, avoir empêché le moindre incident.


Ici à Kinshasa, certains ont immédiatement affirmé que l’assassinat était un acte individuel, un malheureux incident dramatique. Cela est peu crédible.
Selon les informations parrues dans la presse, le garde de corps qui a commis le crime n’était pas de service ce jour-là. Il est quand-même arrivé au Palais de Marbre en tenue militaire et y a traîné longtemps. Une femme de la Garde Présidentielle lui a donné un revolver avec silentieux. Faire entrer un silencieux au palais présidentiel suppose déjà un haut degré d’organisation. L’assassin a pu entrer dans le bureau où se trouvait Kabila en compagnie de son directeur de cabinet adjoint Mota sans être fouillé par la garde, sans passer par un détecteur de métal. Après avoir commis son crime, l’assassin a été abattu, alors qu’on aurait pu lui tirer dans les jambes. Le chef de la sécurité présidientelle a égagement été tué dans des circonstances non éclairçies.
Immédiatement après le crime, une communication gouvernementale affirmait que l’assassin étant mort, et qu’« on ne trouvera sans doute jamais les commanditaires éventuels »… Toute la population estime qu’il doit y avoir un complot à vastes ramifications. Le long de la route de l’aéroport, les Kinois qui avaient vu passer le cortège funèbre s’en prennaient aux Blancs : « C’est vous qui avez commandité l’attentat ». J’ai vu un journaliste blanc au palais du peuple, le visage en sang, protégé par une quinzaine de policiers qui avaient sauvé l’homme de la foule déchaînée. Hier j’ai subi plusieurs agressions verbales du genre : « C’est vous les Blancs… ». Mais il y a presque toujours quelqu’un dans les environs qui me connaît à partir de mes interventions à la télévisions et qui explique alors que tous les Blancs ne sont pas anti-kabilistes…
Les observateurs averts se sont aussi étonné d’entendre annoncer le jour du crime que le général Kayembe, vice-ministre de la Défense, aurait abattu Kabila. Ceux qui connaissent l’homme affirment qu’il est un des officiers les mieux formés, un nationaliste à toute épreuve qui soutenait à fond les idées du Président. C’est apparemment l’Agence Belga qui a balançeé cette intoxication qui était perçue comme une incitation à abattre Kayembe. Les Zimbabwéens, qui l’ont compris ainsi, l’ont immédiatement pris sous leur protection. Des observateurs se demandent si les forces occultes qui se trouvent derrière l’assassinat, en poussant à l’élimination physique de Kayembe, ne visaient pas à faire éclater l’armée, mais aussi à provoquer des affrontements violents entre Katangais et Kasaïns, comme en 1992. Kayembe vient du Kasaï. Cela aurait donné le prétexte nécessaire à une intervention militaire américano-franco-belge.

Le Président Kabila était le cerveau et le cœur de la résistance contre l’agression américano-rwando-ougandaise. Il dirigeait l’armée, le gouvernement, la diplomatie et les Comités du Pouvoir Populaire. Son assassinat devait ébranler tout l’édifice du Congo nouveau et provoquer l’anarchie complète. La déclaration de Louis Michel, le soir du 16 janvier, affirmant qu’il avait des informations sûres que Kabila était mort, sont maintenant considérées ici comme une tentative d’ameuter les esprits et de provoquer l’anarchie. Les autorités congolaises, complètement prises au dépourvu, avait besoin de temps pour prendre des mesures adéquates et éviter des dérapages dramatiques. La grande crainte de la population était que l’armée se divise en fractions qui s’affrontent à coup de balles et d’obus. Le chef de la diplomatie belge devait bien savoir que si Kabila était mort et que le gouvernement congolais tardait à l’annoncer, il avait de bonnes raisons de le faire, il devait éviter l’explosion de troubles de toute sorte. Selon certains observateurs avertis de la place, la Belgique a agit comme si elle voulait justement des troubles.

Selon certaines informations encore à confirmer, un noyau constitué de Mpoyo, de Kazadi et de Olenga et quelques autres, après avoir évalué la situation, a proposé que Joseph Kabila assure la relève. Les Angolais et les Zimbabwéens, qui ont renforcé de façon significative leur présence militaire à Kinshasa, ont appuyé cette proposition.
Au moment où les premières informations sur la mort éventuelle du camarade Kabila nous sont arrivées, j’étais avec quelques amis Congolais. L’un d’eux disait immédiatement : « S’il est mort, il faut qu’un militaire assume le pouvoir, sinon nous risquons la catastrophe ». Le camarade Lwetsha est le chef de l’état major général. Fidèle entre les fidèles, son âge ne lui permet sans doute pas d’assumer l’autorité suprême. Ceux qui ont pris la responsabilité de proposer le général major Joseph Kabila, chef de l’état-major de la force terrestre, on estimé qu’avec n’importe quel autre officier, il y avait plus de risque que la situation échappe à tout contrôle.

Lumumba a été tué et il n’y a jamais eu, au Congo, une enquête sur le complot à vastes ramifications au Congo, en Belgique et aux Etats-Unis. La population n’acceptera pas que la même chose se passe avec Kabila. Cela aussi est un signe du changement des temps. Les gens de la rue ne comprennent pas que dans la première communication officielle du gouvernement, Sakombi n’a rien dit sur les recherches nécessaires à découvrir les véritables tueurs restés dans l’ombre. Un étudiant me dit : « Si un Américain se fait tuer par un terroriste n’importe où au monde, les Etats-Unis affirment qu’il n’auront pas de repos avant d’avoir identifié et arrêté le coupable. Mais chez nous on assassine le Président, mais on ne sent pas une volonté d’aller au bout de l’affaire. »
On l’entend partout : « Nous devons savoir qui est impliqué, qui est derrière, sinon ce même réseau commettre d’autres crimes.

Depuis trois ans, les puissances impérialistes ont déversé tellement de mensonges et de propos intoxicateurs contre Kabila et le nationalisme congolais, qu’elles n’arrivent plus à saisir les transformations psychologiques qui se produisent ici dans le peuple.
Lumumba a été assassiné, son corps a disparu dans l’acide et la population ne pouvait pas éxprimer ses sentiments de colère. Mulele a été tué de façon barbare, personne n’a pu voir son corps ou manifester publiquement son soutien à sa lutte révolutionnaire. Comme Lumumba et Mulele, Kabila a été déningré comme « génocidaire », « dictateur », « bandit », mais ces mensonges qu’on a réusi à faire avaller en Occident, ont provoqué ici un effet inverse.
Les agents des puissances impérialistes, les chefs du MPR, de l’UDPS, etc pensaient que leur jour viendrait bientôt. Mais hier le peuple a fait une démonstration de son esprit nationaliste jamais vu dans l’histoire et dont tous les Congolais se rappelleront jusqu’à leur dernier jour.

Deux millions de Kinois sont descendus dans les rues pour crier leur colère et indignation devant tous ces mensonges et devant tous les crimes commis par les Américano-rwando-ougandais contre le Congo. J’étais à l’aéroport pour accueillir la dépouille mortelle, nous l’avons suivi en voiture sur un trajet de plus vingt kilomètres à travers toute la ville, de Njili à Mont Ngaliema et à Kinshasa. Partout une foule immense, des enfants qui pleuraient, des hommes adultes qui laissaient couler leurs larmes, des femmes qui poussaient des cris de douleur.
Il y a trois jour j’ai discuté avec une amie qui est mannequin, elle vient de l’Equateur, trouvait que Kabila faisait trop souffrir la population, que Tshisekedi ferait mieux. Je l’ai croisé hier. Elle me dit que sa mère et elle ont pleuré des larmes chaudes à la maison, parce que, quand-même, Kabila était bon, il aimait vraiment son pays, il voulait que nous soyions indépendants… De la voiture, j’ai filmé les foules entassées le long du trajet. Sur la bande on voit défiler pendant une heure les masses compactes regroupées le long des routes, les masses de jeunes envahissant le Boulevard Lumumba… Je l’enverrai demain en Belgique pour que les amis puissent se rendre compte de l’adhésion massive de la population aux valeurs nationalistes que Kabila incarnait. A la seule vue de ces images, vous vous rendrez compte que ce que vous apprenez en Europe sur le Congo, n’a presque rien à voir avec les vérités ici sur place.