Le FIDH dénonce les violations de Droits de l'Homme à Prague by R Mutt (posted by Fred) Monday November 27, 2000 at 11:26 PM |
muttr@hotmail.com |
Le Fédération Internationale des Droits de l'Homme, a envoyé la lettre suivante au Président, au Premier Ministre et au Ministre de l'Intérieur de la République Tchèque, au sujet de violation des droits de l'homme après la manifestation à Prague en Septembre contre la mondialisation. Le FIDH est un ONG composée de 105 organisations de défense des droits de l'homme dans 86 pays.
Paris, le 2 novembre 2000
LETTRE OUVERTE au Président de la République tchèque Václav Havel, au Premier Ministre de la République tchèque Milos Zeman et au Ministre de l’Intérieur de la République tchèque Stanislav Gross
Violation des droits de l’Homme en République tchèque
La réunion annuelle du Fond Monétaire International (F.M.I.) et de la Banque Mondiale, qui a eu lieu cette année, à Prague, entre le 19 et 28 septembre, a été l’occasion d’une nouvelle mobilisation de la société civile manifestant son désaccord avec la politique de ces institutions financières internationales et désireuse de marquer son refus de la mondialisation.
Craignant que ne se reproduisent des débordements similaires à ceux de Seattle, les forces de l’ordre tchèque avaient pris, dès le début du mois de septembre, toute une série de dispositions. Les administrations locales ont ordonné la fermeture des écoles pendant la réunion de la Banque Mondiale et du F.M.I. Il a été demandé à la population locale de prendre des mesures de précaution: comme par exemple de quitter temporairement Prague et de trouver un logement, si possible, en dehors de la capitale; de veiller à ce que les fenêtres des habitations soient dûment protégées; de faire un inventaire des biens personnels de chacun en cas d’éventuels dommages. Les forces de l’ordre ont reçu, pour cette occasion, un entraînement approprié ainsi qu’un équipement spécifique et ont vu leur nombre augmenté à 11.000 personnes. Enfin, l’entrée en République tchèque a été refusée à 200 manifestants.
Environ 10.000 manifestants se sont rendus à Prague. La très grande majorité des manifestations ont débuté dès le 23 septembre et se sont déroulées sans heurts. Or, le 26 septembre, lors de la principale rencontre des institutions internationales, plusieurs incidents violents ont éclaté entre la police et quelques 200 manifestants. Ces affrontements ont ouvert la voie à une vague de répression qui a duré pendant toute la période du sommet : arrestations et détentions arbitraires, mauvais traitements, violation du droit de la défense. Le bilan est particulièrement lourd (même s’il est difficile d’obtenir des informations précises) : selon les informations officielles plus de 300 personnes ont été blessées (manifestants et policiers) et près de 860 ont été arrêtées.
Les témoignages obtenus par la FIDH, confirmés par des informations émanant d’ONG de défense des droits de l’Homme, comme le Comité Helsinki tchèque, et des journalistes, attestent l’usage disproportionné de la force par des policiers tchèques dans les commissariats et les centres de détention.
De nombreux témoignages rapportent qu’une partie des personnes arrêtées ne montraient aucun lien avec les manifestations et n’avaient participé à aucun affrontement entre les policiers et les manifestants. Ainsi, des personnes ont été interpellées sans aucune raison apparente parmi des piétons qui se trouvaient par hasard ou par simple curiosité dans les rues de la capitale. Des personnes de nationalité tchèque et de simples touristes ont été dans ces conditions la cible des forces de l’ordre. Par ailleurs, ont également été arrêtées des personnes qui avaient directement pris part aux sit-in pacifiques ou étaient simplement liées à leur organisation. Elles aussi ont été arrêtées au hasard parmi les manifestants pacifistes. Plusieurs témoignages confirment, en outre, que les forces de l’ordre ont usé de violence lors de ces arrestations. Ainsi, un citoyen israélo-français, étudiant en médecine, a été interpellé et sévèrement frappé alors qu’il faisait partie d’une équipe médicale, mise en place pour soigner des manifestants et qu’il portait un brassard avec une croix rouge.
Toutes les informations reçues font état de la perpétration de graves violations de droits de l’Homme par des policiers dans les commissariats et centres de détention.
A leur arrivée dans les commissariats, les personnes arrêtées n’ont eu aucune possibilité de téléphoner ni de contacter un avocat, et beaucoup de personnes n’ont pas été informées des raisons de leur arrestation et ce pendant toute la durée de leur détention. Aussi, nombreux sont ceux qui ont été fouillés et contraints de se soumettre à des prises d’empreintes digitales et des photographies. Plusieurs personnes affirment qu’elles n’ont pu bénéficier d’un interprète pendant leur déposition et qu’elles n’étaient pas en mesure de comprendre les formulaires (écrits en tchèque) qu’il leur était demandé de signer.
De nombreux témoignages confirment qu’un nombre important de personnes ainsi interpellées ont été victimes de traitements inhumains et dégradants. Certains ont en effet été obligés de rester pendant plusieurs heures face au mur, la tête baissée, sans le droit de bouger, ni de parler. Des insultes, des propos humiliants ainsi que des menaces ont été proférés à leur encontre. Selon certaines informations, des femmes auraient été obligées de se montrer nues devant le personnel du commissariat et d’exécuter des mouvements de gymnastique. Tous les témoins expliquent avoir été entassés dans des cellules particulièrement étroites.
La tension dans les commissariats tchèques était particulièrement tendue et intimidante comme peut en témoigner le cas d’une jeune austro-américaine, âgée de vingt-six ans, qui a sauté par la fenêtre après plus de vingt heures de détention sans avoir pu téléphoner ni voir un avocat. Elle a été transférée à l’hôpital puis rapatriée en Autriche. Ce cas, largement documenté dans la presse tchèque, illustre la détresse éprouvée par les détenus.
Un nombre important de personnes ont été battues et blessées, parfois grièvement. Une grande partie des étrangers ont été conduits sans plus d’information dans un centre de détention à Balkova, près de Plzen à 150 km de Prague. Les témoignages de deux détenus affirment qu’un numéro a été inscrit à l’encre bleue sur toute la longueur des bras des détenus lors de leur arrivée au centre. Aucune explication ne leur a été fournie sur cette mesure de l’administration pénitentiaire qui rappelle sans équivoque les chapitres les plus noirs de l’histoire.
Des témoins se sont plaints de l’extrême précarité des conditions de détention dans ce centre. Certains ont été obligés de dormir à même le sol sans couvertures, les policiers les empêchant de dormir en frappant leurs matraques contre les grilles des cellules. Tous les témoins affirment de manière unanime qu’il leur a été interdit de téléphoner.
De plus, de nombreuses personnes rapportent que des détenus de type méditerranéen ont été victimes de propos xénophobes et ont subi des traitements plus sévères que les autres détenus.
Enfin, dans beaucoup de cas, la durée légale de la garde à vue a été largement dépassée et certaines personnes sont restées détenues pendant trois, voire quatre jours. La grande majorité des personnes ont été libérées à la suite de l’intervention des ambassades de leur pays respectif.
Si ces témoignages accablants font état de violations graves des droits de l’Homme, ils confirment aussi la persistance de pratiques abusives et discriminatoires du fait des policiers, dénoncées, depuis plusieurs années, par les ONG de droits de l’Homme.
La FIDH est en outre particulièrement préoccupée par les réactions des instances officielles faisant suite à ces événements. Le Premier Ministre, Milos Zeman a, en effet, remercié la police pour son « intervention lors de la réunion du F.M.I. et de la Banque Mondiale » et le Président de la Police, Jirí Kolár, a d’emblée récusé les accusations portées contre la police en les qualifiant de « campagnes destinées à discréditer la police ». Les plaintes déposées contre les forces de l’ordre ont été transmises à une commission d’inspection qui dépend du ministre de l’Intérieur. Saisie du dossier de la jeune austro-américaine, la commission a conclu que la police ne s’était pas livrée à des « actions criminelles » et a renvoyé l’affaire aux organes de contrôle compétents pour un autre examen.
La FIDH condamne avec la plus grande fermeté les violations des droits de l’Homme commises par les forces de l’ordre lors de la réunion du F.M.I. et de la Banque Mondiale qui contredisent les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiés par la République tchèque.
En tant que membre du Conseil de l’Europe, la République tchèque s’est engagée à respecter en toute circonstances l’exercice des libertés fondamentales et l’Etat de droit.
La FIDH demande qu’une enquête indépendante et impartiale soit immédiatement ouverte afin de faire la lumière sur l’ensemble de ces faits, d’identifier les auteurs des violations et qu’ils soient dûment poursuivis.
La FIDH demande que le droit de bénéficier d’un recours effectif devant une instance nationale soit assuré à toutes les victimes et que leur soient accordées des compensations appropriées.
La FIDH demande enfin aux autorités tchèques de poursuivre et d’intensifier les actions entreprises aux fins de formation et de sensibilisation des responsables de l’application des lois au respect des droits de l’Homme.
Patrick BAUDOUIN
Président
En cas de mauvaise réception, veuillez nous appeler au :
Tel : (331) 43 55 25 18 / fax : (331) 43 55 18 80
17, Passage de la Main d'Or - 75011 Paris - France
E. Mail : fidh@fidh.org / SITE Internet : http://www.fidh.org Paris, le 2 novembre 2000
LETTRE OUVERTE au Président de la République tchèque Václav Havel, au Premier Ministre de la République tchèque Milos Zeman et au Ministre de l’Intérieur de la République tchèque Stanislav Gross
Violation des droits de l’Homme en République tchèque
La réunion annuelle du Fond Monétaire International (F.M.I.) et de la Banque Mondiale, qui a eu lieu cette année, à Prague, entre le 19 et 28 septembre, a été l’occasion d’une nouvelle mobilisation de la société civile manifestant son désaccord avec la politique de ces institutions financières internationales et désireuse de marquer son refus de la mondialisation.
Craignant que ne se reproduisent des débordements similaires à ceux de Seattle, les forces de l’ordre tchèque avaient pris, dès le début du mois de septembre, toute une série de dispositions. Les administrations locales ont ordonné la fermeture des écoles pendant la réunion de la Banque Mondiale et du F.M.I. Il a été demandé à la population locale de prendre des mesures de précaution: comme par exemple de quitter temporairement Prague et de trouver un logement, si possible, en dehors de la capitale; de veiller à ce que les fenêtres des habitations soient dûment protégées; de faire un inventaire des biens personnels de chacun en cas d’éventuels dommages. Les forces de l’ordre ont reçu, pour cette occasion, un entraînement approprié ainsi qu’un équipement spécifique et ont vu leur nombre augmenté à 11.000 personnes. Enfin, l’entrée en République tchèque a été refusée à 200 manifestants.
Environ 10.000 manifestants se sont rendus à Prague. La très grande majorité des manifestations ont débuté dès le 23 septembre et se sont déroulées sans heurts. Or, le 26 septembre, lors de la principale rencontre des institutions internationales, plusieurs incidents violents ont éclaté entre la police et quelques 200 manifestants. Ces affrontements ont ouvert la voie à une vague de répression qui a duré pendant toute la période du sommet : arrestations et détentions arbitraires, mauvais traitements, violation du droit de la défense. Le bilan est particulièrement lourd (même s’il est difficile d’obtenir des informations précises) : selon les informations officielles plus de 300 personnes ont été blessées (manifestants et policiers) et près de 860 ont été arrêtées.
Les témoignages obtenus par la FIDH, confirmés par des informations émanant d’ONG de défense des droits de l’Homme, comme le Comité Helsinki tchèque, et des journalistes, attestent l’usage disproportionné de la force par des policiers tchèques dans les commissariats et les centres de détention.
De nombreux témoignages rapportent qu’une partie des personnes arrêtées ne montraient aucun lien avec les manifestations et n’avaient participé à aucun affrontement entre les policiers et les manifestants. Ainsi, des personnes ont été interpellées sans aucune raison apparente parmi des piétons qui se trouvaient par hasard ou par simple curiosité dans les rues de la capitale. Des personnes de nationalité tchèque et de simples touristes ont été dans ces conditions la cible des forces de l’ordre. Par ailleurs, ont également été arrêtées des personnes qui avaient directement pris part aux sit-in pacifiques ou étaient simplement liées à leur organisation. Elles aussi ont été arrêtées au hasard parmi les manifestants pacifistes. Plusieurs témoignages confirment, en outre, que les forces de l’ordre ont usé de violence lors de ces arrestations. Ainsi, un citoyen israélo-français, étudiant en médecine, a été interpellé et sévèrement frappé alors qu’il faisait partie d’une équipe médicale, mise en place pour soigner des manifestants et qu’il portait un brassard avec une croix rouge.
Toutes les informations reçues font état de la perpétration de graves violations de droits de l’Homme par des policiers dans les commissariats et centres de détention.
A leur arrivée dans les commissariats, les personnes arrêtées n’ont eu aucune possibilité de téléphoner ni de contacter un avocat, et beaucoup de personnes n’ont pas été informées des raisons de leur arrestation et ce pendant toute la durée de leur détention. Aussi, nombreux sont ceux qui ont été fouillés et contraints de se soumettre à des prises d’empreintes digitales et des photographies. Plusieurs personnes affirment qu’elles n’ont pu bénéficier d’un interprète pendant leur déposition et qu’elles n’étaient pas en mesure de comprendre les formulaires (écrits en tchèque) qu’il leur était demandé de signer.
De nombreux témoignages confirment qu’un nombre important de personnes ainsi interpellées ont été victimes de traitements inhumains et dégradants. Certains ont en effet été obligés de rester pendant plusieurs heures face au mur, la tête baissée, sans le droit de bouger, ni de parler. Des insultes, des propos humiliants ainsi que des menaces ont été proférés à leur encontre. Selon certaines informations, des femmes auraient été obligées de se montrer nues devant le personnel du commissariat et d’exécuter des mouvements de gymnastique. Tous les témoins expliquent avoir été entassés dans des cellules particulièrement étroites.
La tension dans les commissariats tchèques était particulièrement tendue et intimidante comme peut en témoigner le cas d’une jeune austro-américaine, âgée de vingt-six ans, qui a sauté par la fenêtre après plus de vingt heures de détention sans avoir pu téléphoner ni voir un avocat. Elle a été transférée à l’hôpital puis rapatriée en Autriche. Ce cas, largement documenté dans la presse tchèque, illustre la détresse éprouvée par les détenus.
Un nombre important de personnes ont été battues et blessées, parfois grièvement. Une grande partie des étrangers ont été conduits sans plus d’information dans un centre de détention à Balkova, près de Plzen à 150 km de Prague. Les témoignages de deux détenus affirment qu’un numéro a été inscrit à l’encre bleue sur toute la longueur des bras des détenus lors de leur arrivée au centre. Aucune explication ne leur a été fournie sur cette mesure de l’administration pénitentiaire qui rappelle sans équivoque les chapitres les plus noirs de l’histoire.
Des témoins se sont plaints de l’extrême précarité des conditions de détention dans ce centre. Certains ont été obligés de dormir à même le sol sans couvertures, les policiers les empêchant de dormir en frappant leurs matraques contre les grilles des cellules. Tous les témoins affirment de manière unanime qu’il leur a été interdit de téléphoner.
De plus, de nombreuses personnes rapportent que des détenus de type méditerranéen ont été victimes de propos xénophobes et ont subi des traitements plus sévères que les autres détenus.
Enfin, dans beaucoup de cas, la durée légale de la garde à vue a été largement dépassée et certaines personnes sont restées détenues pendant trois, voire quatre jours. La grande majorité des personnes ont été libérées à la suite de l’intervention des ambassades de leur pays respectif.
Si ces témoignages accablants font état de violations graves des droits de l’Homme, ils confirment aussi la persistance de pratiques abusives et discriminatoires du fait des policiers, dénoncées, depuis plusieurs années, par les ONG de droits de l’Homme.
La FIDH est en outre particulièrement préoccupée par les réactions des instances officielles faisant suite à ces événements. Le Premier Ministre, Milos Zeman a, en effet, remercié la police pour son « intervention lors de la réunion du F.M.I. et de la Banque Mondiale » et le Président de la Police, Jirí Kolár, a d’emblée récusé les accusations portées contre la police en les qualifiant de « campagnes destinées à discréditer la police ». Les plaintes déposées contre les forces de l’ordre ont été transmises à une commission d’inspection qui dépend du ministre de l’Intérieur. Saisie du dossier de la jeune austro-américaine, la commission a conclu que la police ne s’était pas livrée à des « actions criminelles » et a renvoyé l’affaire aux organes de contrôle compétents pour un autre examen.
La FIDH condamne avec la plus grande fermeté les violations des droits de l’Homme commises par les forces de l’ordre lors de la réunion du F.M.I. et de la Banque Mondiale qui contredisent les dispositions de la Convention européenne des droits de l’Homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifiés par la République tchèque.
En tant que membre du Conseil de l’Europe, la République tchèque s’est engagée à respecter en toute circonstances l’exercice des libertés fondamentales et l’Etat de droit.
La FIDH demande qu’une enquête indépendante et impartiale soit immédiatement ouverte afin de faire la lumière sur l’ensemble de ces faits, d’identifier les auteurs des violations et qu’ils soient dûment poursuivis.
La FIDH demande que le droit de bénéficier d’un recours effectif devant une instance nationale soit assuré à toutes les victimes et que leur soient accordées des compensations appropriées.
La FIDH demande enfin aux autorités tchèques de poursuivre et d’intensifier les actions entreprises aux fins de formation et de sensibilisation des responsables de l’application des lois au respect des droits de l’Homme.
Patrick BAUDOUIN
Président
En cas de mauvaise réception, veuillez nous appeler au :
Tel : (331) 43 55 25 18 / fax : (331) 43 55 18 80
17, Passage de la Main d'Or - 75011 Paris - France
E. Mail : fidh@fidh.org
Site Internet : http://www.fidh.org