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Création de l'Association européenne pour la défense des droits de l'homme
by LDH francophone(posted by Fred) Thursday December 07, 2000 at 06:10 PM

Face à la nécessité de donner du sens à une citoyenneté européenne que l'on nous vend de manière cosmétique, Charte des droits fondamentaux à l'appui, il importe de créer un contre-pouvoir associatif fort, qui défende et promeuve les droits de l'Homme dans l'Union Européenne.

Création de l'Association européenne pour la défense des droits de l'Homme (FIDH-AE)


Face à l'intégration croissante des pouvoirs politique, économique et social au niveau européen ;
Face à la déresponsabilisation — réelle ou feinte — croissante des pouvoirs nationaux sur des questions aussi cruciales que l'immigration, l'asile, la sécurité et la justice, ou les politiques sociales ;
Face à la nécessité de donner du sens à une citoyenneté européenne que l'on nous vend de manière cosmétique, Charte des droits fondamentaux à l'appui ;

Il importe de créer un contre-pouvoir associatif fort, qui défende et promeuve les droits de l'Homme dans l'Union Européenne.

C'est pourquoi, la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l'Homme et ses ligues européennes ont décidé de créer, ce dimanche 3 décembre 2000, à quelques jours du sommet de Nice, une association européenne de défense des droits de l'Homme.

Vous trouverez ci-dessous, la Charte constitutive de l'Association, sa composition, ainsi que deux communiqués sur des sujets-clefs de la construction européenne : la citoyenneté européenne et la Charte des droits fondamentaux de l'UE.

Dan Van Raemdonck
Président de la FIDH-AE
Président de la Ligue des droits de l'Homme (Belgique francophone)
Adresse :
FIDH-AE, rue de l'Enseignement 91, 1000 Bruxelles
Tél. : 02 209 62 89 ;
Fax : 02 209 63 80.

CHARTE CONSTITUTIVE

Il y a plus de 40 ans, les bases d'une entente économique en Europe de l'ouest étaient jetées : le traité de Rome était signé. Aujourd'hui l'Union Européenne regroupe 15 pays et a acquis une autre dimension : A l'intégration économique largement avancée s'est adjoint un processus
politique et social largement inachevé.

De nombreuses décisions, des choix importants ayant un effet direct sur les 300 millions d'habitants des pays de l'Union Européenne sont faits à un autre niveau que celui des Etats la composant. La construction européenne
est devenue une réalité immédiatement perceptible par chacun de nous.

Les militants que réunissent les ligues de défense des droits de l'homme et du citoyen dans l'Union Européenne et adhérentes à la F.I.D.H. entendent prendre toute leur place dans ce nouvel espace de lutte.

L'Union Européenne ne doit pas échapper aux règles communes à toute l'humanité : celles que définit la déclaration universelle des droits de l'homme, celles de la démocratie et de la justice sociale.

Nous voulons une Europe démocratique dans laquelle les citoyens ont un réel pouvoir qui ne peut se satisfaire des apparences de démocratie que donnent les institutions actuelles.

Nous voulons une Europe fondée sur les libertés de chacun : aujourd'hui l'Union Européenne se construit sur la base d'accords de police et de coopération judiciaire alors que la protection des droits et libertés reste largement au niveau de chaque Etat.

Nous voulons une Europe qui affirme son souci d'égalité sociale : nous refusons la logique d'une raison économique satisfaisant à la fausse liberté d'un marché érigé en dogme sans limites. L'Europe est faite d'hommes et de femmes qui ont un droit égal et absolu à travailler, à s'éduquer, à disposer des ressources nécessaires, à vivre tout simplement
en tant que citoyen.

Nous voulons une Europe qui choisisse un mode de développement durable qui soit respectueux de son environnement et qui tienne compte de ses responsabilités internationales.

Nous voulons, enfin, une Europe sans discriminations, ouverte sur le monde, qui offre aux hommes et aux femmes, d'où qu'ils viennent, sa solidarité et sa coopération : d'abord en respectant les droits et la dignité de ceux qui
résident dans nos pays et qui devraient tous pouvoir jouir d'une égalité de traitement, mais aussi en cessant de se constituer en forteresse assiégée.

En prenant cette initiative, nous revendiquons la formation, à l'échelle de l'Union européenne, de contre-pouvoirs. Nous affirmons aussi notre engagement en faveur d'un mouvement civique en Europe. Les droits de l'homme ne sont pas du seul domaine des Etats, ce sont les citoyens qui en sont, en dernier ressort, et les acteurs et les garants. Il dépend de chacun de nous, et de tous les mouvements civiques qui partagent notre combat, d'affirmer notre exigence de citoyenneté. Nous avons la conviction
que d'un tel engagement dépend pour une bonne part l'Europe civique et sociale.


Associations membres :
INTERNATIONALE LIGA FUR MENSCHENRECHTE (Allemagne)
OSTERREICHISCHE LIGA FUR MENSCHENRECHTE (Autriche)
LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (Belgique francophone)
LIGA VOOR MENSENRECHTEN (Belgique néerlandophone)
LIGA ESPANOLA POR LA DEFENSA DE LOS DERECHOS Humanos (Espagne)
ASOCIACION PRO DERECHOS HUMANOS (APDH)
LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (France)
LIGA VOOR DE RECHTEN VAN DE MENS (Pays-Bas)
LEGA ITALIANA DEI DIRITTI UMANI (Italie)
CIVITAS (Portugal)
En cours d'affiliation :
COMMITTEE FOR THE ADMINISTRATION OF JUSTICE (Irlande du Nord)
FINNISH LEAGUE FOR HUMAN RIGHTS (Finlande)
IRISH COUNCIL FOR CIVIL LIBERTIES (Irlande)
LIBERTY (Royaume-Uni)
LIGUE HELLENIQUE DES DROITS DE L'HOMME (Grèce)
SCOTTISH HUMAN RIGHTS CENTRE (Ecosse)

Bureau exécutif :
Président :Dan Van Raemdonck, Ligue des droits de l'Homme (Belgique francophone)
Vices-Présidents :Catherine Teule, Ligue des droits de l'Homme (France),Joao Labescat, CIVITAS (Portugal)
Secrétaires généraux : Patrizia Paris, Lega italiana dei diritti umani (Italie),Katrin Romberg, Internationale Liga für Menschenrechte (Allemagne)
Trésorier :Pierre Barge, Ligue des droits de l'Homme (France)
Membres: Fernando Mariño Menendez, Asociacion Pro Derechos Humanos (Espagne)
Paul Pataer, Liga voor Mensenrechten (Belgique néerlandophone)
Pasquale Bandiera, Lega italiana dei diritti umani (Italie)
Maurizio Maella, Liga Española de Derechos Humanos (Espagne)
Thomas Brandtner, Österreichische Liga für Menschenrechte (Autriche)


FIDH-Association Européenne
Union Européenne et Citoyenneté


La démocratie européenne, comme toute expérience historique concrète de démocratie, ne pourra se construire que " de bas en haut ", ou si l'on préfère le raccourci anglo-saxon selon une approche " bottom-up " (et non pas " top-down "), c'est-à-dire avec et par l'intervention des " sociétés
civiles " des Etats membres de l'Union européenne (et notamment des ONG qui les animent) et par le plein exercice d'une authentique citoyenneté.

Et l'on sait que la citoyenneté ne s'octroie pas : elle se conquiert par l'action civique et militante, elle se pratique comme exercice de ce qui est pour nous l'un des plus essentiels des droits fondamentaux.

Il en résulte nécessairement, d'une part, que tout être humain a droit à la reconnaissance de sa citoyenneté là où il est en mesure de l'exercer, et,d'autre part, que la citoyenneté des Européens sera l'œuvre des Européens
eux-mêmes.

Parce que nous considérons que l'exercice de la citoyenneté est la première garantie des droits, nous voulons que la citoyenneté européenne soit reconnue à tous les êtres humains qui résident durablement sur le territoire de l'Union, quelles que soient leurs origines et notamment leurs nationalités d'origine.

Cette " citoyenneté de résidence " doit au minimum permettre l'insertion dans un " jeu civique de proximité " de toute personne qui entretient avec le territoire concerné un rapport relativement stable (donc un droit de
vote aux élections locales), mais aussi, si l'on adopte une conception cohérente, la reconnaissance d'un droit au plein exercice de la citoyenneté, c'est-à-dire notamment à la participation à toute vie démocratique institutionnalisée. Dès lors, tout être humain a vocation à emporter sur toute la planète son droit à la citoyenneté " à la semelle de
ses souliers " (même s'il ne peut pas transporter sa patrie de la sorte…) :cette vision " mondialiste ", envisageable pour le moment dans le cadre de l'Union européenne, tire des conséquences civiques réalistes de l'ampleur des flux migratoires actuels et prévisibles (compte tenu en particulier des différentiels démographiques) et du développement considérable des moyens de communication de tous ordres.

En toute hypothèse, la simple application du principe d'égalité oblige l'Union européenne à garantir une égale liberté de circulation sur son territoire, et une égale jouissance des droits fondamentaux dits civils,
politiques, économiques, sociaux et culturels, aux nationaux de ses Etats membres et aux résidents " nationaux de pays tiers ". Manquer à cette obligation serait non seulement refuser à ces résidents les bases de
l'exercice de la " citoyenneté sociale ", mais aussi compromettre dangereusement la cohésion de la " société civile européenne " en formation.


Le Conseil européen de Nice et La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

Le processus :
La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne va être proclamée à Nice le 7 décembre conjointement par le Parlement européen, les quinze Etats membres et la Commission européenne. Elle a été élaborée par une
Convention relativement représentative, qui a travaillé dans une transparence à laquelle les institutions européennes ne nous avaient pas habitués.

Si l'on peut s'en réjouir, on peut néanmoins regretter que la prise en compte des contributions de la société civile ait été trop limitée.

Avant toute inscription de la Charte dans les Traités, il importe que les citoyens européens et les Parlements nationaux puissent débattre de ce texte et ainsi s'approprier, et renforcer, les droits qu'il consacre.

La démocratisation de la politique européenne est à ce prix. Nice n'est qu'une étape dans le renforcement de la protection des droits fondamentaux en Europe. Si certains progrès ont pu être enregistrés, le texte actuel ne
nous satisfait pas. Il n'y a pas d'urgence : prenons le temps d'en débattre.


Le contenu :

Indivisibilité : la FIDH-AE se réjouit de l'affirmation de l'indivisibilité des droits fondamentaux, tant civils et politique qu'économiques, sociaux et culturels. Cependant, ces derniers ne sont ni énoncés ni garantis avec la même force que les droits civils et politiques. Nous constatons même une régression par rapport au Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies et à la Charte sociale européenne révisée. Les droits sociaux sont traités selon une conception caritative :
ils sont classés sous le titre " solidarité " et non " égalité " ; les citoyens sont envisagés comme des assistés, et non comme les titulaires de droits. Affirmons-le avec force : les droits fondamentaux ne s'octroient pas, ils s'exercent.

De plus, les références multiples aux législations nationales risquent de vider de leur substance certains droits énoncés dans la Charte. Ils risquent également d'avoir une portée différente selon les Etats membres.

Universalité : l'universalité des droits fondamentaux, proclamée à maintes reprises par les Nations Unies, implique que tout être humain soit traité de manière égale. Dans cette perspective, la FIDH-AE réaffirme que les
résidents, quelle que soit leur nationalité, doivent jouir de droits égaux – et non simplement équivalents – à ceux des ressortissants des Etats membres. La Charte ne consacre pas la liberté de circulation, les droits économiques et sociaux et le droit de participer aux élections locales de
la même manière pour tous. C'est inacceptable.

Hiérarchie : les droits de l'Homme universellement reconnus devraient clairement bénéficier d'un statut supérieur aux libertés économiques.
Ainsi, par exemple, le droit de grève ne devrait pas être entravé par la liberté d'entreprise ; la protection de l'environnement ou des consommateurs devrait primer sur la libre prestation des services. Cette hiérarchie doit être intégrée dans la Charte, et ne peut être laissée à la
libre appréciation des seuls juges.


L'effectivité :

Dès aujourd'hui, la Charte inspirera le législateur et le juge communautaires. Elle influencera des domaines qui ont un impact direct sur la vie quotidienne des citoyens, qu'il s'agisse des droits économiques et sociaux, de la lutte contre les discriminations, de la coopération policière, du droit d'asile, etc.

Ce n'est cependant pas suffisant ni satisfaisant.

La FIDH-AE appelle solennellement le Conseil européen de Nice à prolonger le débat sur la Charte pour aboutir à une véritable Déclaration des droits fondamentaux dans l'Union européenne. Ce n'est qu'après une consultation la plus large possible, qui permettra d'améliorer la protection des droits fondamentaux au sein de l'Union, que l'on pourra songer à inscrire la Charte dans les Traités. Ces droits auront alors seulement une force contraignante et le citoyen pourra dès lors les invoquer en justice.

Nous ne voulons pas d'une Charte qui ne serait qu'un vain exercice médiatique.

La FIDH-AE rappelle en outre qu'en ratifiant la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales du Conseil de l'Europe, voire la Charte sociale européenne révisée, l'Union européenne démontrerait réellement sa volonté de garantir et de respecter les droits énoncés dans ces textes.