arch/ive/ief (2000 - 2005)

Au secours, la littérature raciste revient !
by @den Tuesday July 04, 2000 at 11:50 PM

Nous savions que le fascisme n'était pas mort en 1945. Nous le savions ! Bien sûr, il y a la pointe de l'iceberg: l'Autriche et sa mauvaise Haïder de nazisme. Mais il y a d'autres signes. Plus profonds, plus inquiétants.

Depuis quelques mois, en France, ressortent des romans, des textes à connotation antisémite. Cette dynamique vient de franchir un pas supplémentaire avec l'affaire Renaud Camus qui a récemment publié un livre "La campagne de France" aux propos sévèrement antisémites. Face au tollé de certains intellectuels, le livre fut retiré de la vente mais réussit à se forger un énorme capital de sympathie dans une partie importante de l'intelligentsia française. Etrange quand on sait que Fayard, l'éditeur(1), n'en est pas à sa première bavure antisémite. (2) Autre signe révélateur, on parle de plus en plus de rééditer les pamphlets les plus violemment antisémites de Céline. Signe des temps plutôt inquiétant.(3) Soulignons l'excellent analyse de Philippe Val (4): "Tout cela n'arrive pas par hasard. Depuis 1945, la droite n'a plus de grands penseurs, de grands artistes…Drieu, Céline, Rebatet, Chardonne, Brassilach, Léon Daudet et tant d'autres, ne sont plus sortables en société. Et la droite en a marre. Lentement, sûrement, avec la complicité de l'indifférence générale, elle est en train de réhabiliter ce qui, pour elle, constitue une image légitime de cette France profonde. (…) Maurras, Céline et leurs avortons contemporains sont en voie de banalisation." Val se lance alors dans une très belle idée de la littérature: " Je pense qu'il ne peut pas y avoir de littérature raciste. Pour moi, c'est aussi impossible que de l'eau sèche ou un rond carré. Il y a eu quantité de racistes qui ont fait de la littérature, mais seulement lorsque leur racisme ne s'exprimait pas dans leurs écrits. L'écrit raciste entre dans une autre catégorie. Il est une propagande utilitariste qui n'a de commun avec la littérature que l'utilisation de l'encre et du papier.
(…) La valeur d'Homère, d'un conte africain, d'une légende bretonne (…) c'est qu'éventuellement n'importe quel lecteur, d'où qu'il soit, quels que soient son origine, son âge ou son sexe, peut y trouver son histoire. La littérature rassemble, et sa raison d'être est son universalité. Elle est le contraire de l'exclusion de l'autre." Rien à ajouter et vous ?

(1) Le PDG de Fayard, Claude Durant est l'homme qui propulsa Soljenitsyne dans l'édition française. Le dissident soviétique est actuellement connu pour ses positions conservatrices très sévères.

(2) Voir la publication "Bible du tiers monde" au relent d'antijudaïsme primaire.

(3) Source: L'événement du jeudi, n°28, 25 mai 2000.

(4) Val est éditorialiste à Charlie Hebdo, ce texte a été publié dans ce journal le 7 juin 2000