arch/ive/ief (2000 - 2005)

La Belgique cédera-t-elle aux chantages d'Ankara?
by INFO-TURK Thursday August 24, 2000 at 10:47 PM
info.turk@pi.be

La Belgique se trouve une fois de plus en face des chantages et des menaces d'un régime répressif dans la famille européenne après l'assignation de Fehriye Erdal, jeune militante de gauche turque, à résidence.

La Belgique cédera-t-elle

aux chantages d'Ankara?

 La Belgique se trouve une fois de plus en face des chantages et des menaces d'un régime répressif dans la famille européenne après l'assignation de Fehriye Erdal, jeune militante de gauche turque, à résidence.
 Tout d'abord, le quotidien Hürriyet du 20 août a rapporté que l'ambassadeur turc M. Temel Iskit aurait transmis une note du ministre turc des affaires étrangères, M. Ismail Cem,  à son homologue belge M. Louis Michel, dans laquelle on demandait le renvoie immédiat d'Erdal en Turquie.
 Le lendemain, les quotidiens flamands De Standaard et Het Nieuwsblad ont rapporté qu'une compagnie de réparation navale anversoise, SKB, serait empêchée de conclure un contrat estimé à plus de 3 milliards de FB avec le ministère turc de la Défense nationale aussi long temps que Erdal n'est pas livrée à la Turquie.
 Les milieux d'affaires et certains hommes politiques proches du régime d'Ankara se sont alarmés de cette information et surtout d'un boycott éventuel de toutes les entreprises belges par la Turquie.
 En effet, selon La Libre Belgique du 22 août, la Turquie était le 18e client de la Belgique. Pour les 4 premiers mois de l'année 2000, les exportations belges en Turquie avaient progressé de 71 pc - atteignant 22 milliards -, à un niveau record. Une cinquantaine d'entreprises belges avaient pris pied sur le marché turc bien juteux.
 Il faut rappeler qu'à la tête de la défense nationale turque se trouve depuis plus d'un an un des leaders du mouvement néo-fasciste turc, à savoir un Loup Gris. Ce ministre,  M. Sabahattin Cakmakoglu, lors de la conférence internationale des ministres européens sur la défense nationale en février 2000 à Munich, avait déclaré qu'il ne voyait rien inquiétant dans la participation du FPÖ au gouvernement autrichien. Malgré cela, il a été accueilli chaleureusement en Belgique alors que les ministres néo-fascistes autrichiens et leurs collègues étaient toujours déshonorés.
 De plus, le gouvernement actuel d'Ankara, tout en continuant à exercer une répression honteuse contre ses opposants, n'hésite pas d'accuser même le nouveau président de la République Ahmet Necdet Sezer de mettre en péril la sécurité du pays par son veto contre un décret gouvernemental visant à chasser des services publics tout ce qui est suspecté de "séparatisme ou islamisme".
 Malgré cela, le ministre néo-fasciste de la Défense nationale ainsi que le gouvernement actuel dominé par les Loups Gris ont toujours été considérés "partenaires crédibles". Encouragé de cette tolérance, le gouvernement d'Ankara n'hésite pas aujourd'hui de menacer la Belgique.
 D'ailleurs, l'ingérence d'Ankara dans les affaires intérieures belges ne se manifeste pas pour la première fois. Dans le passé, depuis le coup d'état militaire du 12 mars 1971, les gouvernements répressifs d'Ankara avaient toujours tenté d'exercer les pressions pareilles sur les autorités belges pour que ses opposants réfugiés en Belgique soient déclarés persona non grata. Les archives d'Info-Türk sont pleines d'exemples de ces tentatives honteuses qui ont été repoussées par les autorités belges.
 Aujourd'hui, l'affaire Erdal met l'actuel  gouvernement belge à l'épreuve.
 Le gouvernement bleu-rouge-vert, qui s'est déclaré fort attaché à des valeurs démocratiques par son opposition à l'accès au pouvoir du parti néo-fasciste en Autriche ainsi que par son insistance pour l'inculpation du général Pinochet au Chili, pourra-t-il arrêter tout de suite la vente d'armements à un pays sous un régime militariste co-dirigé par des néo-fascistes?
 Quant à Fehriye Erdal qui est en grève de la faim depuis le 14 juillet en protestation contre le non-respect des décisions de la justice belge par le ministre de l'Intérieur, elle se trouve actuellement en face des trois menaces si le gouvernement belge ne tient pas compte de réalités de la Turquie actuelle:
 1. Elle risque de périr dans sa résidence forcée dans les jours qui viennent. Son médecin avait déjà annoncé qu'Erdal aurait perdu depuis le 14 juillet plus de ±20% de son poids. Va-t-elle tenir le coup longtemps? Déjà le 14 août, son médecin particulier, Dr. Van Moorter, répondait: "Difficile à prévoir. Chez les grévistes de la faim de l'IRA, dans les années 80, il y a eu des morts entre le 45e" et le 61e jour. Elle est donc à deux semaines de la période létale. Des signes très alarmants. La vie de cette femme est gravement menacée. Si on veut encore la sauver, il faut agir vite."
 2. Même si elle peut résister pendant cette période létale, elle pourra être victime d'un assaut des forces occultes du régime d'Ankara à la même adresse divulguée à Charleroi.
 Lors de la résidence surveillée d'Abdullah Ocalan en Italie, les médias turcs avaient provoqué la communauté turque contre les défenseurs des droits du peuple kurde, et c'est suite à ces provocations que les militants d'extrême-droite turcs, Loups Gris, avaient mis en feu deux locaux kurdes à Saint-Josse sous la tolérance incroyable et sans précédent des services de sécurité bruxellois.
 En résidence surveillée, soit en Belgique soit dans un "pays tiers", Fehriye Erdal peut être kidnappée ou simplement assassinée par des Barbouzes du gouvernement turc ou des Loups Gris dont le parti est actuellement dominant dans le gouvernement actuel turc.
 3. Si le gouvernement belge envoie Erdal vers "un pays tiers", la jeune femme sera exposée à une autre menace: celle d'enlèvement par les services de renseignements turcs. L'opération d'enlèvement d'Ocalan par les forces occultes turques avec la complicité directe des services de renseignement des Etats-Unis et d'Israël n'est pas encore oubliée.
 En effet, le quotidien Hürriyet du 20 août révèle les plans sinistres d'Ankara relatifs au destin de la jeune femme si elle sera envoyée par la Belgique vers un "pays tiers".
 "Ayant acquis une réputation internationale sur le plan d'empaquetage après l'enlèvement des terroristes comme Abdullah Ocalan et Semdin Sakik, la Turquie surveille de proche Fehriye Erdal. Ankara considère très avantageux l'envoi d'Erdal à un "pays tiers" extra-européen, car il s'avère difficile de la récupérer d'un des pays européens," rapporte le Hürriyet.
 A la lumière de ces faits, le gouvernement belge pourra-t-il repousser les chantages du gouvernement turc et accorder un traitement juste et équitable à Fehriye Erdal comme prévu dans les conventions internationales et dans les jugements de la justice belge?
 Si on cède une fois devant les menaces actuelles dans l'affaire Erdal, cette concession constituera un feu vert pour les autres tentatives plus audacieuses du régime d'Ankara ainsi que celles d'autres régimes répressifs.

 
_____
*) Un des avocats d'Erdal, Maître Jan Fermon, au cours d'une conférence de presse le 18 août, a analysé le comportement du gouvernement belge en ces termes:
 "Les autorités belges sont par contre au courant des menaces terroristes faites ouvertement en Turquie à l'encontre des militants révolutionnaires turcs en Belgique.
 "Mais elles ne prennent aucune mesure pour protéger l'ordre public contre ces menaces d'envoi de commandos turcs de tueurs en Belgique.
 "Elles préfèrent montrer du doigt Madame Erdal et la faire passer pour une criminelle.
 "A plusieurs reprises depuis le 26 septembre 1999, date de l'arrestation de Madame Erdal, les autorités belges ont montré qu'elles n'ont pas la possibilité, ni la volonté de la protéger.
 "Madame Erdal ne peut compter que sur ses amis et elle-même pour se protéger.
 "Pour cela, elle doit être libérée immédiatement et inconditionnellement.
 "Elle s'engage pour sa part à se rendre à toute convocation de la Justice transmise par ses conseils (avocats).
 "Elle veut choisir elle-même le lieu où elle résidera et où elle pourra s'occuper de sa sécurité.
 "A cette condition, elle arrêtera sa grève de la faim.
 "J'ai l'impression que le ministre de l'Intérieur veut créer une atmosphère d'insécurité autour d'elle, pensant ainsi résoudre le problème diplomatique qu'il a avec le gouvernement turc.
 "Il faut que le ministre arrête sa politique de criminalisation à l'encontre de Madame Erdal.
 "Il doit y avoir un changement fondamental de l'attitude du ministre à son égard.
 "Il doit se préoccuper d'abord de sa sécurité en ne l'extradant ni vers la Turquie, ni vers un pays tiers où elle deviendrait une proie pour le chat (les autorités turques).
 "L'asile politique doit lui être accordé par la Belgique.
 "Dans cette affaire, l'Etat belge suit entièrement la politique de la Turquie à savoir que l'activisme communiste est assimilé à une activité criminelle.
 "Il y a une coopération effective depuis le début de cette affaire.
 "Il y a d'abord les pièces du dossier rassemblées par le Juge d'Instruction, confidentielles, qui se sont retrouvées dans la presse turque.
 "Qui a été à la base de cette fuite, sinon les autorités?
 "Il y a ensuite l'accord de coopération de 1996 contre le terrorisme conclu entre la gendarmerie belge (général De Ridder, ex-chef de la gendarmerie) et la  police turque aux pratiques fascistes.
 "Enfin, la Turquie et la Belgique ont des accords dans le cadre de l'Otan pour lutter contre l'ennemi intérieur (les mouvements militants ouvriers, démocrates et communistes). Dans l'affaire Erdal, nous avons une application directe de ces accords."