Mexique: les promesses de Fox pour le Chiapas et les peuples indigènes by Gustavo Castro (posted by Fred) Friday December 01, 2000 at 05:03 PM |
LES PROMESSES DE FOX POUR LE CHIAPAS ET LES PEUPLES INDIGÈNES (CIEPAC)
Bulletin CIEPAC nº 205
Chiapas, Mexique.
12 juillet 2000
LES PROMESSES DE FOX POUR LE CHIAPAS ET LES PEUPLES INDIGÈNES.
Durant sa campagne, Vicente Fox Quesada, actuel président de la République à dater du 1er décembre 2000, s’est engagé avec Poder Ciudadano sur un agenda national concernant des réformes économiques, politiques et sociales. (voir bulletin N°202) Il s’est engagé également vis à vis du Chiapas et des peuples indigènes en promettant les choses suivantes :
1) Créer un conseil national pour le développement des peuples indigènes composés de représentants de ceux-ci et de personnalités connaissant cette problématique. Le Conseil sera habilité à évaluer les actions de l'exécutif fédéral dans les zones indigènes ; à émettre des recommandations pour l'élaboration des politiques publiques ; à proposer les réformes nécessaires à l'Institut National Indigéniste (INI), la direction de l'éducation indigène et la direction générale des cultures populaires.
2) Intégrer des intellectuels et des professionnels indigènes à des postes de commandement dans les institutions indigénistes.
3) Créer le Centre des Etudes des Langues Originaires du Mexique qui sera chargé de l'étude, du développement et de la diffusion de plus de 60 langues indigènes dans le pays.
4) Matérialiser les droits politiques des peuples indigènes grâce à des réformes, pour la représentation et la participation de ceux-ci à tous les niveaux de gouvernement.
5) Utiliser une partie du temps officiel de l'exécutif fédéral dans les moyens de communication pour la promotion de la culture et des traditions indigènes.
6) Inclure dans les livres de texte des contenus qui permettent aux nouvelles générations de connaître la culture et les traditions indigènes.
7) Élaborer des programmes de développement régional avec la participation des communautés indigènes afin qu'elles augmentent leurs capacités, leur suffisance économique et leurs moyens de se nourrir.
8) Réorganiser et restructurer les organes qui rendent la justice particulièrement les ministères publics et les cours de première instance dans les districts judiciaires à forte présence indigène, en les formant sur la connaissance des cultures indigènes ainsi que sur leurs systèmes et les pratiques utilisées par les communautés dans la solution des conflits.
9) Garantir le respect des droits de l'homme de tous les indigènes grâce à une plus grande indépendance des commissions d'état des droits humains et en augmentant leur composition de représentants des communautés indigènes.
10) Reconnaître le travail et l'appui des organisations de la société civile qui travaillent avec les peuples indigènes.
11) Lors de son premier jour de gouvernement, assumer la proposition de la Commission de Concorde et de Pacification (COCOPA) composée de législateurs fédéraux et de législateurs du Chiapas de tous les partis politiques comme une initiative de loi de l'exécutif fédéral qui sera envoyée au Congrès de l'Union pour sa discussion et son approbation. Rappelons que cette initiative est l'interprétation des Accords de San Andres concernant la Table « Droit et Culture Indigènes » qui ont été négociés et signés par le gouvernement fédéral et l'EZLN en février 1996 et que le président Ernesto Zedillo a par la suite refusé d'appliquer.
12) Donner une plus grande importance à la COCOPA et à la Commission de Suivi et de Vérification pour qu'elles accomplissent leurs fonctions respectives dans le dialogue entre l'EZLN et de gouvernement fédéral. Rappelons que l'administration d’Ernesto Zedillo et le PRI ont toujours fait obstacle et boycotté le rôle de ces deux instances.
13) À partir du premier jour de son gouvernement, désarmer les groupes paramilitaires et créer les conditions pour que l'armée retrouve ses positions initiales pour démilitariser les territoires indigènes.
14) Demander à la PGR d'appréhender immédiatement ceux qui ont violé les droits humains au Chiapas.
15) Pour trouver une solution pacifique au conflit armé au Chiapas basée sur un dialogue ouvert, honnête et respectueux, il convoquera l'EZLN et le sous-commandant Marcos à se réunir avec les représentants de l'exécutif fédéral : « convoquer l'EZLN à une réunion avec les représentants de l'exécutif fédéral pour ouvrir un dialogue sur les Tables de San Andres qui sont restées en suspens ».
16) Intégrer une commission ou nommer un commissaire reconnu par l'EZLN et les organisations indigènes indépendantes avec l'obligation d'informer périodiquement la société mexicaine sur les avancées dans les négociations de paix ;
17) S'attaquer aux causes politiques, économiques et sociales qui ont donné origine au conflit en respectant le territoire, les droits et la culture des peuples indiens.
18) Proposer l'incorporation à la constitution du droit d'initiative législative citoyenne et de mécanismes de participation comme le plébiscite et le référendum. De plus proposer la loi de participation citoyenne qui garantisse l'intervention active de la citoyenneté dans les décisions concernant les diverses politiques publiques.
19) Application complète des traités et des conventions internationales en matière de droits humains et évaluation avec des organismes spécialisés de la société civile des réserves formulées par l'état mexicain dans ses instruments.
Fox devrait également inclus dans son agenda les aspects suivants :
1) La ratification du gouvernement fédéral concernant la convention 169 de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) concernant les droits des peuples indiens et des tribus qui cette année solde l'engagement du gouvernement mexicain et qui doit être reprise chaque dix ans.
2) Envisager une médiation nationale ou internationale pour résoudre le conflit du Chiapas.
3) Il ne propose rien concernant le rôle de l'armée mexicaine ni aucune recommandation ni changements constitutionnels en la matière. Sur cet aspect, il ne s'est pas engagé sur un éventuel retour de l'armée à ses fonctions établies par la Constitution. Cependant, durant ces derniers jours il a donné quelques signes concernant des modifications sur ce sujet.
Beaucoup de ces propositions sont vagues, d'autres reflètent le peu de connaissance du sujet et d'autres encore doivent s'accomplir automatiquement ; de plus reste en suspens la mise en application des accords de San Andres signés entre l'EZLN et le gouvernement fédéral.
Cependant, il existe des éléments positifs. On annonce que Vicente Fox dégagera le secrétariat de gouvernement des thèmes en relation avec la sécurité publique, la police fédérale préventive, la justice pénale et la réhabilitation des prisonniers, entre autres, pour éradiquer la police politique, la corruption, l'inefficacité de la justice et pour dépolitiser la mise en oeuvre de la justice. Pour cela, il créera une dépendance qui intègre tout le pouvoir judiciaire et libérera les fonctions de l'armée de sujets qui ne sont pas de sa compétence comme le combat contre le trafic de stupéfiants, le crime organisé, la mise en oeuvre de la justice et la détachera des centres de l'information et d'intelligence. D'autre part, la PGR disparaîtra.
Vicente Fox reconnaît que "le soulèvement armé du Chiapas depuis le 1er janvier 1994 a pour origine des demandes légitimes et qu'il est le résultat de condition de marginalité, de pauvreté et de violations systématiques des droits humains tolérés par les gouvernements priistes successifs".
Cependant, nous savons que le problème est plus profond et structurel, en relation avec la globalisation du projet néolibéral qui appauvrit, exclut et marginalise la société. Durant sa campagne, Fox Quesada a assuré que la solution du conflit au Chiapas ne pouvait venir du PRI et de son gouvernement, qui « ont les mains souillées par l’impunité et la corruption ». De plus, il ajoute qu'il ne peut exister une nouvelle relation entre l'Etat et les peuples indigènes tant que ne sera pas résolu le conflit du Chiapas de manière pacifique.
Lors d'une rencontre avec les indigènes, Fox Quesada a affirmé qu'il était conscient qu'il devait gagner leur confiance et que cela ne pouvait être fait qu'au travers de compromis responsables. N'oublions pas que la présence du panisme chez les indigènes et dans les zones rurales a toujours été de façon traditionnelle relativement pauvre.
Ces propositions contrastent avec les déclarations faites par le PAN lors du soulèvement armé de l'EZLN. Rappelons de plus que lorsque le président Ernesto Zedillo a présenté une autre initiative de loi en la matière en mars 1998 au Congrès de l'Union, en s'opposant à l'interprétation faite par la COCOPA des accords signés à San Andres, le Pan a lui-même proposé sa propre initiative en divisant ainsi l'attention du Congrès de l'Union qui s'est alors retrouvé face à quatre initiatives de loi ; la loi Cocopa, l'initiative de Zedillo, celle du PAN et celle du parti vert écologiste de Mexico (PVEM).
Le présidentialisme s'est épuisé et une nouvelle étape législative doit commencer. L'approbation de la loi Cocopa pour mettre en application les accords de San Andres ne sera pas facile. Cette mise en application va à l’encontre des concessions législatives faites le PRI en rapport au processus de globalisation et aux accords de libre commerce. Modifier la Constitution de la République en faveur des accords signifierait autoriser aux peuples indigènes le droit à l'utilisation et l'usufruit des ressources naturelles de manière collective ; garantir l'éducation gratuite en incluant l'éducation supérieure ( droits éliminés de la Constitution dans son troisième article au temps du gouvernement de Salinas de Gortari pour libérer le gouvernement de l'obligation d'octroyer une éducation universitaire gratuite) ; donner aux indigènes le droit de posséder leurs propres moyens de communication ( secteur contrôlé par les grands investisseurs).
Aujourd'hui, il semble, pour Manuel Bartlett, un ancien priiste, que " l'épidémie néolibérale a touché le PRI" mais Fox, selon le quotidien The Economist, garantit les grands intérêts économiques transnationaux et commerciaux. La presse commence à écrire que Luis Ernesto Derbez, ancien vice- président de la Banque Mondiale et ami d'enfance de Vicente Fox travaillera durant le programme des 100 jours du prochain gouvernement de manière à mettre en oeuvre les politiques de la Banque Mondiale. Ainsi le FMI et la BM guettent déjà le nouveau président élu.
Vicente Fox a déjà cherché à rencontrer le Sous-commandant Marcos pour permettre des avancées significatives avant son intronisation le 1er décembre. Car il a promis beaucoup pour les premiers jours de gouvernement concernant la solution du conflit au Chiapas. Pour cela, il a déjà commencé à jeter des ponts pour créer un nouveau modèle de discussion et de médiation, à négocier avec l'armée la possibilité de la repositionner et à chercher une solution aux conditions de l'EZLN pour renouer le dialogue : libération des prisonniers, réactivation de la Commission de Suivi et de Vérification (COSEVER), mise en oeuvre des accords de San Andres signés en février 1996 sur Droits et Culture Indigènes.
Si Vicente Fox donne des signes clairs d'avancée dans le processus de négociations avec l'EZLN, une nouvelle période de travail ardu va commencer pour la société civile. Il ne faut pas oublier qu’il reste à négocier la Table 2 "Justice et Démocratie" suspendue en 96 avant sa signature ; la Table 3 "Bien-être et Développement" ; la Table 4 "Droits des femmes indigènes" ; la paix et le désarmement. Cependant, il sera également nécessaire de systématiser l'expérience des négociations pour faire de nouvelles propositions, formuler de nouveaux schémas de négociations, de nouveaux chemins et de nouvelles méthodes.
Et la médiation ? Il est possible que Vicente Fox désire que l'évêque émérite de San Cristobal, Samuel Ruiz Garcia, revienne à la médiation. Il faut signaler que ne reste au Chiapas qu'un seul évêque, celui de San Cristobal de Las Casas, car le Vatican a nommé, trois jours avant les élections, l'évêque de Tuxtla Gutierrez, Felipe Aguirre Franco archevêque auxiliaire d'Acapulco, dans l'État de Guerrero. Il semble que l'évêque Felipe Arizmendi n'ait pas obtenu la confiance des zapatistes pour assurer la médiation.
Le 1er décembre 2000 commencera le sexennat de Vicente Fox Quesada. Les yeux des Mexicains seront tournés vers lui : "Demain, nous lui demanderons de faire ce qu'il a dit".
Gustavo Castro.