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La gratuité : un combat de classe vers de nouveaux rapports sociaux
by no pasaran (posted by Fred) Friday November 17, 2000 at 03:24 PM
lokomotiv@wanadoo.fr

Avec d'autres organisations, le réseau No Pasaran organise des trains gratuits pour aller à Nice. Dans ce texte il explique d'où vient la revendication de la gratuité.

Le mouvement des chômeurs et précaires est riche en actions revendiquant la gratuité de certains biens et services. Actions en direction d'EDF-GDF pour réclamer la fin des coupures (c'est à dire que si on ne peut pas payer,
l'accès à l'électricité et au gaz doit être assuré); actions Transports Gratuit Voyageurs (réquisition de trains pour les déplacements massifs, refus de payer les billets -carte AC!); opérations "caddies" au cours desquels les précaires envahissent les grandes surfaces pour se réappropier des biens de consommations fondamentaux auquels ils ne peuvent avoir accès; mais aussi les actions contre la taxe d'habitation qui sont des ébauches de demandes de logements gratuits qui pourraient être financé par la taxe payée par les riches; etc.
On le voit bien dans ces exemples, les chômeurs et précaires souhaitent poser la question suivante: est-ce que l'accès au voyage, au logement décent, à une nourriture saine, à la culture, aux énergies, à la santé, etc. doit rester le "privilège" de ceux qui possède les moyens de se le payer, ou est-ce qu'il s'agit d'imposer un accès égalitaire, pour toutes et tous?
Bien sûr, les revendications telles qu'elles sont souvent portées par les précaires font référence à l'urgence et obtiennent donc des réponses partielles, au coup par coup. Mais il se dessine derrière ces pratiques de réappropriation momentannée une volonté de dénoncer la société marchande,du moins son fonctionnement qui conduit à la mise en place de l'apartheid social, avec ses différentes catégories de population aux droits plus ou
moins larges.
La force de la société actuelle et de ses valeurs dominantes est de réussir à faire culpabiliser le chômeur qui ose réclamer plus que l'aumône. Aussi, l'exercice qui consiste à réclamer non seulement un revenu garanti
déconnecté de l'emploi, mais aussi la gratuité de services et biens qui contribuent à l'épanouissement des individus, et bien cet exrecice-là se heurte régulièrement à une incompréhension forte de la part de nombre de précaires en lutte, qui y voit des exagérations. Pourtant tous et toutes
parlent de dignité, de dignité retrouvée par le mouvement, et cependant restent enfermés dans une vision caritative de la répartition des richesses, dans le rôle humanitaire de l'Etat. Il faut dire qu'il n'est pas évident de sortir de la docilité pour des travailleurs précaires habitués à
courber l'échine. Ce qui semble "propre" avant tout, c'est de réclamer un emploi afin de gagner "honnêtement" sa part du gâteau. Mais, chers camarades, ce ne sont pas nous, précaires, les brigands. Les brigands sont ceux qui utilisent notre précarité et notre fragilité pour perpétuer un système économique où la satisfation de nos besoins est devenu un privilège à arracher en s'intégrant au salariat dégueulasse du patronat.
Exiger la gratuité, c'est combattre, chômeurs et travailleurs salariés côte à côte, une société de classe au sein de laquelle les richesses sont redistribuées avec parcimonie aux plus serviles d'entre nous.
Exiger la gratuité, c'est exprimer l'idée que nous souhaitons que nos conditions d'existence ne soient pas liées aux logiques marchandes et aux impératifs de rentabilité. C'est maintenant qu'on veut vivre! La gratuité, c'est casser les rapports de domination, c'est à terme remettre en cause la marche globale de l'économie. Car la tendance du moment est au contraire à la privatisation des services publics, et donc à leur accès encore plus inégalitaire. Eliminer le facteur rentabilité/compétitivité, c'est, comme pour le revenu garanti, organiser l'économie au service de la société, de
l'humain, et non l'inverse.
Enfin, moins le fric en général sera un enjeu, plus les échanges et les rapports sociaux seront assainis...

L'accès à un revenu garanti, réorganiser la société autour d'activités socialement utiles, satisfaire nos besoins, voilà les bases préalables d'une société émancipée
Nous devons renverser le problème posé par la précarité en notre faveur.
S'offrir une société où la durée de travail est fortement réduite mais où les possibilités de choix d'existence sont maximisées, voilà une option alternative et antagoniste. De tels revirements ne s'imposeront que si un rapport de force conséquent est construit face aux décideurs politiques et
économiques. Ce rapport de force il faut le développer, l'élargir en argumentant au mieux nos revendications. Car le mouvement des chômeurs et précaires s'adresse à tous et toutes, travailleurs salariés, travailleurs sous contrat précaire, sans-revenus, etc. Ces propostions et d'autres
doivent provoquer des débats et des convergences, notamment avec le monde syndical.
Pour finir, il est important de souligner la dimension européenne des revendications explicitées dans ce texte, puisque des luttes sur des bases similaires ont été mises en place dans différents pays, comme l'Etat espagnol, l'Italie, etc. De plus, elles sont à mettre en perspective avec les mobilisations qui vont avoir lieu à Nice les 6, 7 et 8 décembre. De toute façon, la question de la réappropriation et de la redistribution des richesses éclate le cadre national et se pose évidemment au niveau mondial.