arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le troisième homme: Ralph Nader
by protesta Thursday November 09, 2000 at 12:55 PM
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Ignoré pendant toute la campagne par les grands médias, il a brutalement retrouvé la une des journaux il y a une dizaine de jours. Car dans plusieurs Etats (Oregon, Washington…), le vote Nader menace de faire trébucher Gore.

Les démocrates l'ont exhorté à renoncer à faire campagne dans ces Etats, en vain: "Le principal adversaire d'Al Gore, c'est Al Gore lui-même", tranche le candidat vert.
Ralph Nader, 66 ans, est une figure. Avocat de formation, il commença à faire parler de lui il y a 35 ans de cela, lorsqu'il publia un livre dans lequel il détaillait par le menu les vices de fabrication des autos américaines. Dans la foulée du succès alors obtenu, ce fils d'immigrants libanais s'attaqua aux assureurs, s'opposa aux partisans de l'énergie atomique, croisa le fer avec les industriels de la chimie, les avocats et autres, sans cesser de dénoncer la mainmise des lobbys sur l'administration publique.
Dans son discours d'acceptation, le 24 juin dernier, Ralph Nader s'est livré à une charge à fond de train contre l'ensemble de la classe politique de son pays, qu'il juge si vouée à la défense des intérêts des entreprises que la démocratie américaine est en danger. Désormais, "notre démocratie est contrôlée par une corporation de ploutocrates". Le diagnostic qu'il fait de l'état de la nation est d'autant plus sombre que toutes les sphères de la société civile sont sous la coupe du big business. Non contente d'acheter les élections en inondant d'espèces sonnantes les partis traditionnels, cette assemblée de ploutocrates, pour reprendre son expression, utilise ses conglomérats médiatiques pour exclure, divertir et faire de la propagande, et menace de fermeture et de délocalisation les usines où les travailleurs n'acceptent pas certaines conditions, tout en jouissant de l'impunité que lui confère son contrôle effectif du Congrès américain.
Son but est d'obtenir 5 % des voix, afin d'accéder aux fonds fédéraux pour la prochaine présidentielle, en 2004. Ces derniers mois, des foules enthousiastes de 10 à 15.000 personnes, surtout des jeunes, ont acclamé Nader à New York, Portland, Minneapolis, Seattle, Boston ou Chicago. Dans ses discours, Nader dénonce le fait que ces dernières années, 200 milliards de dollars (10.000 milliards de FB) ont été transférés du secteur social vers les grandes entreprises. Le principal programme de logement de ce pays, dit-il, consiste à construire des prisons. Il parle de l'oligarchie qui s'est arrogé tout le pouvoir et qui, via les démocrates et les républicains, corrompt l'Etat.
A Chicago, Nader a déclaré: "L'économie est en croissance permanente. Les entreprises se portent on ne peut mieux. Comment se fait-il, dans ce cas, que les travailleurs s'en sortent de moins en moins, alors que les directeurs des grandes multinationales palpent 50.000 dollars (2,5 millions de FB) par jour? D'un côté, vol et rapacité sans bornes. De l'autre, pauvreté, désespoir, angoisse."
Au ÉU, selon un récent sondage d'opinion de la firme Harris, 82% des répondant-e-s pensaient que "le gouvernement travaille pour quelques-uns et non pour la majorité de la population". Plus de 80% pensaient que l'économie est "fondamentalement injuste" et 95% que les entreprises devraient sacrifier un peu de leurs profits au bénéfice des travailleur-euse-s et des communautés.
Après dépouillement de 96% des bureaux de vote, le vice-président obtenait 47,754 millions de voix (49%) contre 47,492 millions à son adversaire (48%). Le candidat des Verts Ralph Nader était crédité de 3% des voix, notamment en Floride où il a récolté plus de 96.000 voix (2%).